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Polémique

Publié le 15 déc 2018Lecture 5 min

Implantation d’une prothèse - Faut-il poursuivre les AOD ?

Claude KOUAKAM, Institut Cœur Poumon, CHU Lille

La question est relativement courante en pratique : chez un patient traité par un anticoagulant oral, pour une fibrillation atriale (FA) notamment, comment gérer l’anticoagulation lors de l’implantation d’une prothèse rythmique (stimulateur ou  DAI) ? La réponse n’est pas toujours aussi aisée car il faut à chaque fois mettre en balance le risque hémorragique et le risque thromboembolique qui dépend de la durée « acceptable » sans couverture par le traitement préventif. 

La complication hémorragique la plus fréquente est l’hématome de loge (0,5- 5 %) qui peut prolonger l’hospitalisation, nécessiter une réintervention ou majorer le risque d’infection (figure 1). Le risque de perforation cardiaque ou du sinus coronaire est plus rare mais potentiellement plus grave. Tout traitement anticoagulant lors d’une procédure d’implantation augmente l’incidence de cette complication. Figure 1. Volumineux hématome de loge après implantation de stimulateur sous traitement anticoagulant. Concernant les AVK, le débat est clos depuis la publication il y a 5 ans de l’étude BRUISE CONTROL qui avait démontré une réduction de 80 % de l’incidence des hématomes de loge lorsque la procédure était effectuée sans arrêt de la warfarine (3,5 % vs 16 % ; RR : 0,19 ; p < 0,001)(1). Cependant, la majorité des patients avec FA sont désormais traités par anticoagulants oraux directs (AOD). La gestion périopératoire de ces nouveaux traitements est moins bien codifiée en raison de l’absence de consensus, même si les récents guides pratiques de l’EHRA, par analogie aux AVK, recommandent une brève interruption sans relais voire leur maintien(2). Afin d’évaluer la question des AOD, l’étude BRUISE CONTROL-2 – dont les résultats ont été rapportés lors du congrès de l’AHA en 2017–, a testé l’hypothèse selon laquelle l’implantation d’un stimulateur ou d’un DAI est aussi sûre sous traitement par AOD. Les résultats de cette n’ont toutefois pas été publiés à l’heure de la rédaction de cet article. Méthodologie de l’étude BRUISE CONTROL-2 et stratégies de gestion des AOD C’est une étude contrôlée, randomisée, multicentrique, en simple aveugle qui a inclus des patients avec indication d’implantation de stimulateur/DAI, de changement de boîtier ± sondes ou de révision de loge chez des patients en FA/flutter atrial non valvulaire avec un score CHA2DS2-VASc ≥ 2 et traités par dabigatran, rivaroxaban ou apixaban depuis au moins 5 jours(3). Les patients étaient randomisés en deux groupes : • poursuite des AOD (sans interruption) durant la période opératoire, avec prise de la dose habituelle le matin de l’intervention ; • interruption des AOD, avec prise de la dernière dose de rivaroxaban ou d’apixaban 48 h avant la procédure (délai d’interruption dépendant de la fonction rénale pour le dabigatran) et reprise de la dose régulière ≥ 24 h après la procédure. Les critères d’exclusion étaient une contre-indication aux AOD (débit de filtration glomérulaire < 30 ml/min, maladie valvulaire rhumatismale significative, valve cardiaque mécanique), ou une infection active de la prothèse rythmique. Le critère de jugement principal, évalué en aveugle, était la survenue d’un hématome cliniquement significatif défini comme un hématome nécessitant : une prolongation de l’hospitalisation et/ou une interruption de l’anticoagulation ≥ 24 h et/ou une évacuation chirurgicale. Les critères secondaires comprenaient tous les autres saignements périopératoires majeurs et mineurs, les événements thromboemboliques, les coûts et la satis faction des patients. Un taux d’événements sans doute surestimé L’hypothèse de l’étude BRUISE CONTROL-2 était un taux d’hématomes cliniquement significatifs de 16 % dans le groupe interruption AOD, similaire à celui du groupe relais héparine de l’étude BRUISE CONTROL. En conséquence, un échantillon de 846 patients (423 dans chaque bras) avait été calculé pour détecter une réduction du risque relatif de 40 % du critère principal et 80 % de puissance. Deux analyses intermédiaires avaient été programmées après inclusion de 33 et 66 % des patients. Ne pas arrêter les AOD ? Possible et sûr ! Après inclusion de 662 patients dans 16 centres (15 au Canada et 1 en Israël)  entre avril 2013 et juin 2017 (figure 2), l’étude a été interrompue prématurément après la 2e analyse intermédiaire en raison d’un taux de survenue d’hématomes cliniquement significatifs bien plus faible qu’attendu et de l’absence de différence sur le critère de jugement principal. Figure 2. Détail des inclusions dans l’étude BRUISE CONTROL-2. Le tableau 1 détaille le profil des patients de l’étude BRUISE CONTROL-2. Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes, hormis une utilisation plus importante d’agents hémostatiques en peropératoire dans le groupe AOD poursuivi (p = 0,035). Le délai entre la dernière prise et le début de la procédure était de 6 h (3-14) dans le groupe AOD  poursuivi et 40 h (38-45) dans le groupe AOD interrompu. Le délai de reprise de l’AOD était en moyenne de 8 et 31 h, respectivement. Sur le critère principal, un taux identique d’hématomes cliniquement significatifs a été observé dans les deux groupes (2,1% vs 2,1% ; p = 0,973). Il n’y avait pas non plus de différence sur les critères secondaires (tableau 2). Quelles conséquences pratiques ? L’implantation d’une prothèse rythmique sous AOD n’augmente pas le taux de survenue d’hématomes cliniquement significatifs. Que l’AOD soit poursuivi ou interrompu, les deux stratégies sont associées à des taux similaires très faibles d’hématome de loge, avec en prime une sécurité équivalente. Ces deux approches semblent donc tout à fait acceptables, permettant ainsi au rythmologue d’être libre d’interrompre l’AOD chez les patients à haut risque hémorragique ou de le poursuivre chez ceux à plus haut risque thromboembolique. L’étude PAUSE fournira plus d’informations sur la relation entre la dernière prise, le taux plasmatique pré-procédural et le résultat clinique(4). Conflit d’intérêts : aucun en lien avec cet article. Références sur demande contact@rythmologies.com

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