Publié le 31 mai 2011Lecture 9 min
Angioplastie et stenting des lésions coronaires ostiales : comment aborder les bifurcations de type Médina 001 ?
P. BRUNEL, Nouvelles Cliniques Nantaises, Nantes
Le traitement endoluminal d’une lésion isolée de l’ostium d’une branche de division coronaire est une des situations les plus délicates en cardiologie interventionnelle.
Une lésion rare et délicate pour le stenting
Ces lésions de bifurcation de type Médina 001 (figure 1) sont peu fréquentes dans les séries de stenting coronaire et leur traitement n’est à ce jour pas standardisé. Moins de 2 % des lésions traitées sont de type 001 et représentent, en général, un critère d’exclusion dans les études de stenting des lésions de bifurcation.
La réussite de la mise en place d’un stent purement ostial est hasardeuse en raison des mouvements cardiaques et la précision nécessaire à cette manipulation n’est pas toujours obtenue. La technique qui consiste en la mise en place d’un ballon dans le vaisseau mère de façon à bloquer le stent en position ostiale est inefficace et faussement rassurante, comme nous avions pu l’observer sur des manipulations de banc d’essai réalisées avec Thierry Lefèvre au Crossroad Institute il y a quelques années. De plus, la géométrie simple nous indique que par définition, une couverture parfaite de l’ostium n’est possible que pour les naissances à 90° de la branche de division, ce qui est loin de représenter la majorité des cas.
Figure 1. Classification de Médina.
Il est possible d’obtenir une couverture complète de l’ostium mais il est alors nécessaire de laisser un morceau de métal faire protrusion dans le vaisseau principal en regard de l’ostium du côté de la carène. Ceci est fait volontairement par une technique appelée TAP (T stenting And small Protrusion). Les conséquences sont une perturbation du flux sanguin dans le vaisseau mère comme cela a été démontré sur les analyses de banc d’essai du Dr Coisne de Poitiers ce qui est potentiellement thrombogène à court terme et athérogène à moyen terme. Ceci ne peut donc pas être recommandé à mon sens en première analyse.
Un traitement simple
Depuis plusieurs années en France nous avons développé la technique du stenting en T provisionnel (stent avec kissing), en réalisant des études depuis la fin des années 1990, technique qui est devenu le gold standard.
Nous avons étudié plus particulièrement une technique dérivée de ce stenting de type « provisionnel » en T des lésions de bifurcation, appliquée aux lésions de type 001 : nous l’avons appelée avec Yves Louvard – qui entretient avec soin la classification de tous les traitements par stents des lésions de bifurcation –, le « Stenting en T Inversé », ou Inverted T pour les Anglo-Saxons.
Utilisée depuis 2004, cette technique consiste en l’insertion et la mise en place d’un stent depuis la partie proximale du vaisseau « mère » vers la branche de division (figure 2) à cheval (par exemple IVA/diagonale), avec un guide de protection du vaisseau mère distal puis avec refranchissement de maille et kissing balloon.
Figure 2. Largage d’un stent, compliance du système.
La technique est exactement celle du stenting provisionnel en T des lésions de bifurcation en général, avec prédilatation ou non, mise en place du stent avec guide de protection, refranchissement de maille, kissing balloon et mise en place d’un second stent uniquement en cas de nécessité.
La nuance importante est que le stent est positionné du vaisseau mère vers la branche ce qui implique différents problèmes à bien savoir gérer : – différence de calibre entre ces deux branches inhabituelle en situation de bifurcation « de routine » ;
- mise en « danger potentiel » d’un vaisseau de plus gros calibre et donc d’une quantité de myocarde plus importante en cas d’échec de refranchissement de maille (notons que dans les séries de stenting en T, cet échec de franchissement de maille est assez rare : 1,6 % dans TULIPE [CCI 2006], 2,6 % dans SURF [TCT 2006] et 0,9 % dans Liberty One [ESC 2008]) ;
- enfin, cet abord en T inversé implique la mise en place de métal sur une portion « a priori saine » : le segment 0 du 001 et une inflation sur le segment sain le 0 du 001.
Néanmoins, appliquer le stent de la sorte est la seule façon d’obtenir avec certitude une couverture totale de l’ostium avec une prothèse conventionnelle, permettant un soutien optimal de la lésion (figure 3).
Figure 3. Stent en T inversé sur le banc d’essai.
De plus, les problèmes de positionnement du stent, qu’ils soient dûs à l’angulation de la branche ou à des mouvements cardiaques sont évités, car cette couverture « à cheval » offre une certaine marge de manœuvre.
Un traitement efficace
À ce jour, notre centre a enregistré 100 % de succès pour tous les cas traités (figure 4), avec notamment aucun échec de franchissement de maille et avec un kissing systématique dans 100 % des cas, un second stent ayant été nécessaire pour une dissection sur la partie distale du vaisseau mère dans seulement 7,5 % des cas.
Ces résultats ont été publiés en janvier 2010 dans EuroIntervention. Aucun décès, infarctus ou nouvelle revascularisation ne sont à déplorer dans les 30 jours qui suivent la procédure et chez 60 patients traités par cette technique, le TLR s’établit à 1,7 %, avec un TVR symptomatique de 3,3 %. Et dans la plupart des cas, il y a disparition des symptômes. En dehors de 3 cas réalisés au début de l’expérience, tous les patients ont été ensuite abordés avec un stent actif, ce qui a permis d’éviter quelques resténoses du segment 001.
Figure 4. A : Bifurcation 001 IVA/première diagonale ; B : mise en place du stent ; C : kissing balloon ; D : résultat final.
L’expérience avec cette technique nous conduit à traiter actuellement les patients porteurs d’une lésion de type Médina 001 en toute sécurité, lorsque le traitement médical est en échec. Il est en effet non indiqué de traiter en première intention ces patients par angioplastie qui relèvent d’abord du traitement médical. Ce n’est qu’après mise en évidence d’une ischémie importante par les tests habituels et échec du traitement médical que nous abordons ces patients par cette technique pour une lésion de type 001.
Il s’agit donc de rares cas, qui représentent moins de 1 % de l’activité d’angioplastie coronaire du centre.
Des conditions à respecter
Les conditions nécessaires à l’obtention de tels résultats sont assez simples mais doivent êtres respectées scrupuleusement :
Tout d’abord avoir une bonne habitude du stenting en T provisionnel. Il ne s’agit pas, en effet, de commencer à aborder les lésions de bifurcations par cette technique en traitant celles de type Médina 001.
Respecter l’indication clinique d’échec du traitement médicamenteux.
Utiliser un stent actif pour ne pas créer une « (re)sténose » sur le vaisseau mère en amont de la branche qui est un segment sain.
Ne pas piéger de guide hydrophile.
Ne pas avoir d’échec de franchissement de maille, ce qui nous ramène à la première condition : avoir une longue pratique du franchissement de maille de stent avec un guide 0,014, le myocarde en jeu pouvant être dans ce cas assez étendu en cas d’échec.
Franchir la maille la plus distale pour une couverture optimale de l’ostium.
Limiter au strict minimum l’implantation d’un deuxième stent, en étant rigoureux sur le choix des diamètres de ballons pour le kissing et les temps d’inflation.
Utiliser une prothèse adaptée à cette manipulation : active, à bonne ouverture de maille, avec un système de pose de bonne compliance (pour le largage initial et la différence de calibre) (figure 5).
Figure 5. Mesure StentBoost après T inversé.
D’autres façons d’aborder ces lésions
Plusieurs autres approches de stenting existent et sont utilisées : la mise en place d’un stent purement ostial avec toutes les difficultés précédemment citées, « assistée » ou non par un ballon dans le vaisseau mère en regard ou par le passage manuel du guide dans la première maille du stent avant sa montée dans le cathéter guide, le recours à la technique de Szabo qui en réalité ne permet pas une adaptation parfaite à l’ostium comme l’on montré les analyses IVUS réalisées par l’équipe de Antonio Serra (Barcelone).
L’utilisation de systèmes « dédiés » bifurcation paraît très intéressante pour ce type de lésions, du moins pour ceux qui reprennent la philosophie du stenting en T provisionnel, souvent avec une maille destinée à être positionnée en regard de l’ostium de plus grande taille, garantissant un soutien théoriquement meilleur.
Le grand avantage, si ce système fait ses preuves, serait la sécurisation totale de la branche distale du vaisseau mère, avec un guide préalablement inséré et qui resterait en place tout au long de la procédure, faisant ainsi disparaître le risque d’échec de refranchissement de maille. Mais on sait que le handicap des systèmes dédiés bifurcations vient du phénomène de croisement de guide. Il faut alors privilégier un système souple et flexible qui pourra être bien positionné en regard de la branche malgré un croisement de guide. Malheureusement, là aussi, le type 001 est un critère d’exclusion dans les études cliniques de ces systèmes, et nous ne disposons pas encore de données suffisantes.
Le traitement par le ballon, « simple » ou « amélioré » (cutting balloon, ballon actif) est aussi envisageable mais toutes ces techniques ne sont pas documentées.
Une étude multicentrique européenne vient d’être lancée avec un des ballons actifs disponibles sur le marché. Il paraît illusoire de penser qu’ils puissent faire jeu égal avec le stenting – qui a largement fait ses preuves par ailleurs – quand un résultat correct peut être obtenu.
Avec un recul de 7 ans maintenant et plus de 65 patients traités et abordés après de longues années de pratique de stenting en T provisionnel, nous pouvons obtenir un TLR très bas : 1,7 % (figure 6). Bien sûr, il n’y a pas de contrôle angiographique systématique dans notre série, mais cela paraît difficile à obtenir dans cette situation où seule une branche secondaire est atteinte.
Figure 6. Bifurcation 001 IVA/diagonale StentBoost et résultat final.
Conclusion
Une lésion coronaire de bifurcation de type Médina 001 est une situation difficile à traiter avec un stent. Elle relève donc, dans un premier temps, du traitement médicamenteux.
Mais en cas d’échec du traitement médical, le rapport bénéfice/risque d’une procédure de stenting s’améliore et les résultats obtenus avec la technique du « T Inversé » sont très bons, autorisant cette approche.
Une longue expérience de l’abord des bifurcations et une bonne plateforme sont alors les garants indispensables de la réussite d’une telle procédure et de la disparition des symptômes des patients.
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