Publié le 31 mai 2013Lecture 9 min
Matériel BridgePoint® pour occlusions coronaires chroniques (CTO) - L’approche « hybride »
B. FAURIE, Groupe Hospitalier Mutualiste de Grenoble
BridgePoint est une petite compagnie américaine récemment rachetée par Boston Scientific® qui commercialise un système de dissection-réentrée destiné aux recanalisations d’occlusions coronaires chroniques (CTO). Le principe est similaire à celui utilisé en angioplastie périphérique depuis longtemps.
Ce système s’inscrit particulièrement dans l’approche dite « hybride » développée par les Nord-Américains principalement et quelques Européens. La stratégie hybride consiste schématiquement à établir un algorithme de différentes stratégies a priori pour une procédure CTO voulue. Ces stratégies sont guidées par l’anatomie de la lésion et de sa collatéralité(1). Ces stratégies peuvent être antérogrades ou rétrogrades « vraie lumière » à « vraie lumière », ou par dissections ré-entrée antéro- ou rétrogrades. De plus, le passage d’une stratégie à l’autre se veut plus rapide que l’approche traditionnelle de manipulation de guides dans la « vraie lumière » (développée plus particulièrement par les Japonais) permettant ainsi de raccourcir les durées de procédure mais aussi l’irradiation et la quantité de produit de contraste. Cette approche se veut plus prévisible et reproductible. Le taux de succès primaire du registre nord-américain est très élevé (87 %) avec un taux de complications faible et similaire aux techniques classiques(2). En revanche, les résultats à long terme de dissection-réentrée pour les CTO avec ce type de matériel ne sont pas encore connus à la différence de la technique STAR (Subintimal Tracking And Re-entry) où les taux de resténoses restent très élevés, de l’ordre de 50 %(3) probablement, car la dissection et la réentrée sont moins contrôlées.
Typiquement, ce matériel s’utilise en cas d’occlusion chronique longue, de chape proximale ambiguë et avec une zone de réentrée saine, visible, de bon calibre et sans bifurcation. On évitera les longues occlusions de l’IVA avec plusieurs diagonales qui seront condamnées par le trajet sous-intimal.
Le matériel
Le microcathéter CrossBoss®
(figure 1)
Il s’agit d’un microcathéter 0,014’’ OTW de 3 F muni à l’extrémité distale d’une petite olive en acier polyatraumatique. Au niveau proximal, on trouve un torqueur pouvant se déplacer sur le corps du microcathéter et qui doit se visser à 2 cm environ de la valve hémostatique. Ce torqueur est muni en son sein d’un ressort qui permet une certaine accumulation de force antérograde.
Ce cathéter se manipule par le torqueur en le faisant tourner le plus vite possible dans un sens ou dans l’autre (fast spin technique). Ceci facilite la pénétration du cathéter dans l’occlusion chronique qui cherche la zone de moindre résistance. L’avancement se fait après avoir retiré le guide 0,014.
Dans une minorité de cas (30 %), le CrossBoss® reste dans la « vraie lumière », il franchit l’occlusion et le guide coronaire est avancé pour finir l’angioplastie.
Dans la majorité des cas, le cathéter contourne l’occlusion et chemine en sous-intimal après avoir « ponctionné » la chape proximale et être entré avec un guide dur dans cet espace. Le CrossBoss® avance progressivement jusqu’à hauteur de la vraie lumière dont il est séparé à ce moment là par la média et l’intima qu’il faudra franchir.
Le cathéter CrossBoss® est à ce moment là échangé pour le StingRay™ balloon sur un guide souple en boucle (au risque de majorer la taille de l’espace sous-intimal) ou sur un guide plus rigide droit (Miracle® 3 ou 6, Asahi). La séquence d’utilisation des différents matériels est représentée sur la figure 2.
Figure 1. CTO cathéter CrossBoss®
Figure 2. Séquence d'utilisation du matériel Bridgepoint®.
Le ballon StingRay™
(figure 3)
Une fois le trajet sous-intimal réalisé, il faut maintenant récupérer la vraie lumière de façon contrôlée. Ce ballon OTW est en fait composé de deux microballons de 1,5 mm côte à côte qui ont, en se gonflant à basse atmosphère (4 atm), une forme aplatie dans le chenal de dissection et autour de la vraie lumière. En plus de la sortie OTW distale du ballon, il existe deux pores latéraux : l’un orienté vers la vraie lumière et l’autre à l’opposé vers l’adventice.
Il est très important de choisir une incidence afin d’aligner le ballon pour ne voir qu’une ligne plate parallèle à la lumière distale du vaisseau.
Figure 3. Ballon et guide Stingray™.
Le guide StingRay™
Il s’agit d’un guide 0,014’’, très rigide et angulé à 28° sur le dernier millimètre. Il possède une extrémité très courte et effilée à 0,003’’ qui sert à piquer et traverser l’épaisseur média-intima en direction de la vraie lumière en « choisissant" le bon pore en tournant le guide de 180° s’il sort par le mauvais pore.
Une fois l’artère ponctionnée par ce guide, il est préférable de changer le guide StingRay™ pour un guide hydrophile rigide de 300 cm type PILOT 200(R) (Abbott Vascular) pour retourner dans la distalité du vaisseau de façon plus sécuritaire. On pourra ainsi faire les échanges et finir l’angioplastie.
Conclusion
Le kit BridgePoint® permet de réaliser avec sécurité et efficacité des procédures de recanalisation par dissection- réentrée antérograde. Ces dispositifs sont particulièrement efficaces en cas de longues occlusions calcifiées et en cas d’échec des techniques conventionnelles de manipulations de guides de « vraie à vraie lumière ».
Ces outils peuvent s’utiliser soit séquentiellement en totalité, soit parfois de façon isolée en cas de succès d’emblée de recanalisation avec le CrossBoss® ou en cas de trajet sous-intimal d’un guide en boucle (knuckle wire) où le StingRay® balloon peut servir pour retrouver la vraie lumière.
Cas clinique
Il s’agit d’un patient de 72 ans très actif qui décrit un angor d’effort typique classe 3 CCS depuis plusieurs mois.
Il est hypertendu, artériopathe avec des sténoses intermédiaires des artères rénales et coronarien connu depuis 1998, date à laquelle il a bénéficié d’un pontage mammaire gauche sur l’IVA et d'un pontage mammaire droit sur la circonflexe qui s’est occlus en 2000. Il bénéficie alors d’un stent sur cette artère. Il est libre d’angor pendant plus de 10 ans jusque l’année dernière.
Une scintigraphie met en évidence une large ischémie inférolatérale étendue avec fraction d’éjection conservée.
La coronarographie réalisée par voie radiale gauche objective une occlusion de l’IVA moyenne avec un bon fonctionnement du pontage aortocoronaire mammaire interne gauche, une sténose de la première diagonale, une circonflexe marginale sans resténose intra-stent et enfin une occlusion chronique de la coronaire droite (photo 1) en fin de segment proximal.
Photo 1.
Il s’agit d’une occlusion longue (30 mm environ), calcifiée, sans ambiguité anatomique proximale ni distale ; il y a une bonne réinjection distale au genu inférieur par des collatérales, essentiellement épicardiques mais aussi septales ; il n’y a pas de collatérales en pont. Le J-CTO score est de 2.
En mars dernier nous avons donc entrepris une procédure de recanalisation de la CD avec un abord radial bilatéral 6 F, AL1 antérograde dans la CD et XB 3,5 90 cm rétrograde dans le TCG.
La tentative antérograde avait été réalisée avec un microcathéter Finecross® et des guides souples Fielder XT® qui ne pénètrent pas la chape fibrocalcique proximale, échangés pour un guide dur et effilé Progress 140T® qui franchit la première partie de l’occlusion ainsi que le microcathéter. Ce guide ne pouvant plus progresser dans cette portion calcaire, après une brève tentative avec le Fielder XT®, nous prenons donc un guide plus dur et toujours effilé le Progress 200T® puis le Confianza Pro 12® qui ne franchissent pas la chape distale et sortent de la « vraie lumière » en étant en sous-intimal et même extravasculaires avec petite perforation contenue. Nous switchons donc à une approche rétrograde par les deux premières septales très grêles et tortueuses. Le surfing avec un guide Asahi Sion® puis Fielder FC® est infructueux et les tortuosités ne peuvent être franchies. Nous arrêtons la procédure après 2 heures 30 de procédure, 370 ml d’iode, 104 Gy/cm2 et 67 min de scopie.
Nous convoquons à nouveau le patient début avril pour faire une 2e tentative avec une stratégie de guides antérogrades puis en cas de nouvel échec, une technique de dissection réentrée contrôlée avec le matériel BridgePoint® tout juste disponible en France. Le J-CTO score est cette fois à 3 (échec préalable).
De nouveau, nous réalisons un abord radial bilatéral avec des cathéters Asahi Sheathless 7,5 F® AL 1 ostial antérograde et Cordis XB® 3,5, 6 F, 90 cm, rétrograde. Un microcathéter Corsair® et un guide PILOT 200® sont amenés au contact de la lésion. Le PILOT 200® arrive à s’engager dans la première partie de l’occlusion mais le guide est perpétuellement expulsé à l’extérieur de la lumière (sous-intimal) par la chape fibrocalcique distale. Le choix est pris d’utiliser le kit Bridgepoint® en commençant par le microcathéter CrossBoss® qui est avancé sur le guide PILOT 200® puis tourné dans le sens horaire de façon très rapide afin de pénétrer l’occlusion puis l’espace sous-intimal (après retrait du guide). Le cathéter avance jusqu’à la zone de réentrée qui est vérifiée par l’injection rétrograde (photo 2). Toute injection antérograde est à partir de cet instant proscrite, afin d’éviter toute extension de l’espace sous-intimal.
Photo 2.
Le CrossBoss® est échangé sur un guide Miracle 3® de 300 cm pour le cathéter StingRay™ qui est inflaté à 4 atm au niveau du site de réentrée. Ensuite, on essaye d’obtenir un alignement du ballon perpendiculaire au plan de vue. Ensuite le guide StingRay™ est avancé très délicatement à l’extrémité du cathéter. En poussant la première fois, le guide sort de l’artère en direction du péricarde. On retire alors légèrement le guide pour lui attribuer une rotation de 180°, le guide sort ainsi par le port distal en direction de la vraie lumière. En poussant, on ressent une résistance élastique puis un ressaut (stick & release) lorsque le guide passe dans la vraie lumière (photo 3).
Une fois cette ponction faite, on change le guide StingRay™ pour un Pilot 200® de 300 cm qui est plus maniable et va être amené facilement dans la distalité de l’IVP (méthode stick & swap). Retrait du cathéter StingRay™ puis multiples prédilatations et implantation de 3 stents actifs aboutissant à un bon résultat angiographique malgré un aspect habituel « flou » au niveau de la zone de passage sous-intimal (photos 4 et 5).
Photo 3.
Photo 4.
Photo 5.
La procédure dure 1 h 30 avec 26 minutes de scopie, 82 Gy/cm2 et 230 ml d’iode.
Le patient rentre à son domicile le lendemain de la procédure avec une bi-thérapie anti-agrégante pour 6 mois.
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