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Dossier

Publié le 26 juin 2023Lecture 4 min

Complications rythmiques des maladies musculaires

Denis DUBOC, Hôpital Cochin, Paris

Les maladies musculaires présentent de nombreuses complications cardiaques tant sur le plan de la fonction ventriculaire, conduisant à l’insuffisance cardiaque, que sur le plan des complications à type de troubles du rythme cardiaque.
Certaines maladies musculaires ont des taux de mort subite annuelle par trouble du rythme ventriculaire ou trouble de conduction auriculoventriculaire anormalement élevés par rapport à d’autres pathologies cardiovasculaires plus classiques. Leur prévention et leur traitement présente néanmoins des particularités qui ont justifié des recommandations de prise en charge spécifiques adaptées à l’histoire naturelle particulière de ces affections.

Pour illustrer ces particularités dans le domaine de la rythmologie, nous prendrons comme exemple deux affections musculaires emblématiques que sont la dystrophie myotonique de type 1 (DM1), décrite par Steinert, qui est l’affection musculaire génétique la plus fréquente, et les laminopathies qui sont issues de la dystrophie musculaire d’Emery-Dreifuss, autosomique dominante, qui est l’une des affections génétiques connues à plus haut risque de mort subite par troubles du rythme ventriculaire.   Dystrophie myotonique (DM1)   Concernant la DM1, la question fréquemment posée est l’indication préventive d’un stimulateur cardiaque chez ces patients présumés à haut risque de mort subite par trouble de conduction auriculo- ventriculaire. Depuis les travaux de K. Whabi initiés par les premières données observationnelles faites par A. Lazarus, il est maintenant communément admis et recommandé de mettre en place un stimulateur cardiaque préventif dès que l’intervalle HV est mesuré à une valeur ≥ 70 ms. La comparaison de deux attitudes, 1/ suivi conventionnel non invasif basé sur les ECG et Holter répétés, d’une part, et 2/ une attitude dite invasive comportant la réalisation d’une exploration électrophysiologique endocavitaire chez les patients présentant un ECG anormal (PR long, QRS larges...) ou un holter mettant en évidence des anomalies de rythme lent asymptomatique ont fait l’objet d’une étude de suivi comparative sur plus de 700 malades. Dans le groupe invasif, la mesure d’un intervalle HV ≥ 70 ms était suivi de l’implantation préventive d’un stimulateur cardiaque. Il est important de rappeler qu’un PR long, à QRS fins ou < 100 ms, pouvait être dans cette affection DM1 fréquemment d’origine infra-hisienne et non pas nodale comme pouvaient le laisser classiquement envisager les données de l’ECG de surface. La comparaison entre les deux attitudes indique pour l’attitude dite invasive une diminution de la mortalité totale, essentiellement par diminution de la mortalité subite (figure). Figure. Survie globale et mort subite en cas de DM1, selon la stratégie d’investigation invasive ou non (Wahbi K et al. JAMA 2012 ; 307 : 1292-301).   Concernant l’indication du défibrillateur chez les patients DM1, elle reste plus controversée et est réservée aux rares patients pour lesquels des troubles du rythme ventriculaire ont été documentés dans des conditions de vie réelle, notamment dans le cadre du suivi non invasif (Holter, épreuve d’effort si réalisable...). Concernant l’utilisation des antiarythmiques de classe 1 utilisés à visée antimyotonique musculaire par les neurologues (mexilétine principalement), le risque d’effet proarythmogène ventriculaire rapporté doit faire bien poser le rapport bénéfice-risque de l’indication, et justifie une surveillance rythmique rigoureuse dans le suivi et l’accord préalable de l’équipe cardiologique. Concernant l’indication des techniques d’ablation, pour le flutter auriculaire commun en particulier fréquemment observé dans la DM1, elle rejoint les indications et les résultats observés dans la population générale.   Dystrophies d’Emery-Dreifuss à transmission dominante, laminopathies   La mutation sur le gène des lamines A/C, une protéine de la membrane nucléaire, est entrée dans la cardiologie par la porte des maladies musculaires en 1999. Cette mutation fut mise en évidence dans une maladie musculaire, la dystrophie musculaire d’Emery-Dreifuss qui se transmet sur un mode autosomique dominant, et on a vite constaté que cette mutation pouvait exposer à une myocardiopathie à haut risque rythmique ventriculaire. Beaucoup de patients porteurs de cette affection et appareillés à l’aide d’un stimulateur cardiaque pour bloc auriculo-ventriculaire présentaient des morts subites malgré leur appareillage. La présentation rythmologique dans cette affection est souvent progressive et évocatrice : fibrillation atriale puis bloc auriculo-ventriculaire, puis troubles du rythme ventriculaire fréquemment compliqués de mort subite, et enfin dysfonction ventriculaire gauche symptomatique pouvant conduire à la transplantation. Mais parfois la mort subite peut être la première et dernière manifestation de la maladie, d’où l’intérêt du diagnostic génétique pré-symptomatique chez les apparentés. Il est maintenant admis que le défibrillateur doit être discuté en présence de tels patients. Un score de risque établi dans un travail de K. Wahbi est un outil d’aide à la décision qui permet de mieux appréhender les patients à très haut risque (tableau). En pratique, le sexe masculin, les mutations faux sens et l’allongement de l’intervalle PR sont parmi les éléments qui pèsent beaucoup dans ce score. À titre d’exemple, l’observation d’un allongement de l’espace PR au cours du suivi d’un patient devra conduire, de façon contre-intuitive, à l’indication d’un défibrillateur implantable plutôt qu’à l’indication d’un simple stimulateur. Le choix du type de défibrillateur devra être bien sûr discuté, notamment chez un sujet jeune, le défibrillateur sous-cutané ne permettant pas de couvrir les troubles conductifs qui peuvent aussi être symptomatiques.   Concernant le risque embolique associé à la fibrillation atriale, il est particulièrement élevé dans les laminopathies, probablement du fait d’anomalies structurelles auriculaires (paralysie atriale fréquente avec dissociation électromécanique auriculaire) rendant large l’indication du traitement anticoagulant, quel que soit le score CHA2DS2-VASc. Concernant l’ablation des arythmies supraventriculaires, elle ne saurait être recommandée en pratique quotidienne en l’absence de données convaincantes disponibles.

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