Mise au point
Publié le 30 nov 2014Lecture 7 min
Radioprotection de l’opérateur - Astuces et nouveautés
A. LUÇON, CH Privé Saint-Martin, Caen
Les procédures de cardiologie interventionnelle sont aujourd’hui de plus en plus irradiantes pour le patient mais aussi pour l’opérateur (angioplasties complexes, imagerie endocoronaire, CTO, voie radiale, etc.). Améliorer la radioprotection du cardiologue devient une préoccupation majeure dans les salles de cathétérisme et toute méthode permettant de l’améliorer doit être envisagée. Le paravent plombé mobile, qui existe depuis plusieurs années déjà mais pourtant assez méconnu des praticiens, paraît être un outil supplémentaire très efficace lorsqu’il est ajouté aux mesures de radioprotection de routine.
Effets du rayonnement
En milieu hospitalier, l’exposition aux doses de rayonnement la plus élevée enregistrée concerne les procédures interventionnelles guidées par radioscopie(1, 2), en particulier en cardiologie interventionnelle où elle est considérée comme plus élevée que dans les autres laboratoires thérapeutiques (radiologie, blocs opératoires) en raison de la proximité du patient(3).
Les effets indésirables de l’exposition aux rayons X sont maintenant bien connus à la fois pour les patients et les cardiologues interventionnels :
Les effets déterministes se produisent lorsque la dose de rayonnement dépasse un seuil spécifique et provoquent un changement prévisible dans les tissus (atteinte cutanée ou cataracte, par exemple).
Les effets stochastiques qui entraînent de potentielles atteintes tissulaires, d’autant plus que l’exposition est répétée dans le temps (mutation ADN ou développement d’une tumeur maligne)(4, 5).
La voie radiale
Le site d’insertion du cathéter a une incidence sur la position du médecin par rapport au patient pendant les procédures. La plupart des études rapportent que l’exposition des cardiologues interventionnels est plus élevée lorsque l’approche radiale est utilisée. Les raisons principales de cette surexposition sont la plus grande proximité de l’opérateur au patient et des temps de fluoroscopie plus longs pour positionner le cathéter (boucles artérielles, anatomie de la crosse aortique variable).
Les mesures de doses reçues par l’opérateur sont environ deux fois plus élevées par voie radiale que fémorale(6-8). Cependant, la voie radiale est de plus en plus pratiquée car elle est associée à une nette diminution des complications vasculaires au niveau du site de ponction, une plus grande facilité de mobilisation du patient rapidement après la procédure, une durée d’hospitalisation plus courte, et une plus grande satisfaction des patients en comparaison à la voie fémorale(9-11). Il est donc essentiel pour l’opérateur d’être conscient de cette surexposition et de bien maîtriser les méthodes de radioprotection afin d’en diminuer les risques.
Optimiser l’image
Lorsque les rayons X sont utilisés pour guider les actes de cardiologie interventionnelle, l’objectif est d’optimiser la dose de rayonnement c’est-à-dire d’utiliser autant de rayonnement utile pour fournir une imagerie adéquate, pour l’orientation, le diagnostic et l’angioplastie le cas échéant, mais pas plus de rayonnement que nécessaire. Étant donné que la dose de l’opérateur est proportionnelle à la dose administrée au patient, optimiser la dose du patient permet aussi d’optimiser celle de l’opérateur.
La technique de réduction de dose la plus directe est de réduire le temps d’émission de rayons X :
- en utilisant l’imagerie uniquement lorsqu’elle est nécessaire ;
- en réalisant des séquences en fluoroscopie ou ciné les plus courtes possibles ;
- en utilisant si possible la dernière image ou séquence de fluoroscopie enregistrée quand la qualité d’image ciné n’est pas nécessaire (inflation d’un ballon par exemple).
Le rayonnement primaire peut être diminué par l’utilisation de faibles flux de rayons X en fluoroscopie et graphie :
- en diminuant la cadence images ;
- en utilisant des tailles de champs adaptées ;
- et en utilisant la collimation et les filtres de contour dans la mesure du possible.
Le rayonnement diffusé (qui atteint l’opérateur) peut être diminué en évitant l’utilisation des angles abrupts de faisceau de rayons X (incidences extrêmes), en positionnant le récepteur d’image proche du patient et la hauteur de la table aussi élevée que possible tout en respectant le confort de l’opérateur. Enfin, il est nécessaire de surveiller la dose émise en temps réel pour évaluer le rapport bénéfice/risque pour le patient durant la procédure, surtout lors de procédures longues.
Augmenter la distance patient/opérateur
Augmenter cette distance est une des meilleures mesures de radioprotection pour l’opérateur. Le « volume de patient » exposé au faisceau primaire (le corps du patient) est la principale source de rayonnement diffusé dans le laboratoire de cathétérisme. L’exposition au rayonnement est inversement proportionnelle au carré de la distance à partir de la source de rayons X. Cela signifie que le doublement de la distance entre le patient et l’opérateur va réduire l’exposition d’un facteur de quatre.
Protection plombée
Pour tout opérateur l’équipement plombé doit au minimum comporter des paravents plombés suspendus haut et bas, un tablier plombé, un cache-thyroïde et des lunettes plombées.
Le paravent mobile
Nous avons évalué l’efficacité d’un paravent plombé supplémentaire mobile de 2 mm équivalent plomb sur l’exposition de l’opérateur durant les coronarographies diagnostiques de routine (figure 1).
Figure 1. Paravent mobile 2 mm Eq Pb.
Il s’agit d’un paravent mobile de 200 x 80 cm avec une épaisseur de 2 mm d’équivalent plomb monté sur châssis inox et placé entre le patient et l’opérateur durant l’intervention. Il comporte une grande poignée et est monté sur roulements à billes à faible coefficient de frottement permettant des déplacements libres au cours de la procédure en fonction de différentes angulations du tube de radioscopie. L’opérateur doit le recouvrir d’une couverture stérile pour accéder à la poignée et l’utiliser au cours de l’intervention. Une fenêtre en plomb transparent d’une épaisseur de 2 mm équivalent plomb permet une vision permanente sur le patient au cours de la procédure et de contrôler les mouvements de l’arceau (figure 2).
Figure 2. Utilisation du paravent mobile au cours d’une procédure.
Efficacité du paravent mobile
Deux opérateurs ont pratiqué les coronarographies diagnostiques programmées dans notre centre avec les mesures de radioprotection habituelles pendant 1 mois (groupe I), puis ont ajouté le paravent mobile le mois suivant (groupe II). Les mesures de 3 dosimètres ont ensuite été comparées (dosimètre sous le tablier plombé, au niveau des yeux et un dosimètre-bague à la main gauche).
Pour les 2 opérateurs les doses mesurées sous le tablier plombé ont été nulles (ou quasi-nulles) avec ou sans le paravent mobile témoignant de la bonne efficacité des mesures de radioprotection standards au niveau thoracique.
En revanche, le paravent mobile a permis de diminuer l’irradiation des yeux, et donc du cerveau, de 43 % chez le premier opérateur et de 33 % chez le deuxième. Au niveau des mains, la diminution est respectivement de 61 % et de 83 % (figure 3).
Figure 3. Résultats de dosimétries.
Déroulement de la procédure avec le paravent mobile
En dehors de son efficacité sur le rayonnement, la caractéristique essentielle qu’un matériel de radioprotection doit offrir est sa facilité d’utilisation et ne doit pas nuire au bon déroulement de la procédure. Là encore, nous démontrons que l’utilisation du paravent mobile n’allonge pas le temps total d’examen et n’augmente pas la quantité de produit de contraste nécessaire (tableaux 1 et 2).
Scopie/graphie : 2 niveaux d’irradiation
Il existe deux différentes séquences d’images en cardiologie interventionnelle : la fluoroscopie (ou radioscopie) et les acquisitions ciné (ou graphie). Bien que la durée cumulée des acquisitions ciné durant une procédure soit nettement plus courte que la durée de fluoroscopie, elle peut représenter de 40 à 80 % de la dose de rayons X totale émise au patient et à l’opérateur(1, 12, 13). L’opérateur devra donc porter une attention toute particulière à optimiser les mesures de radioprotection lors de la réalisation de ces acquisitions.
Au cours de ces acquisitions très irradiantes, l’utilisation d’un prolongateur d’injecteur voire d’un injecteur automatique permet à l’opérateur de se tenir plus loin du patient, ce qui ne serait pas possible avec un système d’injection classique, et améliore de manière significative la radioprotection. Ces systèmes d’injection permettent également de faciliter l’utilisation du paravent mobile en le positionnant entre le patient et l’opérateur, ce d’autant qu’aucune manipulation de cathéter n’est nécessaire durant ces acquisitions le plus souvent, diminuant ainsi encore la dose de rayons à l’opérateur.
Ce travail démontre que le paravent mobile supplémentaire permet de diminuer drastiquement l’exposition de l’opérateur notamment les parties anatomiques difficiles à protéger que sont les mains, le cristallin et le cerveau. La première partie de l’étude (groupe I) atteste que le matériel de radioprotection standard est efficace sur le thorax (0 mSv et 0,09 mSv mesuré) mais l’est moins au niveau des extrémités, montrant que les cardiologues interventionnels dépassent souvent les limites de doses annuelles recommandées aux yeux et aux mains(14, 15). L’ajout du paravent mobile permet donc de proposer une solution supplémentaire très efficace pour assurer une radioprotection complète sans pour autant nuire au confort de l’opérateur ou au bon déroulement de la procédure.
Conclusion
L’exposition aux rayons X la plus forte mesurée en milieu hospitalier concerne les actes de cardiologie interventionnelle. Les effets nocifs de cette irradiation sont aujourd’hui bien connus, à la fois pour le patient mais aussi pour l’opérateur avec les effets déterministes et stochastiques.
Les mesures de radioprotection standard doivent être connues de tous les opérateurs et appliquées pour chaque intervention.
L’utilisation du paravent plombé mobile de 2 mm équivalent plomb permet de réduire efficacement l’exposition du cardiologue interventionnel aux rayonnements ionisants, notamment les extrémités yeux-mains-cerveau difficiles à protéger en routine, sans pour autant allonger le temps de procédure, le temps de fluoroscopie, ou la quantité de produit de contraste nécessaire.
L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêt.
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