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Cas clinique

Publié le 30 mar 2021Lecture 5 min

Surfer les vagues les plus hostiles avec la technique RotaWave

Charlotte TROUILLET, Frédéric MOULIN, Charles CHRISTOPHE, Hôpital Clinique Claude Bernard, Metz

Voici le cas d’un patient de 68 ans, présentant une lésion très serrée massivement calcifiée du 2e coude de la coronaire droite.

Le contexte est celui d’un patient polyvasculaire, tabagique massif toujours actif mais sous traitement médical optimal, artéritique, en attente de revascularisation des membres inférieurs (MI), ayant initié une cardiopathie ischémique en 2005, et réalisant un contrôle coronarographique dans le cadre du bilan préopératoire. L’analyse de la coronarographie et l’atteinte monotronculaire nous fait retenir une stratégie de revascularisation. Malgré un bon support par un cathéter guide AL1 6 F, le plus petit ballon (Sapphire® 1,0 mm, CSI) ainsi que le microcathéter ne franchissent pas la zone de sténose (photo 1). Photo 1. Devant l’aspect massif et circonférentiel des calcifications, et le caractère très serré de la sténose, une athérectomie rotationnelle est décidée en première intention (photo 2). Photo 2. Le microcathéter est avancé au maximum, permettant au ROTAWire™ (Boston Scientific) de franchir la lésion. Afin de limiter le risque de blocage de fraise (lésion subocclusive, siégeant au niveau d’une angulation), nous choisissons de démarrer l’abrasion avec la plus petite fraise de Rotablator™ (1,25 mm, Boston Scientific). Plusieurs minutes de fraisage progressif sont nécessaires pour permettre le passage de la fraise et le polissage (absence de chute de vitesse) (photo 3). Photo 3. Pour poursuivre le debulking, nous optons d’emblée pour l’utilisation d’une seconde fraise de plus gros diamètre (1,75 mm). En effet, le diamètre de l’artère est estimé entre 3,5 et 4 mm (ratio fraise/artère recommandé > 0,5). Ceci permet au ballon de prédilatation de franchir cette fois la sténose. Mais malgré des inflations prolongées d’un ballon non compliant (NC) de 3,0 mm puis 3,5 mm de diamètre, une forte empreinte persiste avec un aspect typique en « diabolo », prédisant une sous-expansion majeure du stent (photos 4 et 5). Photo 4. Photo 5. Nous envisageons alors les deux options suivantes : • Poursuivre le debulking avec une plus grosse fraise : 2,0, voire 2,5 mm de diamètre : mais cette option est agressive et non dénuée de risques de perforation, du fait du siège de la calcification dans l’angulation du 2e coude de la CD. Par ailleurs, la probabilité d’améliorer l’empreinte résiduelle est limitée, car il semble que c’est surtout l’angulation qui empêche le debulking complet sur la concavité de l’angulation. Enfin, cela nécessiterait de passer à des cathéters guide de 7 F voire 8 F. • Compléter par une technique de « modulation de plaque » par le biais d’ondes de choc acoustiques ShockWave. Cette stratégie sécuritaire, devrait permettre par la transmission des ondes de choc acoustiques d’atteindre la zone cible, et de fragmenter les calcifications dans la concavité de l’angulation, permettant ainsi une expansion satisfaisante du ballon puis du stent. La limite de cette technique est cependant l’accessibilité du ballon sur la zone résistante, le profil de celui-ci étant conditionné notamment par la présence des deux émetteurs d’ondes, ce qui nécessite impérativement une prédilatation au ballon NC de diamètre équivalent au ballon de ShockWave choisi. Elle est par ailleurs réalisable en 6 F. Grâce à la préparation de la lésion par le Rotablator™, un ballon de ShockWave est acheminé sans difficulté jusqu’à la lésion, et les 8 séries de 10 impulsions à 30 secondes d’intervalle, ballon gonflé à 4, puis 6 atm, sont délivrées, avec, dès la 3e série une levée spectaculaire de l’empreinte en regard des calcifications massives (photo 6). Photo 6. Pour terminer la procédure, une nouvelle prédilatation au ballon de 3,5 mm à 16 atm est réalisée, sans empreinte résiduelle significative, et le stent actif de 4,0 x 24 mm est déployé, puis postdilaté au ballon NC de 4 mm. Une angioplastie du 1er segment est également réalisée dans le même temps. Le résultat final est satisfaisant (photo 7). Photo 7. Ce cas didactique démontre bien la complémentarité des deux techniques sur certaines lésions résistantes. Jusqu’à présent, il était nécessaire de recourir à une technique abrasive d’athérectomie rotationnelle pour permettre au matériel de franchir la lésion (figure 1), puis dans un deuxième temps, une technique de modulation de plaque par ondes de choc acoustiques (ShockWave, figure 2) était nécessaire afin de lever l’empreinte résiduelle dans la concavité de la zone d’angulation, non obtenue par le Rotablator™. Figure 1. Technique abrasive par Rotablator™. Figure 2. Technique de modulation de plaque par ShockWave. Cette approche hybride a déjà été décrite par quelques équipes européennes comme sûre et optimale en termes de résultats, dans des cas spécifiques de lésions résistantes non dilatables après Rotablator™ du fait d’une empreinte résiduelle significative(1-3). Ainsi, le cardiologue interventionnel a aujourd’hui plusieurs cordes à son arc dans le cadre des lésions résistantes, avec selon l’analyse fine de l’angiographie : la « palpation » de la plaque par les ballons de prédilatation, l’analyse endoluminale (±) par des techniques d’imagerie endocoronaire (IVUS ou OCT), un algorithme de prise en charge possible, comme celui proposé par l’équipe de C. Sorini Dini(4), avec au centre de celui-ci, pour les lésions les plus complexes, deux techniques de choix qu’il semble indispensable de maîtriser et d’intégrer à la « caisse à outils » de son cathlab (figure 3). Figure 3. Algorithme décisionnel pour le traitement des lésions coronaires calcifiées. Le rotablator™ Cette technique abrasive d’athérectomie est à privilégier en cas de lésions infranchissables massivement calcifiées. Il a l’avantage d’avoir obtenu récemment le remboursement en France, mais l’inconvénient d’avoir un risque de complications graves (blocage de fraise, perforation coronaire notamment) et requiert par conséquent une certaine courbe d’apprentissage, une expérience, et une anticipation des potentielles complications avec une analyse rigoureuse de l’anatomie (angulations notamment). Le ShockWave Technique basée sur la lithotripsie, il s’agit de modulation de plaque par ondes de choc acoustiques. Cette technique va permettre de fragmenter la charge calcique, avec d’excellents résultats dans le domaine coronaire, mais aussi dans l’angioplastie périphérique, et également le domaine de la cardiologie structurelle en rendant possible certains abords fémoraux complexes. Elle a l’avantage d’être sûre et simple d’utilisation, mais nécessite d’avoir pu franchir et prédilater la lésion par des ballons non compliants, afin de permettre le franchissement du ballon de lithotripsie. Elle est onéreuse et à ce jour n’est pas remboursée en France (mais l’est depuis peu aux États- Unis). Conclusion ▹ Dans les cas les plus complexes, il est possible, comme il avait été décrit dans la technique hybride Raser technique(5) associant Rotablator™ et laser, de combiner les deux techniques en cas de résultat insuffisant après athérectomie, ou d’échec de franchissement du ballon de lithotripsie. ▹ Ainsi, dans certains cas de lésions complexes résistantes, la technique couplée du RotaWave ou Rotatripsy (Rotablator™ + ShockWave) permet de surfer de manière harmonieuse et sûre sur la vague d’une lésion angulée massivement calcifiée, en abrasant les calcifications centrales puis en brisant les calcifications résiduelles dans les couches médiales, à l’origine de zones de résistance.

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