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Polémique

Publié le 15 juin 2017Lecture 8 min

Qui a peur des FAG ?

Pryscille KAMTCHUENG, Hôpital de Creil

Malgré de nombreuses publications encourageantes sur la fermeture de l’auricule gauche (FAG), tant sur leur efficacité que leur sécurité et malgré l’obtention de son remboursement, leur nombre reste très faible en France et bien en deçà des prévisions. La FAG ferait-elle peur ?

La fibrillation atriale (FA) est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent, qui concerne 1 à 2 % de la population générale. Sa prévalence augmente rapidement avec l’âge(1), et associée àd’autres facteurs de risque, la FA majore le risque de survenue d’accidents thromboemboliques artériels(2). Il existe un enjeu médico-économique majeur dans ce domaine, puisque l’AVC représente à ce jour la première cause de handicap acquis et que son coût pour la société est d’environ 8 milliards d’euros par an(3). La stratégie préventive thromboembolique repose essentiellement sur le traitement anticoagulant oral : classiquement les AVK et depuis leur essor, les anticoagulants oraux d’action directe (AOD) qui représentent un progrès majeur en termes de facilité d’administration et de suivi(4). Néanmoins, ces traitements maintiennent un risque hémorragique plus ou moins élevé en fonction du terrain et des facteurs de risque du patient pouvant limiter leur utilisation sur le long terme. Ce risque hémorragique est évalué en pratique clinique par divers scores (HEMORRHAGE, HAS-BLED). L’utilisation des anticoagulants et les complications hémorragiques qu’ils entraînent constituent également un enjeu de morbi-mortalité. Ils sont à l’origine de 4 000 décès annuels et de 17 000 hospitalisations. Depuis 15 ans, une innovation continue de la prévention percutanée thromboembolique dela FA a été observée, ayant pour objectif l’arrêt possible du traitement anticoagulant (figure 1)(5-7). Plusieurs concepts avaient déjà été développés antérieurement, mais deux dispositifs médicaux actuellement sur le marché se sont distingués : AMPLATZER™ Amulet™ (St Jude Medical)(7) et WATCHMAN™ (Boston Scientific) (figure 2). Figure 1. Réduction du taux d’événements emboliques et hémorragiques. Registre AMPLATZER Cardiac Plug(6,7). Figure 2. Dispositifs WATCHMAN™ (Boston Scientific, à gauche) et AMPLATZER™ Amulet™ (St Jude Medical, à droite). PROTECT-AF(8) une étude princeps sur 707 patients, a évalué le WATCHMAN™ et a démontré la non-infériorité de la FAG par rapport au traitement anticoagulant à dose efficace. Cette étude a ouvert la voie à de multiples essais et registres francais et internationaux(9,10) afin d’étayer la thèse selon laquelle les traitements anticoagulants oraux, classiques ou nouveaux, faisaient face à une alternative non médicamenteuse efficace quoique relativement iatrogène. Un registre multicentrique, EWOLUTION (1 025 patients), a été mis en place de 2013 à 2015. Ses résultats sont prometteurs notamment sur la réduction des complications iatrogènes de la procédure : diminution des complications postprocédures et absence de décès liés à la procédure dans le groupe des patients implantés(9). Ce registre observationnel comprenait des patients ayant été implantés avec un dispositif WATCHMAN™ suivi d’un traitement par anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire. Il a été observé un taux de complications moindre (2,7 %) par rapport à l’étude PROTECT-AF (8,7 %), laissant supposer une meilleure maîtrise de la technique opératoire. Les dernières données publiant le suivi à 1 an montrent une diminution du taux d’événements thromboemboliques et hémorragiques par rapport aux taux attendus, compte tenu du risque thromboembolique et hémorragique (figure 3)(11). Figure 3. Réduction des taux d’événements hémorragiques et emboliques. Registre EWOLUTION(9). En France, PROTECT-AF a permis le développement à grande échelle de cette technique, avec l’assentiment des pouvoirs publics puisqu’un remboursement de l’acte a été accordé en 2016. Ce remboursement laissait présager une explosion des indications et des implantations : en effet, nous sommes nombreux, en pratique quotidienne, à être confrontés à des complications hémorragiques liées aux anticoagulants et aux multiples fenêtres ou switch thérapeutiques qui en découlent chez des patients à haut risque thromboembolique. Ces dispositifs pourraient conduire à la non-prescription d’anticoagulants avec un effet préventif sur les accidents thromboemboliques. Or, si les conditions ont été réunies pour l’avènement de cette technique aussi prometteuse que l’angioplastie ou le remplacement valvulaire percutané, nous avons observé depuis l’application du remboursement, un volume d’implantation assez limité (prévisions < 1 800 pour l’année 2017). Ce constat soulève bien des questions quant au décalage entre l’espoir suscité par les études préalables et la réalité des pratiques cliniques. FAG : où en sommes-nous ? Nous pouvons amorcer plusieurs réflexions sur le sujet. Qui sont les patients concernés et éligibles à la FAG ? Les études montrent qu’il s’agit de patients à haut risque thromboembolique et hémorragique. En pratique, il s’agit le plus souvent de patients à qui l’on souhaite interrompre un traitement anticoagulant suite à une complication hémorragique grave. Ces patients sont donc hospitalisés dans les services prenant en charge des complications hémorragiques à savoir en gastroentérologie, en neurologie, en médecine interne et en gériatrie et, plus rarement, en cardiologie. Or, le praticien non cardiologue ne connaît pas forcément cette technique ce qui conduit à l’absence de discussion sur cette alternative, malgré des patients éligibles. Chez certains patients, une inefficacité relative du traitement anticoagulant peut exister conduisant à la récidive d’accidents thromboemboliques. Une protection thromboembolique supplémentaire pourrait donc leur être proposée mais les recommandations de l’HAS n’ont pas inclus cette indication pour la FAG, le lien de causalité entre la présence d’un thrombus auriculaire gauche et la survenue d’un AVC ne pouvant être formellement démontré. Quelle est la place de la FAG parmi les divers AOD ? Il n’existe pas d’études comparatives entre la FAG et les AOD. Or, ces derniers se positionnent également sur une diminution des complications hémorragiques notamment avec les posologies faible dose. On peut supposer que les études portant sur les AOD étant plus robustes que celles sur les FAG et que le caractère non invasif de ces nouvelles molécules puissent convaincre les praticiens de prescrire à leurs patients présentant des complications hémorragiques secondaires aux AVK un AOD plutôt qu’une FAG. Les cardiologues sont-ils convaincus de l’innocuité de cette alternative non médicamenteuse sachant qu’il existe une alternative médicamenteuse aux AVK, à savoir les AOD ? En effet, les premières études ont montré un taux de complications relativement élevé (7 %) comprenant des embolies de prothèses, des épanchements péricardiques et des accidents thromboemboliques(8). Or, les nouvelles publications montrent une courbe d’apprentissage aboutissant à un taux de complication moindre dans les équipes expérimentées(10, 11). Cette prudence vis-à-vis de cette nouvelle technique, en attendant des publications plus puissantes, a pu conduire à une absence de communication aux praticiens non cardiologues. La question du suivi des patients et de l’harmonisation des pratiques médicamenteuses postprocédure afin d’assurer la sécurité du geste et éviter l’apparition de thromboses sur prothèses se pose également. Chez ces patients à haut risque thromboembolique, un haut risque cardiovasculaire co-existe souvent les exposant aussi au risque d’AVC d’origine athéromateuse. Cette dernière donnée conduit à l’administration d’antiagrégants plaquettaires avec les risques hémorragiques qui en découlent et doit être prise en compte dans la gestion du traitement médical postimplantation. Or, si la contre-indication permanente aux anticoagulants peut être posée dans divers contextes hémorragiques, la stratégie médicamenteuse postimplantation peut s’avérer délicate en cas de haut risque hémorragique neurologique notamment, et limiter les indications. La FAG subirait-elle une concurrence du TAVI ? En France, les procédures sont restreintes aux centres équipés d’un service de chirurgie cardiaque, tout comme les procédures de TAVR qui ont connu ces dernières années un essor incontestable. Cette restriction des centres implanteurs à une centaine, réduit considérablement le temps disponible pour faire bénéficier les patients de ce type de procédure et constitue également un facteur limitant de leur développement. L’intérêt et la pertinence de cette restriction si l’on considère les taux de complications perprocédurales relevés dans la littérature chez les opérateurs expérimentés mérite d’être questionné, encore faut-il investir suffisamment de temps pour acquérir l’expérience en question. Malgré ces divers écueils, les nouvelles données bibliographiques doivent nous inciter à nous intéresser à cette nouvelle technique. Quelques pistes peuvent être suivies pour donner l’espace qui convient à cette technique. Adopter une stratégie multidisciplinaire Il faut adopter une stratégie multidisplinaire pour permettre à cette technique de se développer et apprécier son potentiel bénéfice. En effet, la place des praticiens prenant en charge des hémorragies devrait être centrale afin de poser au mieux les indications. Une étroite collaboration entre cardiologues, internistes, gériatres, neurologues, neurochirurgiens et gastroentérologues s’avère alors indispensable. Il semble qu’actuellement le sujet relève plus d’une discussion « entre soi » de cardiologues interventionnels (cathétériseurs et rythmologues), qu’une vision multidisciplinaire des complications des anticoagulants. L’information et la formation de nos confrères non cardiologues sont ici essentielles pour une sélection optimale des patients. Rechercher les contre-indications anatomique ou médicamenteuse Une fois l’indication posée, une étude de faisabilité spécifique à chaque patient devrait être menée à la recherche de contre-indications anatomique ou médicamenteuse. Les contre-indications anatomiques impliquent l’équipe d’imagerie médicale : le scanner cardiaque permet de dépister la présence de thrombi intra-auriculaires gauches et les reconstructions tridimensionnelles analysent l’anatomie et les dimensions variables de l’auricule gauche. Cet examen présente l’avantage d’être mieux toléré que l’échographie transœsophagienne tout en apportant les renseignements nécessaires à la procédure. Anticiper le risque hémorragique Sur le plan médicamenteux, il est prudent d’anticiper, en amont de la procédure, le traitement antithrombotique qui sera prescrit durant les mois suivant l’implantation. Cette décision sera multidisciplinaire et impliquera le praticien confronté au risque hémorragique afin d’adopter la meilleure combinaison entre DAPT, AVK et AOD à faible dose. Afin d’apprécier l’efficacité de cette technique, de nouvelles études prospectives contrôlées et randomisées évaluant AVK/AOD versus FAG avec comparaison des traitements postimplantation sont nécessaires. Dans l’attente de ces essais, il conviendrait de maintenir une inclusion des patients dans un registre national afin de collecter les données de ceux nouvellement implantés et assurer un suivi rapproché, permettant de limiter les complications à court terme et dépister des événements à long terme. Actuellement, le registre FLAAC étant clôturé, il n’existe pas d’outil francais permettant la collection des données. Cet outil pourrait pourtant jouer un rôle central pour la promotion de cette technique sur le territoire. Conclusion  Les dernières publications concernant la fermeture percutanée de l’auricule gauche (FAG) montrent des résultats encourageants sur les critères de sécurité et d’efficacité de la procédure. Ces données devraient mener à un développement de cette technique dans des conditions optimales qui reposent sur une approche multidisciplinaire du maintien d’un traitement anticoagulant, et dans le même temps sur la réalisation d’études cliniques puissantes permettant d’établir le bénéfice de cette nouvelle technique sur le long terme. 

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