Publié le 30 nov 2010Lecture 8 min
Le système de thromboaspiration ELIMINATE™
T. LHERMUSIER, N. DUMONTEIL, N. BOUDOU, D. CARRIE, Fédération de cardiologie, Pôle cardiovasculaire et métabolique, CHU Rangueil, Toulouse
L’intérêt de la thromboaspiration dans la phase aiguë d’infarctus est désormais démontré. Le cathéter de thromboaspiration ELIMINATE™ a été développé par Terumo® pour répondre au mieux à cette indication. Son caractère innovant repose principalement sur son mandrin prémonté améliorant l’accessibilité au thrombus.
Problématique
Dans le cadre d’un infarctus du myocarde (IDM), l’angioplastie primaire reste le traitement de choix pour la recanalisation d’une artère épicardique occluse. Néanmoins, son efficacité est fréquemment diminuée du fait de l’embolisation distale par du matériel thrombotique et athéromateux. Cette embolisation est spontanée mais s’avère également favorisée par l’angioplastie coronaire elle-même. Elle contribue à une obstruction microvasculaire et donc à une altération de la perfusion myocardique dont la traduction angiographique est le no reflow. De nombreux travaux ont souligné le lien entre la qualité de la reperfusion après un IDM et la taille de l’infarctus, la récupération de la fonction contractile et même la mortalité à long terme(1,2). La thromboaspiration précédant l’implantation d’un stent lors d’une angioplastie primaire présente donc un fort rationnel physiopathologique qui s’appuie désormais sur des études cliniques.
État des lieux sur l’utilisation des systèmes de thromboaspiration dans le SCA ST+
L’étude TAPAS (Thrombus Aspiration During Percutaneous Coronary Angioplasty for Acute Myocardial Infarction) a été la première à suggérer un bénéfice de la thromboaspiration dans le syndrome coronaire aigu (SCA) ST+(3). Cette étude monocentrique a étudié la supériorité d’une stratégie de thromboaspiration par rapport à une angioplastie primaire conventionnelle. Les auteurs ont retrouvé un bénéfice de la stratégie de thromboaspiration première sur la reperfusion myocardique immédiate évaluée sur un score de blush myocardique. Ce bénéfice sur la reperfusion myocardique immédiate s’est répercuté sur la mortalité à 1 an dans cette étude dont le design initial n’était toutefois pas conçu pour un suivi à long terme des événements cliniques(4).
La récente métaanalyse ATTEMPT publiée dans l’European Heart Journal, poolant les données individuelles des 11 plus grands essais cliniques sur la thromboaspiration dans l’IDM, confirme ces résultats(5) (figure 1).
Figure 1. Courbes Kaplan-Meier de survie dans la métaanalyse ATTEMPT en fonction de lʼutilisation dʼun système de thromboaspiration(5).
Jusqu’à présent les études ont manqué de puissance pour démontrer une association entre certaines caractéristiques cliniques ou angiographiques et un bénéfice supplémentaire de la thromboaspiration. En effet, il n’est pas clairement établi de différence de mortalité selon le délai de reperfusion, le caractère primaire ou de sauvetage de l’angioplastie, le flux TIMI sur la première injection ou l’importance de la charge thrombotique du vaisseau. Pour répondre à ces questions, des travaux supplémentaires seront donc nécessaires.
On relèvera toutefois dans cette métaanalyse que le bénéfice de la thromboaspiration s’est avéré supérieur chez les patients recevant des anti- GpIIb/IIIa.
Par ailleurs, les cathéters de thromboaspiration manuelle se sont révélés simples d’utilisation et sans complications spécifiques ; des cas exceptionnels de dissection coronaire ou de fistules artérioveineuses ayant toutefois été rapportés. Les dernières recommandations ESC/AHA ont donc logiquement relevé l’indication de la thromboaspiration dans la SCA ST+ à un niveau IIa A(6).
Les autres systèmes de protection myocardique dans le SCA ST+
Les systèmes de thromboaspiration mécaniques dont le principe est de fragmenter le caillot avant son aspiration, semblent augmenter la mortalité alors que les systèmes de protection distale n’auraient aucun impact sur celle-ci. Une métaanalyse publiée dans l’European Heart Journal comparant tous ces systèmes a révélé que seule l’utilisation des cathéters de thromboaspiration est associée à une réduction de la mortalité(7) (figure 2).
Figure 2. Incidence de la mortalité suivant le type de matériel de protection myocardique utilisé (moyenne de suivi de 5 mois)(7).
Principales caractéristiques techniques du cathéter ELIMINATE™
Délivérabilité
On rappellera que la thromboaspiration dans l’étude TAPAS s’est avérée impossible dans près de 10 % des cas en raison d’une artère trop tortueuse ou trop petite, soulignant la nécessité d’un matériel performant capable d’atteindre la lésion à traiter. Le cathéter ELIMINATE™ dispose d’un stylet (0,016") positionné dans la lumière de thromboaspiration pour de meilleures capacités de franchissement et de résistance au kinking. Un revêtement hydrophile est présent sur 40 cm au niveau de l’extrémité distale permettant d’optimiser son acheminement dans des vaisseaux tortueux ou vers des lésions distales (figure 3).
Capacité dʼaspiration
Une armature métallique sur toute la longueur l’empêche de « s'aplatir » en aspirant. En outre, il présente une extrémité distale « bombée » pour éviter de coller à la paroi (figures 4 et 5).
Figure 3. Schéma du cathéter de thromboaspiration ELIMINATE™ et de son stylet.
Figure 4. Armature métallique du cathéter ELIMINATE™ souple dans sa partie distale et plus rigide dans sa partie proximale.
Figure 5. Extrémité distale du cathéter ELIMINATE™.
Utilisation pratique d’un cathéter de thromboaspiration ELIMINATE™
1. Préparation du cathéter.
Il est préconisé de rincer le cathéter dans sa gaine de protection pour en activer le revêtement hydrophile.
2. Progression du cathéter de thromboaspiration.
Elle se doit d’être douce pour éviter un kinking du cathéter, phénomène rare du fait de la présence d’un stylet dans la lumière de thromboaspiration.
Une chute de pression est habituellement observée au cours de la montée du cathéter.
3. Positionnement du cathéter juste avant la lésion sous contrôle radiologique.
4. Retrait du stylet et mise en place de la seringue.
5. Mise en aspiration de la seringue puis réalisation de mouvements de va et vient prudents permettant de pénétrer la lésion sans tenter de la franchir. L’opérateur vérifiera visuellement le remplissage de la seringue. Il pourra éventuellement « torquer » le cathéter pour modifier la position de la lumière distale au sein de la lésion thrombotique.
6. Retrait du cathéter en aspiration permettant d’éviter de laisser du matériel thrombotique dans le cathéter guide.
7. Contrôle angiographique, si possible après injection intracoronaire de vasodilatateurs pour limiter le vasospasme et apprécier au mieux la taille du vaisseau avant le choix du stent. Ce contrôle permettra également d’évaluer la régression du thrombus endoluminal, l’amélioration du flux d’aval et recherchera des complications heureusement exceptionnelles comme une dissection coronaire.
Quand arrêter la procédure de thromboaspiration ?
Il n’y a pas de consensus sur la durée ou le nombre de seringues nécessaires pour une thromboaspiration optimale. L’opérateur se doit de s’adapter à la situation clinique et à la charge thrombotique du vaisseau.
Que faire si la seringue ne se remplit plus ?
Un thrombus occlusif au sein du système de thromboaspiration peut en être à l’origine. Il est donc préconisé de retirer l’ensemble du cathéter de thromboaspiration et de le rincer au sérum hépariné avant sa réutilisation.
Les avantages indirects de la thromboaspiration
Il est très probable que d’autres mécanismes que l’élimination première du matériel athérothrombotique avant implantation du stent entrent en jeu pour expliquer le bénéfice clinique de la stratégie de thromboaspiration, notamment :
• L’absence de prédilatation au ballon. Il n’est pas rare que la thromboaspiration seule rétablisse un flux sur une artère préalablement occluse. Le stenting direct, en évitant une ou plusieurs prédilatations, limite ainsi le risque d’embolisation distale. Bien entendu, l’opérateur doit tenir compte du caractère calcifié de la lésion et du risque inhérent de mal expansion de l’endoprothèse avant d’adopter cette stratégie.
• L’optimisation de la longueur du stent utilisé du fait de l’élimination totale ou partielle de la part thrombotique d’une lésion.
À l’extrême, il n’est pas rare qu’une thromboaspiration première puisse conduire à l’absence d’implantation de stent lorsque la rupture de plaque survient sur un athérome préalablement peu sténosant.
Conclusion
Les systèmes de thromboaspiration sont des outils précieux pour la gestion des SCA ST+ en raison d’un bénéfice clair en termes de qualité de reperfusion et de leur caractère par ailleurs atromatique. En outre, leur utilisation s’avère relativement simple, avec une courbe d’apprentissage rapide, particulièrement intéressante pour leur large diffusion dans la prise en charge des urgences coronaires.
Cas clinique
M. B. est pris en charge à la 6e heure d’un SCA ST+ en territoire inférieur. La coronarographie retrouve une occlusion de la coronaire droite à son segment II avec un flux TIMI 1 en aval. La thromboaspiration ramènera un important matériel thrombotique et dévoilera une lésion courte accessible à un stenting direct par un stent nu 4 x 15.
Cette technique a donc facilité une stratégie de stenting direct et a permis l’utilisation d’un stent court en dévoilant une lésion beaucoup moins longue que prévue. En effet, on notera que la première angiographie laissait présager une lésion plus longue, débutant dès la première marginale.
Longue occlusion de la CD au segment II avec flux TIMI 1 en aval
Thromboaspiration.
Thrombi rouges obtenus par thromboaspiraton.
Résultat angiographique après thromboaspiration par 3 seringues de 30 ml.
Implantation dʼun stent nu 4 x 15 mm.
Résultat angiographique final.
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