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Paramédical

Publié le 15 mar 2018Lecture 8 min

La sophrologie en salle de cathétérisme cardiaque

Céline VOLPATO, IDE et sophrologue, groupe Elsan, CESH Agen

La sophrologie caycédienne est une discipline qui développe une conscience sereine au moyen d’un entraînement personnel basé sur des techniques de relaxation, d’activation du corps et de l’esprit. C’est un entraînement psycho-physique de la conscience construit sur la perception positive de notre monde intérieur/extérieur.

La sophrologie se différencie de la psychanalyse et de l’hypnose. Elle travaille sur la conscience et non sur l’inconscient. Elle n’utilise pas l’interprétation comme un diagnostic ou comme un moyen thérapeutique. Cette méthode se fonde sur l’observation et l’étude de la conscience, de la perception corporelle et de la relation corps-esprit, ainsi que leur influence sur le mode de vie. Son objectif est d’aider à renforcer les attitudes et les valeurs positives au quotidien. Dans le champ professionnel comme personnel, la sophrologie développe les capacités de gestion du stress, de la douleur et des émotions. La pratique de la sophrologie est sans artifice : elle se pratique dans son quotidien, dans une ambiance naturelle. Elle n’est pas une thérapie en soi et s’allie parfaitement aux autres thérapies. Après 25 ans de cardiologie, dont 11 années passées en soins intensifs et 14 années dans le cathlab de la clinique Esquirol d’Agen, je me suis formée puis appropriée cette méthode pour la mettre au service des patients bénéficiant des examens de cathétérisme cardiaque. La sophrologie dite « caycédienne » La sophrologie a été développée dans les années 1960 par le Dr Alfonso Caycedo. Son approche résolument médicale et scientifique visait alors à apporter à ses patients une amélioration de leur qualité de vie. Il nommera cette méthode « sophrologie » d’après les racines grecques sos (harmonie) –phren (conscience) – logos (étude de) ou « étude de la conscience en équilibre ». Son but était de proposer à ses patients une méthode pratique et concrète applicable à tous. Poussé par cette motivation, ses voyages l’ont mené en Suisse où il a collaboré avec le Pr Ludwig Binswanger (1881-1966), père de la psychiatrie phénoménologique. Le Dr Caycedo s’est également plongé dans l’étude de l’hypnose thérapeutique et des techniques de relaxation développées notamment par le médecin allemand Johannes Heinrich Schultz (1884-1970) avec son « entraînement autogène ». Au cours d’un séjour de 2 ans en Orient (Inde et Japon), il s’initie au yoga, au bouddhisme tibétain et au zen japonais. Il intègre et adapte de nombreuses techniques fondamentales pour poser les bases de sa méthode : la Sophrologie caycédienne. Que peut apporter cette méthode ? De nombreuses expériences démontrent que les personnes s’entraînant aux techniques sophrologiques présentent moins de maladies liées au stress, une diminution très significative des consultations et de la consommation de médicaments tels que les tranquillisants, somnifères, analgésiques ou autres(1,2) (jusqu’à – 30 % dans les observations menées en Suisse, en Espagne par des sophrologues travaillant dans des centres de santé). Chaque étape de la méthode Caycedo a ses objectifs propres et se compose d’une série d’exercices basés sur la concentration, l’imagination et la contemplation. Certains exercices utilisent les cinq sens pour développer la conscience contemplative aiguisant la conscience du moment présent. D’autres stimulent l’imagination pour aider à anticiper positivement le futur et à mettre en valeur les sentiments positifs du passé. Au cours des séances, la personne prend peu à peu les rênes de sa vie, en s’éloignant des automatismes et des conditionnements, de la tyrannie du matérialisme et de l’urgence quotidienne. La place de cette méthode en unité de cardiologie interventionnelle (UCI) La méthode Caycedo permet de développer une meilleure résistance au stress et à la douleur. Elle fait prendre conscience au patient que le principal élément négatif du stress n’est pas l’événement lui-même ou son niveau d’intensité mais bien la manière de réagir. Le souvenir et l’imagination négative augmentent la douleur. Le sophrologue va l’aider à réagir d’une manière plus sereine et ainsi réduire l’impact négatif sur son ressenti physique et psychique. Cet aspect de la discipline devient intéressant lorsqu’il est appliqué, pour le patient, dans le cadre d’un examen programmé ou d’une situation stressante. La sophrologie aide les patients à remettre à sa juste place ce qu’ils ressentent réellement : « Ici et maintenant, que se passe-t-il vraiment dans mon corps ? ». Un corps détendu par une respiration en conscience est un patient qui supporte mieux l’examen. Avec le recul, il s’avère que la ponction artérielle en est très largement facilitée. Nos cardiologues interventionnels en font l’expérience quotidiennement et les anesthésistes sont moins sollicités. Les médecins, ainsi que les équipes paramédicales, stressés par un rythme et une exigence de qualité, voient dans la sophrologie un apaisement général dans le cathlab. Comment y parvenir ? Les patients, angoissés, sont visés par notre approche et ciblés dès leur entrée en salle de cardiologie interventionnelle. L’état de stress du patient étant noté directement dans le dossier du patient, cette information nous aide alors à proposer la sophrologie dès son accueil à l’UCI. Le sourire et le regard sont essentiels pour capter l’attention du patient (figure) et le sortir d’un certain repli sur lui-même. Il est nécessaire de le faire parler de sa vie, de ses intérêts, de ses loisirs afin qu’il puisse être en confiance. Cette étape permet de lui expliquer que grâce à des exercices de respiration, il pourra contrôler et maîtriser ses ressentis. Figure. Garder l’attention de la patiente pendant la ponction artérielle. L’exercice de base consiste à faire respirer le patient de façon calme en ralentissant le rythme respiratoire. Il inspire par le nez et expire par la bouche. Son souffle doit être lent et long et lui permettra de maîtriser son corps. À chaque fois qu’il ressent une douleur, il va se concentrer sur son expiration qui deviendra un peu plus forte tout en décontractant son visage : pas de grimace, juste un relâchement de sa tête, posée sur l’oreiller. D’un point de vue corporel, ces exercices aident à relâcher les tensions, jusqu’à un sentiment de sérénité, de bien-être physique et mental qui va permettre au patient de sortir de l’état de stress. Au niveau mental, les exercices de respiration activent la concentration et la lucidité du patient en lui permettant d’échapper à ses préoccupations du moment. Chez certains sujets, le sophrologue arrive à les amener – quand le corps est détendu – dans leur zone de confort : vacances, jardinage, promenade avec leur animal de compagnie… La phase de tension est essentiellement perçue pendant l’installation et la ponction, et c’est précisément durant ce laps de temps que le sophrologue agit. La sérénité dans laquelle est alors plongé le patient permet à l’examen de se dérouler dans de bonnes conditions, sans sa présence à ses côtés. Personnels médicaux et paramédicaux concernés Les obligations et le niveau d’exigence que demandent nos métiers entraînent fatigue et stress. La sophrologie permet d’en réduire les effets. Les personnels médicaux et paramédicaux vont renforcer leur état de santé, adopter ou conserver un regard positif sur leur environnement, diminuer les effets négatifs des tensions et de l’épuisement ressentis au quotidien. La sophrologie aide ainsi l’ensemble du corps médical et paramédical à résister à la charge émotionnelle. Elle est un réel apport pour soulager la pression journalière. Conclusion La sophrologie est une méthode de relaxation apportant un apaisement général en salle de cardiologie interventionnelle. Au quotidien, la sophrologie permet aux patients stressés de lâcher leurs angoisses et laisser émerger leurs ressources grâce à des exercices de respiration, de concentration sur leur corps et de visualisations positives. La sophrologie est bénéfique pour tout le cathlab puisque les personnels médicaux et paramédicaux travaillent avec une sérénité leur permettant de passer des journées plus agréables.   Cas clinique ➜ Mme T., 52 ans, est admise en salle de cathétérisme cardiaque pour un SCA ST-. Sa troponine est positive et elle a comme facteurs de risque le tabac et le stress. Prête à être installée, cette patiente semble totalement paniquée. Au vu de l’ECG et de son état clinique, le cardiologue souhaite commencer l’examen coronarographique le plus rapidement possible. Mais pour l’équipe paramédicale présente, il leur est impossible d’installer la patiente sur la table d’examen malgré les mots rassurants des IDE. Une fois rassurée quelques minutes plus tard, la patiente est enfin transférée sur la table d’examen et monitorée. Mme T. reste cependant en position assise, et en attendant l’arrivée de l’anesthésiste, je décide de commencer la sophrologie. J’aide la patiente à se remettre dans l’instant présent, « ici et maintenant ». Je capte son regard et son attention afin de la sortir de ses angoisses pour appréhender l’examen à sa juste mesure. Je l’aide à supporter le moment en la reconnectant avec ses capacités. La douleur liée au SCA est intense. Son ECG reste toujours bien modifié. Je reste calme, en alliance avec ma patiente, celle-ci s’allonge enfin. Le temps file et le cardiologue est pressé. La confiance s’installe entre nous. J’ai réussi à la recentrer sur les besoins de l’examen grâce à des exercices respiratoires. Elle respire calmement, se décontracte, écoute les consignes et enfin laisse ma collègue mettre en place le champ opératoire. L’anesthésiste arrive et rencontre une patiente moins angoissée. La méthode employée évite ainsi toute sédation. Le cardiologue peut commencer l’exploration. Toujours aux côtés de Mme T, je maintiens, avec la parole et ma main posée sur son épaule, le contact physique et mental. L’opérateur lui fait l’anesthésie locale, la voie d’abord sera la radiale droite (photo). Le cardiologue ayant des difficultés à trouver l’artère, je m’adresse à lui d’une voix calme pour le replacer dans ses capacités, en utilisant des mots positifs : il maîtrise alors le geste… Rassurer la patiente tout en apaisant le cardiologue, tel est alors mon leitmotiv. Photo. Méthode de sophrologie mise au service des patients en salle de cardiologie interventionnelle. L’introducteur en place, la patiente détendue, le cardiologue peut alors rapidement visualiser les coronaires, évaluer l’occlusion de la coronaire droite, pour finalement y placer un guide et réaliser un stenting direct. L’examen se termine, l’ECG se normalise, la douleur thoracique de notre patiente est atténuée… Le lendemain, je vais saluer la patiente qui est en Unité de soins intensifs de cardiologie. Je trouve une dame au visage détendu, assise dans son lit. Elle me reconnaît aussitôt et me sourit. Ses premiers mots sont « merci ». « Merci » pour la patience que toute l’équipe lui a témoignée et « merci » pour ma présence à ses côtés. Elle se rappelle de mon sourire et de mon regard… pas de ce que je lui ai dit, jusqu’à en avoir oublié le traumatisme de l’examen. Références 1. sofrocay.com 2. academie-sophrologie.fr Pour en savoir plus • Chéné P.-A. Médecine & Sophrologie, Tome 3. Ellébore éditions ; 2009-2015 : 616 p. • Hanh TN. Prendre soin de l’enfant intérieur. Éditions Belfond ; 2014 : 200 p.

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