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Polémique

Publié le 28 fév 2015Lecture 9 min

Traitement des lésions de bifurcation - Y a-t-il du nouveau ?

P. BRUNEL, Groupe GCI-Dijon Bourgogne, Clinique de Fontaine, Fontaine-lès-Dijon

Dès lors qu’une indication de revascularisation est posée en présence d’une lésion de bifurcation, le problème du choix de la technique d’angioplastie se pose. Le nombre de publications concernant le traitement endoluminal des lésions de bifurcation est inversement proportionnel à celui des publications concernant le pontage aortocoronaire dans cette indication spécifique, qui est proche de zéro. 

« Le contraire du simple n’est pas le complexe, mais le faux » André Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, PUF, 1995 Il est d’ailleurs étonnant qu'il y ait encore tant de publications sur la technique ou les techniques qui devraient être développées pour une meilleure approche des lésions de bifurcation coronaire. Nous savons maintenant depuis longtemps, notamment en France – mais aussi en Europe pour tous ceux qui participent au Club Bifurcation par exemple – , que la technique du stenting « provisionnel » est le traitement de référence qui a de très bon résultats lorsqu’elle est réalisée par des équipes entraînées. L'approche provisionnelle : le traitement de référence Dans plus de 95 % des cas, un bon résultat peut être obtenu avec un seul stent. Mais alors, comment aborder la technique avec deux stents ? Cela peut sembler être un vrai problème car le nombre de cas nécessitant deux stents est faible. Comme l’exprime David Hildick Smith « si je fais 300 angioplasties coronaires par an, 15 % sont des lésions de bifurcation, 10 % le sont avec une branche de plus de 2,5 mm de diamètre et avec une lésion de plus de 5 mm de longueur : soit entre 4 et 5 cas annuels de bifurcations traitées avec 2 stents ! » (European Bifurcation Club 2014). Il est difficile (et long) alors de se faire une expérience. Une approche pragmatique Pourtant, l’approche est (très ?) simple : nous avons maintenant le choix entre plusieurs techniques pour rester dans la philosophie « provisionnelle ». 1. Il y a la façon super simple : un stent et je m'en vais comme pour une lésion sans branches de division avec un stent de calibre adapté à la partie distale du vaisseau mère suivi d’un POT. 2. Si le résultat sur la diagonale est insuffisant après le stent provisionnel, et si le ballon suffit pour la branche : stent, POT, kissing, et POT. 3. mais Si cela ne suffit pas, un 2e stent sera utile : stent, POT, kissing, stent en T ou TAP, kissing, POT. Avec une variante pour le 2e stent : en culotte soit stent, POT, kissing, culotte, kissing, POT. Vous aurez remarqué que j'ajoute le POT systématiquement en fin de procédure. Cela me paraît en effet indispensable compte tenu de la possible déformation induite par un kissing balloon sur la portion proximale d'un stent dans le vaisseau mère. Ce POT final n’est cependant pas un consensus de l’EBC (figures 1 et 2). Figure 1. A : Stent boost après kissing. B : diamètres en mm. Figure 2. A : Stent boost après correction par POT. B : diamètres en mm. Dans la mesure où tous ces gestes sont réalisés avec des stents actifs, un taux de « MACE » de moins de 10 % est régulièrement obtenu. Une étude récente, BABILON, a montré que la piste ballons actifs et stents nus n'est pas une bonne piste. S'il est encore nécessaire d'en parler, rappelons que le crush n’est pas une option « provisionnelle », que cette option s’avère d’emblée compliquée, avec un fort taux de thromboses de stent et/ou d’infarctus sur trois couches de métal... Le crush ou comment rigidifier l’artère à outrance ! EBC 2014 : quelques consensus, le travail de 10 ans d’existence Classification De nombreuses classifications ont été proposées, mais un des premiers consensus a avoir été obtenu rapidement à l’EBC a été celui sur la classification de MEDINA : vue une fois, elle ne s’oublie pas ! En ce qui concerne le traitement, la classification MADS, proposée par Yves Louvard a été retenue. MADS = Main first/main Across side first/Distal first/ Side branch first. La masse de myocarde peut être évaluée par des critères de substitution que sont la longueur et le diamètre de la branche de division. Introduire un guide dans la branche de division est recommandé lorsqu’elle est jugée d’importance avant de placer un stent dans le vaisseau principal. Les trois diamètres d’une bifurcation sont liés par différentes formules : Murray, Finet, Huo et Kassab (HK). Ces formules permettent de calculer le diamètre non évaluable quand les deux autres sont mesurables (tableaux 1 et 2). Tableau 1. Schéma des rapports entre les diamètres des vaisseaux dans les bifurcations saines (EuroIntervention 2014 ; 10 : 545-60.) Ces rapports ont été établis à partir des formules de Huo et Kassab. Ils sont particulièrement utiles quand seuls les diamètres de 2 vaisseaux sur 3 sont connus. Le 3e diamètre découle alors du rapport des 2 autres. Les couleurs rouges et bleue représentent les diamètres des segments mère et les différents paliers, respectivement. Tableau 2. Exemple de formule pour le calcul du diamètre d’un vaisseau non visible (Kassab GS, EBC 2009). Ou Dm, DI et Ds sont : les diamètres mère, les grandes et petites branches filles, respectivement  Un seul stent : une certitude… discutée Presque toutes les études ont conclu à de meilleurs résultats avec un seul stent. Néanmoins, il ne faut pas oublier que la majorité des études ont inclus de « fausses » bifurcations avec un diamètre de branche de moins de 2,5 mm et une lésion courte. Deux études récentes, DKCRUSH-II et TRYTON IDE donnent un signal différent, avec une tendance à de meilleurs résultats avec deux stents pour les lésions de branches de plus de 2,75 mm ou longues. C’est l’objectif de l’étude EBC TWO, dont les inclusions sont terminées, de répondre à cette question : un ou deux stents (en culotte) ? Quelle est la meilleure option pour des lésions de branches > 5 mm de longueur et > 2,5 mm de diamètre. Faut-il prédilater la branche fille ? Il y a eu de nombreuses discussions sur ce sujet au cours des 10 dernières années sans qu’un consensus ne ressorte. Une étude observationnelle a montré un risque majoré d’échecs sur la lésion cible si la branche était prédilatée. Inversement, quand cette hypothèse a été testée dans le cadre d’une étude randomisé avec de vraies lésions de bifurcation, la prédilatation était associée à un meilleur flux et à moins d’indications de traitement de branche ainsi qu’à un taux faible de stenting de branche, avec les mêmes résultats à moyen terme. Ces résultats seraient en faveur d’une prédilatation de branche puisque cela simplifierait la procédure. Choix du stent et de la taille Le stent de choix pour les bifurcations est le stent actif. La plateforme doit pouvoir s’adapter à l’anatomie de la bifurcation. La taille du stent doit être de la taille du vaisseau mère distal, et une optimisation proximale doit être réalisée pour bien apposer le stent au niveau du vaisseau mère proximal par la technique du POT, qui adapte le diamètre du stent au diamètre du vaisseau mère principal, en n’hésitant pas à mettre le ballon « loin » au niveau de la carène, là ou le diamètre est très élevé. Il n’y a pas à l’heure actuelle de consensus sur une utilisation de routine du POT, qui reste recommandé particulièrement en cas de grande différence de calibres mère proximal/distal et en cas de difficultés à refranchir la maille au guide vers la branche de division (figure 3). Figure 3. Un exemple de plateforme adaptée (A) et stent après kissing balloon (B). Kissing balloon en cas de technique simple Il n’a pas été démontré que l’utilisation du kissing en routine apporte un bénéfice clinique. Par contre, en cas de sténose de plus de 75 % il permet de diminuer le nombre de sténoses fonctionnellement significatives de 30 à 5 %. Le consensus porte donc sur une sténose résiduelle de 75 % et ou un flux TIMI 3 après stenting du vaisseau principal qui doit alors faire pratiquer un kissing balloon. Optimisation du kissing La qualité du kissing balloon dépend du point de franchissement du guide au niveau de la carène. Plus le franchissement de la maille est distal, plus le risque de formation d’une « «  métallique est diminué et meilleure est l’apposition de la maille au niveau de la coronaire dans sa partie proximale. Et ceci est d’autant plus vrai que l’angle entre les branches mère distale et fille est petit. L’utilisation de ballons non compliants est recommandée pour le kissing et pour les inflations individuelles à haute pression pour bien ouvrir la cellule aux ostia. La révolution résorbable ? La plus grande prudence s'impose en matière d'utilisation des stents résorbables pour le traitement des lésions de bifurcation. Les études d’évaluation des stents résorbables ont exclu les lésions de bifurcation. Une épaisseur de maille de 150 microns n’est pas sans poser de problème pour les techniques que l’on connaît dans l’abord des bifurcations, en particulier si l’on envisage deux stents… Globalement, deux options se présentent si l'on veut traiter les lésions de bifurcation avec un stent résorbable : - mise en place de la prothèse en utilisant les techniques que l'on connaît et qui ont été développées en utilisant des stents métalliques ; - mise en place « simple » sur le vaisseau principal, donc en laissant du matériel devant l'origine de la branche de division, et en comptant sur sa résorption ultérieure. La première attitude nécessite, on le sait des manœuvres soit de kissing balloon ou de POT, avec de fortes variations de diamètres. Or le stent biorésorbable de façon intrinsèque a un diamètre maximal, qu'il n'est pas possible de dépasser contrairement aux stents métalliques habituellement utilisés. Dépasser cette valeur limite entraîne des fractures de stent dans une proportion importante, sans commune mesure avec les fractures de stents métalliques. Concernant la deuxième attitude, on conçoit qu'il est techniquement bien plus facile d'envisager la mise en place d’un système que l'on place à l’ostium d'une branche de division sans autre nécessité d'intervention mécanique. Mais agir ainsi, dans l'état actuel de nos connaissances repose sur une présupposition de lyse totale à terme (figure 4). Figure 4. Acceptable car lyse future ou risque accru de thrombose ? (courtoisie du Dr Maciej Lesiak). Or ce point reste débattu. Si la résorption est complète en cas de matériel apposé contre la paroi, la résorption des mailles qui restent en « «  dans la lumière artérielle n'est pas confirmée comme cela a pu être constaté, notamment sur des images en OCT (figure 5). Figure 5. OCT à 6 mois (courtoisie du Dr Pascal Motreff). Ainsi, il ne faudrait pas que cette facilité technique séduisante pour l’opérateur ne se traduise en fait par un risque de thrombose de stent pour le patient. La recommandation de l’EBC, est que utilisation d’un stent résorbable pour une bifurcation avec une branche de division > 2 mm devrait être réservée aux études randomisées. En ce qui concerne les branches de divisions < 2 mm, le consensus est que l'on adopte les critères habituellement utilisés pour les stents métalliques, avec lésions sur branche de plus de 2 mm. Truc et astuces Technique utilisable quand la branche est importante et qu’il est impossible de la refranchir après stenting du vaisseau principal : laisser un ballon non gonflé dans le vaisseau mère, monter un petit ballon de bas profil sur le guide piégé pour faire un tunnel permettant de monter un ballon de taille adaptée sur la branche de division. Il faut toujours penser à réouvrir le stent mère dans son segment proximal, et surveiller à tout moment la position des guides. Conclusion L’EBC a réalisé un gros travail. Le consensus avance doucement, le traitement des lésions de bifurcation semble maintenant bien codifié. Il n’y a pas de réelle nouveauté, et l’horizon semble bien lointain pour les BVS. Ne laissons pas la nouveauté envahir la sphère médiatique de notre spécialité. Il ne faudrait pas que la course et la compétition « saines et naturelles » conduisent à une utilisation non raisonnée de ce nouveau type de prothèse, en particulier en ce qui concerne le traitement des lésions de bifurcation coronaire. Le développement de nouvelles plateformes est nécessaire à l’application de cette technique d’avenir aux lésions de bifurcation coronaire. 

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