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Polémique

Publié le 29 fév 2016Lecture 8 min

Stenting des bifurcations coronaires - Choc de simplification ou mieux, choc d'efficacité : le re-POT

G. FINET, F. DÉRIMAY, G. RIOUFOL, Hôpital Cardiologique, CHU de Lyon

Il nous est apparu depuis moins de 10 ans que le provisional stenting est la stratégie de choix pour traiter les bifurcations coronaires avec des stents pharmacoactifs. Dans le même temps, nous avons pu cumuler les preuves de l'inefficacité clinique du kissing balloon (KB). Il était donc temps de proposer et surtout de valider précisément, par l'expérimentation et la clinique, une nouvelle stratégie : la séquence (POT initial [proximal optimizing technique] + inflation de la branche secondaire + POT final), séquence nommée re-POT(1).

Pour gérer le stenting d'une bifurcation coronaire, la technique la plus reconnue est celle du KB qui utilise la technique de juxtaposition de deux ballons, généralement aux diamètres des vaisseaux filles qui, juxtaposés au point de confluence de la bifurcation et sur son segment proximal, ont pour objectif d'optimiser les ostia des deux vaisseaux filles tout en maintenant la carène en place et en minimisant les malappositions des mailles. Quatre études ont clairement montré que le KB dans le provisional stenting n’améliorait pas le taux d’événements majeurs des patients comparativement à celui de patients n’ayant pas bénéficié de cette technique(2-5). Deux études parmi ces quatre essais ont aussi montré que que le KB était à l’origine d’effets délétères avec un étirement artériel proximal excessif de plus de 18 % en termes de diamètre conduisant à un taux de réinterventions significatif dans le vaisseau principal (9,1 % avec le KB vs 3,4 % sans KB)(3,5). D'autres études ont permis de mieux comprendre les effets potentiellement délétères induits par la juxtaposition de ces deux ballons. Le KB consiste en une juxtaposition de deux ballons dont les diamètres sont adaptés à ceux des deux vaisseaux filles : branche principale (BP) et branche secondaire (BS). L’effet géométrique proximal attendu s’avère ne pas concorder avec le ratio fractal linéaire qui relie le diamètre du vaisseau mère (VM) DMV aux deux précédents de sorte que DMV = 0,678 (DBP + DBS)(6). En pratique avec le KB, DMV = DBP + DBS, soit une augmentation théorique du diamètre proximal de la bifurcation de 47 %. Cette déformation proximale n’est pas circulaire mais oblongue et induit un étirement artériel proximal excessif. Cette surexpansion crée une augmentation des contraintes résiduelles qui par mécanotransduction stimule la croissance tissulaire et altère en plus la dynamique des fluides en augmentant les zones de recirculation propices, elles aussi, à la progression tissulaire. Enfin, cette juxtaposition de ballon souvent incomplète dans la partie proximale du stent, laisse en place en amont de la zone déformée une zone toute proximale où le stent n’est pas complètement déployé avec une malapposition majeure compte tenu de la géométrie fractale des bifurcations (bottle neck effect). Tous ces éléments cliniques et physiopathologiques doivent nous inciter à reconsidérer la pratique de cette technique et à évoluer vers de nouvelles stratégies (figure 1). Figure 1. La géométrie fractale des bifurcations artérielles. A : Ratio linéaire de la géométrie et exemple de différence attendue entre les diamètres du VM et de la BP. B : Conséquence prévisible après implantation d'un stent : une malapposition complète du segment proximal. C : Les effets mécaniques délétères du kissing balloon. D : Un autre effet délétère proximal quand la juxtaposition des deux ballons ne couvre pas tout le segment proximal du stent. BP : branche principale ; BS : branche secondaire. Définition des objectifs d’un stenting d’une bifurcation coronaire Avant de s’interroger sur nos techniques généralement utilisées dans le traitement des bifurcations coronaires avec provisional stenting, il faut d’emblée redéfinir de manière bien précise quels sont nos objectifs mécaniques lors du traitement de ces bifurcations par provisional stenting. Les définir clairement avec une argumentation rigoureuse assurera une démarche rationnelle. La démarche inve rse est souvent de mise et nous cherchons plus souvent une justification de la technique choisie a posteriori plutôt qu’un projet clairement défini dont elle serait le résultat. Comprendre la géométrie fractale des bifurcations C’est est une étape cruciale(6). La forme géométrique de la bifurcation avec son VM et ses deux branches fille reste constante quelle que soit la dimension du VM au sein d'un arbre coronaire. Cette autosimilarité quelle que soit l’échelle est propre à la géométrie fractale. Cette géométrie découle directement de la fonction : la somme des débits sortants est égale au débit entrant : c’est la loi de conservation de masse. Plusieurs types de formulations permettent de décrire cette géométrie fractale. Dans notre pratique quotidienne, un ratio linéaire s’est avéré exact pour décrire les artères épicardiques tel que DMV = 0,678 (DBP + DBS)(7). La conséquence majeure de cette géométrie est qu’il existera systématiquement, quelle que soit la taille de la bifurcation coronaire, une différence prédictible entre le diamètre du VM et le diamètre de la BP. Il est alors très facile de comprendre qu’un stent qui doit être implanté au diamètre le plus petit, soit le diamètre de référence du vaisseau fille principal, sera systématiquement malapposé sur tout le segment proximal de la bifurcation (en moyenne : ΔD = 0,63 ± 0,36 mm avec une étendue comprise entre 0,23 et 1,42 mm)(7). L'angioplastie au ballon doit d'emblée, après implantation du stent, corriger la malapposition proximale du stent attendue. Optimiser le point de convergence de la bifurcation L'angioplastie au ballon doit optimiser le point de convergence de la bifurcation pour faciliter le franchissement de l'ostium de la BS comme proposé par O. Darrement(8). Optimiser l’ostium de la BS L'angioplastie au ballon doit optimiser l’ostium de la BS en la libérant si possible de toute obstruction par les mailles du stent. Mais cette inflation induit deux effets adverses : - une bascule de la carène entraînant une déformation du stent dans la BP ; - une attraction des mailles du stent sur la face opposée à l'ostium de la BS. Conception d'une stratégie interventionnelle adaptée Afin de satisfaire l’ensemble des objectifs mécaniques souhaités pour optimiser l’implantation d’un stent au sein d’une bifurcation coronaire, une nouvelle séquence interventionnelle peut être définie (figure 2) : Figure 2. Description des différentes étapes de la séquence re-POT. VM : vaisseau mère. BP : branche principale. BS : branche secondaire. 1. Une fois la longueur du stent décidée pour la réalisation d'un provisional stenting, le diamètre de celui-ci sera déterminé en fonction du diamètre de référence de la BP(9) avec l’objectif d’obtenir un ratio stent/artère supérieur à 1,0 assurant ainsi une impaction des mailles satisfaisante en éliminant toute malapposition. 2. Grâce à la géométrie fractale, tous les diamètres peuvent être déterminés(9). 3. Le premier temps est l'inflation d’un ballon compliant au diamètre de référence du VM pour résoudre les objectifs 1 et 2 définis dans le chapitre précédent (POT : proximal optimizing technique). Le caractère compliant du ballon est doublement nécessaire : le diamètre des artères varie de manière continue et le diamètre des ballons utilisés varie de 0,5 en 0,5 mm (un ballon compliant offre, quel que soit le constructeur, une augmentation possible du diamètre de référence d’au moins 11 %, a contrario un ballon non compliant ne permettra pas d’excéder 4 %, et enfin la pression exercée par le ballon est largement suffisante pour l'expansion d'un stent qui exige généralement moins de 1 atm pour cela. Un autre élément technique majeur doit être précisé : le positionnement du ballon est très important pour obtenir les effets mécaniques souhaités sur la zone de convergence du stent (expansion du diamètre du stent et donc des cellules dans la zone de convergence pour faciliter le franchissement de la BS par un guide). L’opérateur doit ainsi connaître la position exacte de la perte du parallélisme des bords du ballon compliant qu'il utilise dans sa pratique. Ce repérage se fait par rapport au marqueur radio-opaque distal (bord interne ou bord externe). Ce repère sera alors précisément placé sous scopie sur le plan de coupe de la carène (figure 3). Ce POT initial corrige concomitament toute la malapposition proximale du stent. Le passage ultérieur du guide pour la BS se fera alors sans encombre jusqu'à la BP avant de le remonter vers la cellule la plus distale de l'ostium de la BS. 4. Le deuxième temps est l'inflation d'un ballon compliant choisi en fonction du diamètre de référence de cette BS. 5. Enfin, le dernier temps est un POT final, selon les mêmes critères que pour le POT initial, afin de corriger la bascule métallique de la carène et l’attraction des mailles opposée à l’ostium de la BS. Dès lors, la procédure est complète et cette séquence est appelée re-POT. Figure 3. Illustration du placement correct du marqueur radio-opaque distal du ballon utilisé pour le POT, placé sur le plan de coupe de la carène. Validation expérimentale et clinique du re-POT Nous avons réalisé une étude expérimentale avec analyse comparative de six techniques différentes(1). Nous apportons d'abord une quantification précise des effets mécaniques du POT (tableau 1). Les valeurs sont exprimées avec la moyenne ± DS. * p < 0,05 vs après  POT.POT : proximal optimizing technique. D : diamètre, VM : vaisseau mère, ref : référence, BP : branche principale, OBS : ostium de la branche secondaire. NA : non applicable. Enfin, Il ressort clairement de cette étude que la réalisation complète de la séquence re-POT doit être réalisée pour obtenir des résultats qui se sont avérés significativement bien supérieurs à ceux obtenus avec le KB ou le POT + KB ou mieux encore le POT + KB avec pressions asymétriques (figure 4). Figure 4. Comparaison respective du ratio d’ellipticité (ellipticity index), du pourcentage de mailles malapposées (malapposed struts %), et du pourcentage d’obstruction de l’ostium de la branche secondaire (% strut obstruction in Side Branch Ostium) selon les 4 principaux protocoles testés : kissing balloon inflation (KBI) seul, POT + KBI avec pressions asymétriques, POT + SBI (side branch inflation), et séquence POT-SBI-POT (re-POT). Moyenne ± DS. * p < 0,05 vs séquence re-POT. † p < 0,05 vs stent Promus PREMIER™. Cette séquence re-POT produit les meilleurs résultats géométriques : • réduction de l’obstruction résiduelle de la BS à 5,6 % seulement, avec une parfaite apposition du stent ; • elle conserve une géométrie artérielle circulaire, avec réduction de l’index d’ellipticité de 1,03 alors qu’il était à 1,26 avec le KB ; • nous obtenons une réduction de l’étirement artériel proximal de seulement 3,3 % comparée aux 24,2 % obtenus avec le KB ; • enfin, nous obtenons une réduction de la malapposition globale des mailles des stents après re-POT de 5,6 ± 4,9 % alors qu’avec le KB nous obtenions 40,0 ± 6,2 % (figure 5). Les résultats cliniques préliminaires (32 bifurcations dont 44 % de troncs coronaires gauches) présentés à l'European Bifurcation Club 2015 et au TCT 2015 sont très encourageants puisqu'ils montrent que nous répliquons parfaitement les résultats produits par l'expérimentation.  Figure 5. Démonstration de l'inefficacité potentielle de l'utilisation d'un ballon non compliant pour la réalisation d'un POT. Conclusion  Le kissing balloon, procédure complexe compatible 6 F, ne réussit pas à démontrer son efficacité clinique et produit des effets délétères qui peuvent même altérer le résultat final. Nous avons rapporté précisément pour la première fois à notre connaissance les effets mécaniques de la technique d'optimisation proximale (POT). De plus, nous avons pu expérimentalement démontrer que la séquence re-POT, simple à réaliser (et potentiellement compatible 5 F), produisait dans le cadre du provisional stenting des résultats bien supérieurs à ceux obtenus avec les 5 autres techniques testées. Les études cliniques se poursuivent.

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