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Publié le 17 jan 2022Lecture 7 min
Infections respiratoires et vaccination chez les patients insuffisants cardiaques
Dr Emmanuelle BERTHELOT, Hôpital Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre), Pr François ROUBILLE, CHU de Montpellier
Les maladies virales et bactériennes sont fréquemment associées à des épisodes d’insuffisance cardiaque aiguë chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque chronique (ICC). La vaccination antigrippale est plutôt en faveur d’amélioration du pronostic dans l’ICC. La HAS et l’ESC recommandent la vaccination antigrippale, antipneumococcique et anti-Covid-19 chez les patients atteints de pathologies chroniques sévères, et en particulier les patients atteints d’ICC. Les taux de vaccination des patients sont encore trop faibles.
Les maladies virales et bactériennes sont des facteurs fréquemment associés à des épisodes d’insuffisance cardiaque aiguë chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque chronique (IC). Les mécanismes sous-jacents de la décompensation sont liés à une augmentation du travail cardiaque et une réponse inflammatoire liée à l'infection. Ainsi, les virus et les infections en général sont liés à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire dans l'IC. La vaccination contre la grippe, le pneumocoque et la Covid-19 est devenue au fil du temps un point clé de la prise en charge de l'ICC.
La grippe saisonnière
La grippe saisonnière est une maladie virale qui touche chaque année entre 3 et 5 % de la population française. L'infection grippale est un événement grave pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque. Ces patients ont une réserve circulatoire faible. Chez les patients insuffisants cardiaques, il existe une relation entre l’infection grippale et un impact négatif sur la fonction cardiaque. Par conséquent, l’infection grippale peut entraîner une décompensation ou une exacerbation de symptômes d'IC(1). Plusieurs vaccins existent et contiennent des souches de virus inactivé. Les vaccins antigrippaux sont habituellement bien tolérés. Les principaux effets indésirables sont des réactions localisées (douleur au point d'injection) et des réactions générales (fièvre, fatigue, frissons, douleurs musculaires ou articulaires). Ils disparaissent généralement en 1 ou 2 jours(2). La vaccination contre la grippe saisonnière réduit le risque de mortalité toutes causes confondues et le risque de mortalité cardiovasculaire des patients atteints d'insuffisance cardiaque, comme cela a été confirmé dans plusieurs essais randomisés(3,4). La HAS et l’ESC recommandent la vaccination antigrippale saisonnière annuelle chez les patients de plus de 65 ans ou atteints d’une maladie chronique telle que l’ICC. Les données actuelles montrent que la couverture vaccinale dans cette population est insuffisante (50 % de personnes vaccinées).
Les pneumonies à pneumocoque
Le Streptococcus pneumoniae provoque des pneumopathies, des méningites et des otites. Il est responsable d’hospitalisations et d’un taux de mortalité élevé chez les patients atteints de maladies chroniques. Chez les patients avec insuffisance cardiaque, l’incidence des pneumopathies à pneumocoque est connue comme élevée(5). Les pneumocoques existent sous différents types : plus de 90 sérotypes ont été identifiés. Ces sérotypes se différencient par leur virulence et leur résistance aux antibiotiques. Les vaccins antipneumococciques visent les sérotypes impliqués le plus souvent dans les infections. Les vaccins contre les infections à pneumocoque sont constitués de fragments de différents sérotypes de pneumocoques. Il existe 2 vaccins contre le pneumocoque chez l’adulte en France : le vaccin conjugué 13-valent (Prevenar® 13), qui contient 13 sérotypes du pneumocoque, et le vaccin antipneumococcique polysaccharide 23-valent (Pneumovax® ou PPSV® 23). Le calendrier vaccinal est une injection avec le vaccin à 13 sérotypes suivie d’une injection avec le vaccin 23-valent. Une revaccination est possible avec le vaccin 23-valent après un délai minimal de 5 ans. Les effets secondaires sont classiques (fièvre, douleurs musculaires, rougeur au point de ponction)(2). Les arguments soutenant l’effet de la vaccination sont limités à l'observation dans les registres et à des analyses rétrospectives. Dans l'étude OPTIMIZE-HF, une pneumonie ou une atteinte respiratoire a aggravé 15,3 % des cas l’IC et la présence d’une pneumonie était associée à une mortalité hospitalière plus élevée(6). Dans une vaste étude rétrospective cas-témoins au Canada, les patients vaccinés contre le pneumocoque avant l'admission présentaient moins de risque d’infarctus ou d’AVC. Les données dans l’IC n’ont pas fait l’objet d’essai randomisé à l’heure actuelle(7). La HAS et l’ESC recommandent la vaccination antipneumococcique chez les patients de plus de 65 ans ou atteints d’une maladie chronique telle que l’ICC. Les données actuelles montrent que la couverture vaccinale dans cette population est insuffisante (16 % de personnes vaccinées).
La pneumopathie à SARS-CoV-2 et Covid-19
Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, plusieurs études observationnelles ont montré que pendant le confinement, la détresse psychologique et la diminution du bien-être étaient courantes chez les patients atteints d'ICC. Il y avait une moins bonne observance aux règles hygiéno-diététiques (régime, exercice). Ces changements ont pu avoir un impact négatif sur les pronostics à court et à long terme. L'observance des médicaments a été maintenue et les limitations d'accès aux soins ont été en partie contrebalancées par l'utilisation de la télésanté(8). Les patients atteints d'ICC sont souvent âgés et présentent généralement plusieurs comorbidités, comme l'hypertension, l'obésité, le diabète de type 2, la coronaropathie, l'insuffisance rénale et la bronchopneumopathie chronique obstructive. Lorsqu’ils sont infectés par le SARS-CoV-2, ils sont susceptibles de développer des formes sévères de pneumonie et leur pronostic est plus sombre comme le montre une étude française multicentrique(9). Les patients insuffisants cardiaques paient un lourd tribut à la pandémie de Covid-19 en développant des formes pulmonaires sévères, qui peuvent être mortelles. Actuellement, il existe plusieurs types de vaccins anti-Covid-19 disponibles dans le monde. Pour l’instant, il n’est pas démontré d’effet secondaire notable dans la population des insuffisants cardiaques avec les vaccins à ARN. La vaccination est recommandée chez le patient ICC par la HAS, les sociétés savantes et l’ESC. Le calendrier vaccinal futur n’est pas encore connu. Il n’y a pas à l’heure actuelle de données sur les effets de la vaccination anti-Covid-19 en termes de pronostic chez le patient IC. Les patients qui ont été vaccinés contre la Covid-19 doivent continuer à prendre des mesures de précaution, notamment l'utilisation de masques, l'hygiène des mains et la distanciation physique.
Conclusion
Les infections virales et bactériennes jouent un rôle négatif sur l’évolution de l’ICC. Ainsi, la vaccination contre la Covid-19, au même titre que celle contre la grippe et le pneumocoque sont recommandées et indispensables. Les vaccinations devraient être proposées au plus tôt aux patients atteints d'ICC car ils représentent une population particulièrement vulnérable. Les couvertures vaccinales chez les patients IC sont insuffisantes. Alors, qu’attendez-vous pour faire vacciner vos patients ?
Questions pratiques sur les vaccins contre les infections respiratoires chez les patients insuffisants cardiaques.
Quand proposer les vaccinations contre les infections respiratoires aux patients insuffisants cardiaques ?
Chaque consultation chez le médecin ou le cardiologue est l’occasion de faire le point sur les vaccinations : visite initiale de diagnostic, visites de routine, renouvellement d’ordonnance, visite ou séjour hospitalier pour un événement intercurrent (décompensation, complication, épisode infectieux, détérioration de l’état clinique), consultation post-hospitalisation, etc. L’arrivée de la saison froide est souvent l’occasion de réaliser la vaccination contre la grippe, mais d’autres vaccinations peuvent être proposées tout au long de l’année (vaccination antipneumococcique, par exemple).
Peut-on administrer les vaccins contre la grippe, les infections pneumococciques et la Covid-19 le même jour ?
Il est possible d’administrer au cours de la même visite les vaccins contre la grippe et la Covid-19 afin d’éviter tout délai dans l’administration de l’un ou l’autre des vaccins. Les deux injections peuvent être réalisées sur deux sites de vaccination distincts (en pratique, un vaccin dans chaque bras). D’une manière générale, cette règle s’applique à toute association entre le vaccin anti-Covid-19 et les autres vaccins du calendrier vaccinal.
Le schéma vaccinal contre les infections pneumococciques doit-il être répété ultérieurement ?
La nécessité de revaccinations ultérieures pourra être reconsidérée en fonction de la disponibilité des données d’efficacité.
Existe-t-il des contre-indications à la vaccination ou des précautions d’emploi avec les traitements de l’insuffisance cardiaque ?
Les traitements médicamenteux de l’insuffisance cardiaque tels que les diurétiques et les bêtabloquants n’entraînent pas de contre-indication à la vaccination ni de précautions d’emploi.
Peut-on vacciner lors d’un épisode infectieux ?
La présence d’une infection mineure ou d’une fièvre de faible intensité ne doit pas retarder la vaccination. L’existence d’une maladie fébrile (> 38°C) ou d’une infection aiguë modérée ou sévère ne contre-indique pas la vaccination mais peut conduire à la différer de quelques jours.
Peut-on vacciner au décours d’une décompensation d’une insuffisance cardiaque ?
Une hospitalisation est l’occasion de s’enquérir du statut vaccinal et d’organiser la mise à jour du calendrier vaccinal à distance de l’épisode aigu.
Faut-il vacciner en cas d’antécédents de grippe, d’infection pneumococcique ou de Covid-19 ?
La vaccination garde tout son intérêt en cas d’antécédents de grippe, d’infection pneumococcique ou de Covid-19. Pour les personnes préalablement infectées par le SARS-CoV-2, le schéma vaccinal contre la Covid-19 pourra être adapté.
Quelle est la conduite à tenir devant un statut vaccinal incomplet, inconnu ou incomplètement connu ?
En cas de statut incomplet, l’ensemble du schéma vaccinal ne doit pas être repris car chaque dose reçue compte. La règle est de compléter les doses manquantes ou de reprendre le schéma vaccinal là où il a été interrompu, en respectant les intervalles entre les doses.
En cas de statut vaccinal inconnu ou incomplètement connu, un rattrapage vaccinal est indiqué. En effet, il n’est pas dangereux d’administrer des vaccins à une personne déjà immunisée.
Faut-il vacciner l’entourage des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque ?
La vaccination de l’entourage (personnel soignant, famille proche, etc.) est une mesure importante de protection des patients insuffisants cardiaques chez lesquels la vaccination n’est pas aussi efficace que chez les individus en bonne santé. Par conséquent, on recommandera à l’entourage du patient le calendrier vaccinal de base ainsi que la vaccination antigrippale annuelle.
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