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Focus

Publié le 15 oct 2020Lecture 6 min

Quels soins locaux faut-il préconiser après implantation de prothèse rythmique ?

Gabriel LAURENT, Dijon et Séverine PHILIBERT, Paris
Fermeture de l’incision La fermeture de la zone incisée après mise en place d’un dispositif intracardiaque électrique (CIED) a une importance esthétique, mais également une influence décisive sur la prévention des infections. La technique la plus couramment utilisée est la fermeture par suture au fil (qu’il s’agisse de points séparés ou de surjets), ou par agrafes. L’utilisation de fils résorbables est une technique bien établie et efficace, permettant l’obtention d’une cicatrice fine et propre. L’utilisation d’une colle adhésive tissulaire à l’aide de cyanoacrylate de 2-octyle (2- OCA) pour la fermeture du plan cutané semble attrayante, car rapide, ne nécessitant aucun matériel particulier ni apprentissage spécifique. Cette technique présente aussi l’avantage de ne pas exposer l’opérateur au risque de se piquer avec une aiguille (figure 1). Figure 1. Colle tissulaire adhésive 2-OCA. Deux études ont étudié cette technique de fermeture. La première n’est que rétrospective et a été réalisée sur 335 patients entre 1993 et 2001, elle n’a montré aucune différence avec une suture traditionnelle, en termes de survenue d’événements indésirables (qualité de la fermeture, survenue de réactions cutanées allergiques, d’infections)(1). Plus récemment, une étude prospective randomisée chez 368 patients a étudié deux groupes cliniquement comparables (sex-ratio, diabète, insuffisance rénale, présence de corticostéroïdes, d’anticoagulants oraux et d’antiagrégants plaquettaires). Il y avait 183 patients dans le groupe 1 : colle biologique 2-OCA et 185 patients dans le groupe 2 : suture avec fil de polydioxanone résorbable. Les temps de procédure étaient similaires (49,1 +/- 27,7 min pour le groupe 1 vs 53,4 +/- 31,9 min pour le groupe 2, p = NS). En revanche, il y a eu plus de complications précoces dans le groupe 1 (fermeture insuffisante, saignement majeur et mineur, hématome de loge, érythème, inflammation cutanée, déhiscence des berges de la cicatrice et nécessité d’explantation du matériel en raison d’une infection), que dans le groupe 2 avec respectivement : 9,3 % vs 6,0 % d’événements ; p = 0,02. Par contre, aucune différence n’a été observée concernant les complications à plus long terme, et en particulier le taux d’infections est resté similaire à distance (2,7 % contre 1,6 % ; p = 0,47)(2). Une autre méthode de fermeture est l’utilisation d’agrafes. Plusieurs métaanalyses comparant les agrafes aux sutures par fil, dans le cadre de la chirurgie orthopédique, ont conduit à des résultats contradictoires(3-5). Par conséquent, le choix entre suture ou agrafes pour la fermeture cutanée des CIED continue à faire débat. Ce choix est le plus souvent individuel, voire institutionnel (coût du matériel, habitudes de service), sans fondement scientifique particulier. En revanche, les agrafes peuvent être très utiles en cas de déhiscence secondaire de cicatrice, qui surviendrait dans 1,4 % des cas. Une étude rétrospective monocentrique publiée en 2016 a inclus 759 patients en majorité diabétiques, immunodéprimés (chimiothérapie), ou bénéficiant d’un changement de boîtier, qui ont présenté une déhiscence de cicatrice dans une médiane de 6 semaines après l’intervention. Les agrafes avaient été retirées 16 jours environ après la chirurgie [9–36]. Tous ces patients ont été traités avec succès par un nouvel « agrafage » et aucune extraction n’a été nécessaire. L’agrafage dans des conditions stériles peut donc être une stratégie de traitement d’une déhiscence de cicatrice après l’implantation d’un CIED. Cela peut être effectué en ambulatoire et peut permettre d’éviter une évolution péjorative qui nécessite parfois de tout extraire(6). Les délais moyens pour le retrait des fils non résorbables et l’ablation des agrafes peuvent varier de 3 à 14 jours selon les pratiques opératoires, qu’il s’agisse d’incisions chirurgicales ou de cicatrices de plaies traumatiques. Certains facteurs comme la présence de comorbidités ou des signes de complications précoces de la cicatrice peuvent influencer ce délai(7). Dans le cadre des CIED, ce délai varie entre 7 et 10 jours selon l’aspect de la cicatrice. Nous avons colligé dans le tableau les différentes techniques disponibles ainsi que leurs avantages et inconvénients. Références : Bruns T and Worthington JM, Using Tisse Adhesive for Wound Repair: A Practical Guide to Dermabond. Am Fam Physician 2000 ; 61(5) :1383-8. Laffleur F and Bernkop-Schnürch A, Evaluation of dermal adhesive formulations for topical application. Eur J Pharma Biopharm 2018 ; 124 : 89-94. Singer AJ et al. Am J of Emerg Med 2019 ; 37 : 788-9. Rushbrook J, White G, Kidger L, Marsh P, Taggart T. The antibacterial effect of 2-octyl cyanoacrylate (Dermabond®) skin adhesive. J Infect Prev 2014 ; 15 : 236-9. Nowacki M, Pietkun K, Jundzi A, Kloskowski T, Grzanka D et al. Use of Adipose-Derived Stem Cells to Support Topical Skin Adhesive for Wound Closure: A Preliminary Report from Animal In Vivo Study. BioMed Research International 2016 ; 2016 : 2505601. Pansement Type de pansement On sait que la survenue d’un hématome de loge est associée à une morbidité accrue(8). Son incidence suite à l’implantation d’un CIED est estimée à 5 %, même si un pansement compressif classique est appliqué(9). Même s’il persiste un débat autour de l’intérêt du compressif dans la prévention des hématomes de loge, il n’y a pas d’argument scientifique permettant de trancher formellement. En outre, on sait d’expérience que la mise en place d’un compressif n’est pas toujours anodine (douleurs, dermabrasion ou réactions allergiques induites par le ruban adhésif utilisé pour fixer le pansement). C’est pourquoi de nouveaux outils de compression se sont récemment développés et ont été étudiés. Un gilet de compression (figure 2) conçu pour exercer une pression ciblée sur la loge a été évalué dans l’étude observationnelle STOP-HEMATOMA-I(10). Tous les patients étaient traités par warfarine et antiagrégants plaquettaires non stoppés. Le gilet a été utilisé chez 20 patients consécutifs comparés à 20 patients du même âge et sexe, ayant bénéficié d’une procédure comparable. Bien qu’il y ait eu trois hématomes à J2 dans le groupe gilet, l’incidence à J7 était de 0 % comparé à 30 % dans le groupe contrôle (absence de compressif). Dans le groupe contrôle, un total de six hématomes a été identifié, nécessitant une évacuation chirurgicale et une transfusion sanguine chez un seul patient. Figure 2. Gilet de compression de l’étude STOP-HEMATOMA. Une étude taïwanaise a comparé un groupe de 85 patients (écharpe de compression sans ruban adhésif [figure 3]) à un groupe témoin avec 90 patients (système conventionnel avec bandes élastiques). À sept jours post-implantation de CIED, l’intégrité cutanée était conservée chez 96,5 % du groupe écharpe vs 86,7 % du groupe conventionnel (p < 0,05) ; le taux d’hématome était de 0 % vs 7,8 % (p < 0,05)(11). Figure 3. Écharpe de compression de l’étude taïwanaise. On peut donc conclure que ces nouveaux outils de compression pourraient remplacer avantageusement le compressif « classique » en exerçant une pression uniforme sur la loge sans induire d’effets secondaires particuliers. Durée du pansement compressif Cela varie considérablement selon les équipes : certaines ne préconisent pas de pansement compressif sauf chez les patients à risque d’hématome ; d’autres en préconisent systématiquement pour une durée de 12 à 24 h selon les habitudes de service, mais il n’y a pas d’étude sur ce sujet dans la littérature. L’expérience montre que maintenir ou mettre secondairement un compressif sur un hématome déjà constitué est bien souvent plus douloureux qu’utile pour le patient, surtout s’il s’agit d’un saignement « en nappe » lié à un problème d’hémostase primaire. Il n’existe actuellement aucune recommandation des sociétés savantes pour les soins locaux qui encadrent l’implantation de CIED. Chaque centre a ses propres pratiques et les différences sont parfois importantes entre praticiens d’un même centre. Les objectifs sont principalement de prévenir les hématomes et les infections. L’utilisation de colles biologiques présente des limites, en dehors des considérations financières, et la suture au fil ou avec agrafes est une affaire d’habitude. L’utilisation d’un pansement compressif reste un sujet débattu, mais de nouveaux dispositifs dédiés semblent efficaces et pourraient être utiles dans les situations à risque. 

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