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Technologies

Publié le 08 mar 2023Lecture 5 min

Télésurveillance de l’insuffisance cardiaque - Intérêt de la transmission multiparamétrique quotidienne via des capteurs connectés

Pierre BONNAUD, service de cardiologie, CHU de Limoges

La plateforme Careline de télésurveillance de l’insuffisance cardiaque permet, via des objets connectés, un suivi multiparamétrique quotidien de paramètres cliniques, biologiques et de paramètres issus des prothèses rythmiques implantables.

Contexte   Dans l’essai randomisé TIM-HF2, la télésurveillance multiparamétrique basée sur la mesure ambulatoire et quotidienne de paramètres vitaux (poids, pression artérielle, fréquence cardiaque, SPO2, symptômes), en association à l’accompagnement thérapeutique, permettait de réduire le nombre de jours perdus par décès ou hospitalisation non planifiée(1). Cette étude met en lumière l’importance d’une approche multiparamétrique et la nécessité d’une unité de télésurveillance dédiée (telemedical center). En effet, en consultation comme à distance, l’évaluation hémodynamique du patient insuffisant cardiaque est souvent difficile, reposant sur une conjonction de symptômes, de signes évocateurs et de données paracliniques. De même, l’optimisation du traitement ne saurait se baser sur un paramètre unique. Ainsi, les essais randomisés limités à la télésurveillance du poids, ou du poids et des symptômes se sont soldés invariablement par une absence de bénéfice(2-4). Même si les principales causes d’insuffisance cardiaque sont liées à une cardiomyopathie ischémique ou à l’hypertension artérielle, en France, 49 % des patients pris en charge pour insuffisance cardiaque présentent un trouble du rythme ou de la conduction cardiaque(5).   Particularités de la plateforme de télésurveillance CareLine   À l’initiation de la télésurveillance, un pèse-personne et un tensiomètre connectés sont remis au patient afin qu’il télétransmette quotidiennement son poids, sa pression artérielle et sa fréquence cardiaque via l’application CareLine installée sur son téléphone personnel ou sur un smartphone fourni par la société CareLine. Un questionnaire de symptômes et la saturation pulsée en oxygène peuvent être également renseignés sur l’application. Les bilans biologiques externes sont automatiquement intégrés à la plateforme avec analyse de 8 paramètres (BNP, NTproBNP, urémie, créatininémie, kaliémie, hémoglobine, natrémie et ferritinémie). De plus, pour les patients implantés d’une prothèse cardiaque rythmique implantable Medtronic, les données sont importées directement via CareLink™, ce qui permet de télésurveiller, entre autres, les arythmies – et notamment la charge en fibrillation atriale (FA) –, la fréquence cardiaque et sa variabilité, l’activité du patient, l’impédance thoracique et l’index de surcharge pulmonaire OptiVol™. Le cardiologue peut pour chaque patient, sélectionner les paramètres qu’il souhaite télésurveiller, les alertes qu’il souhaite recevoir et adapter la sensibilité de chacune de ces alertes. Le personnel en charge de la télésurveillance dispose ainsi d’un maximum d’informations pour l’évaluation du patient et la prise en charge à distance d’un éventuel début de décompensation.   Cas clinique   Histoire de la maladie Un homme âgé de 62 ans, présentant une cardiomyopathie ischémique, est hospitalisé aux urgences dans le cadre d’un épisode de décompensation cardiaque sévère. À l’électrocardiogramme d’entrée, on trouve une fibrillation atriale à 160 battements par minute. L’échographie cardiaque montre une fraction d’éjection altérée à 20 %, une dilatation ventriculaire gauche importante et des signes de bas débit. L’état clinique de ce patient se détériore rapidement avec apparition d’un état de choc cardiogénique oligoanurique. Le patient est hospitalisé en soins intensifs de cardiologie. Un traitement par diurétiques et amines permet de stabiliser la situation clinique. L’arythmie atriale s’organise avec mise en évidence d’un flutter commun nécessitant la réalisation d’une ablation par radiofréquence permettant un retour en rythme sinusal et participant à l’amélioration clinique. La coronarographie ne retrouve pas de lésion nécessitant une revascularisation. À la suite de la régression des signes cliniques et biologiques de décompensation cardiaque, le patient est transféré dans le service d’hospitalisation traditionnelle. Avant son retour au domicile, la solution de télésurveillance CareLine lui est proposée. Le patient accepte le principe d’une transmission quotidienne de données cliniques et d’un accompagnement thérapeutique régulier et est inclus dans le programme ETAPES. Une balance et un tensiomètre connectés lui sont remis et le questionnaire de symptomatologie est activé sur l’application du smartphone. L’équipe soignante sélectionne les alertes à recevoir. La sensibilité programmable des alertes de poids, tension artérielle et fréquence cardiaque est laissée aux valeurs nominales (figure 1). Figure 1. Configuration des paramètres télésurveillés, des alertes associées et de leur sensibilité.   Télésurveillance et prise en charge du patient Au cours des 4 premiers mois suivant le retour au domicile, aucun événement majeur n’est observé. Le patient transmet ses données quotidiennement (observance de 98 % constatée pour toutes les données télétransmises). Au 5e mois, une première alerte ➀ de fréquence cardiaque élevée est générée à partir des données quotidiennes transmises à l’aide du tensiomètre. Cette augmentation de fréquence cardiaque s’accompagne de modifications de chiffres tensionnels (tension pincée) et d’altération des paramètres biologiques traduite par une augmentation du BNP (figure 2), le patient restant toutefois asymptomatique (figure 3). Figure 2. Réception et intégration automatique des résultats de biologie transmis par les laboratoires d’analyses médicales, émissions des alertes configurées. Figure 3. Identification à distance d’un trouble du rythme cardiaque chez un patient de 62 ans, asymptomatique et prise en charge par l’équipe soignante.   L’équipe soignante contacte le patient et lui demande de venir consulter dans le service. L’ECG confirme l’existence d’une fréquence cardiaque élevée en rapport avec un diagnostic de tachycardie supraventriculaire conduite (figure 3 ② et ③). Une ablation par radiofréquence est réalisée par l’équipe de rythmologie (figure 3 ④). Cette observation illustre l’intérêt d’une télésurveillance multiparamétrique de l’insuffisance cardiaque associant au poids, la fréquence cardiaque, la tension artérielle et les données biologiques importées automatiquement sur la plateforme, qui permet de réaliser chez ce patient un diagnostic précoce d’arythmie atriale à distance avant la survenue des signes cliniques d’insuffisance cardiaque.

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