Publié le 01 déc 2021Lecture 5 min
Prise en charge d’un non-répondeur à la CRT
Jérôme TAIEB, Aix-en-Provence
Le taux de non-répondeurs à la resynchronisation est estimé à 30 % mais il varie en fonction du critère retenu : fonctionnel (NYHA ; 6 min marche, pic VO2, score de qualité de vie), remodelage inverse du ventricule gauche, ou critères durs (mortalité, hospitalisation pour insuffisance cardiaque).
Gérer un non-répondeur à la resynchronisation implique de comprendre les causes de la non-réponse à la resynchronisation. On distingue trois situations :
• La cardiopathie n’est pas traitée de façon optimale et la resynchronisation ne suffit pas à améliorer la fonction cardiaque. Il convient de s’assurer que le patient bénéficie d’un traitement médical et interventionnel optimal de sa cardiopathie, y compris une éducation et un télésuivi. L’ESC a publié récemment une mise à jour de ses recommandations(1).
• L’insuffisance cardiaque ne relève pas ou très peu de la resynchronisation. Les recommandations de l’ESC 2021 sur le pacing précisent que le seuil électrique de désynchronisation débute lorsque le QRS est supérieur à 130 ms(2). La désynchronisation est d’autant plus délétère que le QRS est large et présente un aspect de bloc de branche gauche. Il y a peu à attendre de la stimulation de resynchronisation si le cœur est peu ou pas désynchronisé.
• Défaut de resynchronisation chez un patient relevant d’une resynchronisation.
La première question est : est-ce que la thérapie est délivrée ? Un taux de stimulation ventriculaire < 90 % est considéré comme insuffisant. Le taux de resynchronisation peut diminuer, voire s’effondrer en cas de :
– fibrillation atriale conduite (figure 1). Il est possible de programmer une fréquence plus élevée ou un algorithme pilotant une stimulation juste au-dessus de la fréquence cardiaque (AdaptivCRT™ de Medtronic). Toutefois, même si la fréquence maximale de stimulation ventriculaire est limitée, il est beaucoup plus physiologique de contrôler la fréquence en bloquant la conduction AV par des médicaments ou une ablation de la jonction AV qu’en « courant derrière » la FA. Une fréquence ventriculaire élevée induit en effet une diminution du temps de remplissage.
Figure 1. Fibrillation atriale conduite avec perte de la resynchronisation en raison de la fréquence ventriculaire élevée.
– Extrasystoles ventriculaires fréquentes (figure 2). Il convient de les contrôler par traitement antiarythmique ou ablation.
Figure 2. Extrasystoles ventriculaires fréquentes diminuant le taux de complexes ventriculaires resynchronisés.
– Délai auriculoventriculaire programmé trop long, pouvant excéder l’intervalle PR (figure 3).
Figure 3. Délai auriculoventriculaire long parfois supérieur à l’intervalle PR conduisant à une absence de stimulation ventriculaire et donc de resynchronisation.
Optimiser la synchronisation atrioventriculaire gauche
Le délai auriculoventriculaire (DAV) doit être suffisamment court pour permettre la capture ventriculaire mais aussi positionner l’onde A de vidange atriale active à distance de l’onde E du remplissage VG par relaxation ventriculaire. Il doit aussi être suffisamment long pour éviter une contraction atriale sur valve mitrale fermée. L’échographie Doppler permet de visualiser la position de l’onde A et de régler le délai associé à la meilleure vidange atriale gauche (figure 4). Cette technique présente l’avantage de visualiser la mécanique et de s’affranchir des délais électromécaniques. Elle a l’inconvénient de ne pouvoir évaluer le patient que dans des conditions de repos mais de nombreux insuffisants cardiaques sont peu actifs.
Figure 4. D. Réglage du délai AV échographique avec analyse de l’onde E et de l’onde A.
Les constructeurs ont proposé des solutions de réglage automatique du délai DAV pour s’adapter aux variations liées à l’activité, mais aussi aux changements thérapeutiques et à l’évolution de la maladie.
MicroPort mesure grâce à un microaccéléromètre intégré dans la sonde atriale le peak endocardial activity (PEA) qui est corrélé à la dP/dt max. Un algorithme teste régulièrement différents délais auriculoventriculaires mais aussi interventriculaires pour programmer automatiquement le réglage optimal au repos et en activité. L’étude RESPOND-CRT a montré que cet algorithme réduisait de 35 % les hospitalisations pour insuffisance cardiaque en comparaison au réglage échographique(3).
Les autres constructeurs analysent les temps de conduction électriques pour régler le DAV (AdaptivCRT™ pour Medtronic, SmartCRT™ pour Boston, SyncAV™ pour Abbott et CRT AutoAdapt pour Biotronik).
La conduction AV est préservée
Ils privilégient alors la fusion ventriculaire entre la conduction native et la stimulation ventriculaire gauche afin de profiter de l’activation rapide par la branche droite. Ceci apparaît sur le plan électrique comme une fusion. Le bénéfice est attendu sur la qualité de la synchronisation ventriculaire sans tenir compte du positionnement de la contraction atriale et donc pourrait théoriquement compromettre la qualité du remplissage ventriculaire gauche actif. Toutefois, le délai calculé est inférieur à la durée du PR et donc évite au maximum la contraction atriale sur valve fermée qui est la configuration la plus délétère sur le plan du remplissage.
Rappelons qu’en cas de trouble de conduction interatrial majeur, la contraction atriale gauche sur valve mitrale fermée peut persister malgré un délai AV long.
La conduction AV est altérée
Dans cette situation, la fusion n’est pas possible et la stimulation sera biventriculaire avec une adaptation électrique du DAV et un délai interventriculaire sans possibilité de fusion.
Une cause plus rare de perte de la resynchronisation est le phénomène d’inhibition par détection de l’oreillette gauche sur le canal ventriculaire gauche. Ceci peut survenir si la sonde sinus coronaire est proximale ou a reculé vers l’anneau mitral et que la détection est programmée en configuration ventriculaire gauche ou biventriculaire. C’est pourquoi, il est conseillé de ne programmer la détection ventriculaire qu’en configuration ventriculaire droite seule. C’est la programmation nominale le plus souvent.
Le taux de resynchronisation
Il est évalué sur le taux de stimulation ventriculaire délivrée mais il faut retirer les pseudo-fusions. Medtronic a développé l’algorithme AdaptivCRT™ pour identifier les complexes capturés et les fusions en excluant les pseudo-fusions grâce à une analyse de la morphologie de l’EGM en unipolaire. Le constructeur fournit ainsi le taux de stimulation et le taux de stimulation efficace.
Il a été démontré dans l’étude MADITCRT sur 800 patients que la stimulation ventriculaire gauche basale diminuait le taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de décès par rapport à la stimulation ventriculaire gauche apicale. Les sondes quadripolaires offrent la possibilité de choisir un vecteur plus proximal. Il faut savoir faire ce choix même au dépend du seuil de stimulation. Il a été montré également un bénéfice à choisir le dipôle de stimulation VG correspondant au délai interventriculaire le plus long lors de la détection de l’activité spontanée(4).
La stimulation multipoint
Elle est proposée par certains constructeurs afin d’augmenter la surface de la zone ventriculaire gauche recrutée. L’inconvénient est une consommation plus importante de la batterie. Une métaanalyse récente a conclu que les études étaient de petite taille et discordantes avec une tendance positive dans les études non randomisées et négatives dans les études randomisées(5).
Enfin, il faut se rappeler que ces patients sont souvent sous fortes doses de bêtabloquants et que l’activation de l’asservissement peut être utile pour les faire mieux répondre à leur thérapie de resynchronisation.
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