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Focus

Publié le 31 mai 2014Lecture 5 min

Apport de l’IRM dans les cardiopathies arythmogènes

H. COCHET, Institut de Rythmologie et modélisation cardiaque (IHU Liryc - Inserm U1045), Bordeaux Département d’Imagerie thoracique et cardiovasculaire, CHU de Bordeaux

Les arythmies ventriculaires sont responsables de 80 % des 350 000 morts subites d’origine cardiaque survenant chaque année en Europe. Ces arythmies létales surviennent dans la grande majorité des cas sur un tissu myocardique altéré. Une fois reconnus, les patients à risque sont accessibles à une thérapie préventive, soit médicale, soit par la mise en place de défibrillateurs implantables, ou même curative par ablation. L’IRM permet une caractérisation du myocarde et trouve donc des applications dans le diagnostic étiologique, le guidage thérapeutique et la stratification du risque de mort subite. 

Diagnostic étiologique  L’arythmie constitue parfois le mode d’entrée dans la maladie et le substrat en cause est alors occulte. Le diagnostic étiologique par IRM repose principalement sur deux méthodes d’imagerie : l’imagerie cinétique et l’imagerie de rehaussement tardif après injection de gadolinium. L’imagerie cinétique Elle permet à la fois une quantification robuste des volumes et de la fonction systolique biventriculaire, mais également une étude qualitative de la cinétique segmentaire. La méthode se montre particulièrement pertinente dans l’étude du ventricule droit et occupe, de ce fait, une place centrale dans le diagnostic de dysplasie arythmogène du ventricule droit(1). L’imagerie de rehaussement tardif L’imagerie de rehaussement tardif (RT) permet une détection des zones focales de fibrose au sein du myocarde. Son contraste repose sur la distribution d’un traceur extracellulaire qui va se concentrer au sein des zones fibreuses du fait de l’augmentation locale du secteur interstitiel. Le diagnostic étiologique reposera alors sur l’étude de la distribution des rehaussements (figure 1). La valeur ajoutée de l’IRM dans cette enquête étiologique a récemment été documentée chez les patients adressés pour mort subite récupérée ou tachycardie ventriculaire soutenue(2). Les auteurs rapportent que l’IRM établit un diagnostic différent de celui déterminé par le couple coronarographie-échocardiographie chez 50 % des patients, dont 24 % auraient été considérés comme des cœurs structurellement sains sans l’apport de l’IRM.   Figure 1. Distribution du rehaussement tardif IRM dans les cardiopathies arythmogènes les plus fréquentes. Guidage de l’ablation Le mécanisme le plus fréquemment en cause dans les arythmies ventriculaires est celui de la macro-réentrée sur cicatrice. L’ablation constitue à ce jour la seule stratégie curative. Les développements technologiques récents permettent l’acquisition de cartes électrophysiologiques endocardiques et épicardiques tridimensionnelles. Il devient donc désormais possible d’intégrer, au cours des procédures, des données tridimensionnelles issues de l’imagerie, afin d’assister la navigation des cathéters. La faisabilité d’une intégration d’image a été démontrée et une grande variété de méthodes a été utilisée afin d’identifier le substrat (scanner, TEP, IRM)(3-5). Les études utilisant le RT IRM rapportent une excellente corrélation avec les cicatrices définies sur les données de voltage, même si une sous-estimation des cicatrices par le voltage semble constante. Cette sous-estimation s’explique à la fois par le signal de champ lointain détecté par les cathéters sur les bords des cicatrices et par le faible impact sur le voltage des cicatrices intramurales ou sous-épicardiques. En dehors du voltage, quelques études ont rapporté une bonne corrélation entre les cicatrices définies par l’imagerie et les cibles de l’ablation(3,5,6). Au-delà du substrat, il est également possible de combiner les données IRM à des données issues du scanner(6) afin de proposer à l’opérateur des détails anatomiques pertinents en particulier pour l’ablation épicardique (artères coronaires, nerf phrénique gauche) (figure 2).   Figure 2. Guidage de l’ablation sur les données fusionnées scanner-IRM chez un patient porteur d’une dysplasie arythmogène du ventricule droit.    À ce jour, l’impact de l’intégration d’image sur la stratégie d’ablation et le devenir des patients restent inconnus. Il fait cependant peu de doute que l’inté gration d’image fera partie de la pratique courante de l’ablation dans un proche avenir. En effet, la méthode devrait permettre de réduire la durée de procédure en focalisant la cartographie sur des zones préalablement définies, de diminuer le risque de lésions coronaires ou phréniques lors des procédures épicardiques et, enfin, d’augmenter l’efficacité du traitement en assurant que l’ensemble du substrat a été cartographié. Stratification du risque  La stratégie de prévention primaire actuelle consiste en l’implantation de défibrillateurs avec, comme critère d’indication principal, une mesure de la fraction d’éjection (FE) ventriculaire gauche. Cette FE peut être mesurée par diverses méthodes d’imagerie (isotopique, échographique, IRM). Si les recommandations actuelles ne préconisent pas une méthode particulière, il est important de noter qu’un même seuil de FE est retenu pour l’implantation, alors qu’il existe des biais systématiques de mesure entre les méthodes. La méthode IRM est considérée à ce jour comme la référence en termes de reproductibilité, et sera donc employée préférentiellement dans cette indication, bien que cette approche reste très dépendante de la disponibilité locale de la méthode. Si les critères actuels d’implantation en prévention primaire ont démontré un rapport coût-bénéfice favorable, cette stratégie est associée à un grand nombre d’implantations inutiles. De plus, l’approche est coûteuse et associée au risque de thérapies inappropriées avec un effet délétère sur la qualité de vie. Enfin, une large majorité des patients présentant une mort subite d’origine cardiaque reste non détectée par les critères de sélection actuels et ne peut donc être protégée. Les caractéristiques histologiques des zones critiques responsables des tachycardies sur cicatrice sont connues depuis plus de 20 ans. Les circuits à conduction lente nécessaires au phénomène de réentrée surviennent dans les zones ou coexistent plages de fibrose et cellules myocardiques survivantes (zone grise). L’IRM permet une caractérisation du tissu myocardique, et a donc été proposée comme méthode additionnelle dans la stratification du risque. Plusieurs approches ont été décrites, basées sur une analyse du signal ou de la forme des cicatrices sur des images de RT. Les résultats suggèrent que le risque augmente avec la taille(7) et l’hétérogénéité(8) de l’infarctus. S’ils sont prometteurs, ces résultats sont issus d’études animales ou de séries cliniques de petite taille, et comprenant exclusivement des patients ischémiques. Une confirmation prospective et multicentrique est souhaitable. Conclusion L’IRM est une méthode versatile permettant à la fois une exploration reproductible de la fonction globale et segmentaire biventriculaire, et une détection des zones cicatricielles au sein du myocarde.  Pour l’heure, la méthode occupe une place centrale dans le diagnostic étiologique des arythmies ventriculaires et dans la mesure de la FE ventriculaire gauche avant implantation de défibrillateur en prévention primaire de la mort subite.  Des travaux récents ont clarifié les liens étroits entre l’arythmie et le substrat accessible par imagerie de RT IRM.  La caractérisation précise des cicatrices par IRM trouve donc actuellement de nouvelles applications dans le guidage de l’ablation et la stratification du risque de mort subite.

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