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Grand angle

Publié le 25 juin 2021Lecture 8 min

Oxymétrie dynamique - Comment et quelles indications ?

Guillaume MAHÉ, Unité de médecine vasculaire, CHU de Rennes ; Inserm CIC1414, Rennes ; M2S - EA 7470, Université de Rennes.

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) est une pathologie fréquente touchant plus de 230 millions de patients dans le monde(1). Parmi les trois stades de l’AOMI, le stade d’ischémie d’effort peut poser des difficultés diagnostiques notamment lorsque les douleurs sont proximales et que d’autres pathologies peuvent expliquer les symptômes(2).

En effet, les douleurs proximales peuvent faire évoquer plusieurs pathologies comme le canal lombaire étroit ou l’arthrose de hanche pour les plus fréquentes(3). Dans ce contexte, il est sou- vent délicat d’affirmer ou non une participation vasculaire aux douleurs présentées à l’effort par le patient. La prévalence de la claudication proximale est estimée entre 5 et 14 % chez les patients présentant une AOMI distale(4,5). Elle apparaît élevée (approximativement 28 %) chez les patients présentant un pontage aortobifémoral(6), et elle est d’environ 35 % après une embolisation iliaque interne bilatérale pour un geste de réparation anévrismale endovasculaire(7). Les tests diagnostiques de repos comme l’index de pression de repos (IPS), l’index de pression d’orteil sont utiles mais peuvent être faussement normaux(8,9). Il est d’ailleurs recommandé par le dernier consensus de la Société française de médecine vasculaire (SFMV) et de la Société de chirurgie vasculaire et endovasculaire (SCVE) de réaliser un IPS post-effort en cas de d’IPS de repos normaux et d’examen écho-Doppler non contributif chez des patients présentant une symptomatologie d’effort. Cependant, même un IPS post-effort normal n’exclue pas une origine vasculaire(9-11). Ainsi, des tests évaluant l’hémodynamique vasculaire pendant l’effort peuvent être intéressants. L’oxymétrie dynamique (TcPO2 d’effort) est un moyen de réaliser cette évaluation pendant l’effort(12-14). Dans les années 1980, la TcPO2 d’effort a été proposée(15,16). Le principe de cette technique est d’étudier les conséquences (cutanée) d’une lésion occlusive sus-jacente. En 2003, Abraham et al. ont montrer l’intérêt du calcul du Decrease from Rest of Oxygen Pressure (DROP) pour mettre en évidence une sténose artérielle significative(12). Ce calcul a considérablement amélioré l’utilisation de cette technique. Le DROP exprimé en mmHg permet de s’affranchir du gradient transcutané qui existe lors des mesures. Quels matériels pour réaliser la mesure ? Il convient de disposer d’un tapis roulant afin de réaliser l’épreuve de marche. Les sondes qui sont des électrodes de Clark permettent de mesurer la pression partielle en oxygène. Les sondes sont connectées à un système PeriFlux 6000 (Perimed). Il faut au moins deux sondes pour réaliser une mesure de TcPO2 d’effort : une de référence appelée « sonde thoracique » qui est placée entre la scapula et le rachis et une placée sur la zone douloureuse du patient(12,14). Cependant, habituellement, cinq sondes sont utilisées : une sonde thoracique, une sonde sur chaque fesse et une sonde sur chaque mollet (figure 1)(3). Figure 1. Installation du patient pour une oxymérie dynamique. L’image A1 montre l’installation du patient sur le tapis pour la réalisation du test. Cinq sondes sont placées : une thoracique, un sur chaque fesse et un sur chaque mollet. L’image A2 présente une électrode de Clark qui permet de mesurer la pression partielle en oxygène transcutanée. L’image A3 présente la pose d’une cupule de fixation de sonde de 02 sur un mollet, puis la pose du Tegaderm® ou équivalent puis la fixation de la sonde et ajout d’un filet type Surgifix®. Le calcul du DROP est calculé pour chaque localisation : fesse droite, fesse gauche, mollet droit et mollet gauche. Le DROP de chaque site est calculé de la façon suivante(12,14) : où PO2(site)tt est la mesure de la pression partielle en oxygène sur un site au temps t, PO2(site)t0 est la mesure de la pression partielle en oxygène sur un site au temps t0 qui correspond à la mesure moyenne durant les 2 minutes de repos, PO2(thoracique)tt est la mesure de la pression partielle en oxygène de la sonde thoracique au temps t et PO2(thoracique)t0 est la mesure de la pression partielle en oxygène de la sonde thoracique au temps t0 qui correspond à la mesure moyenne durant les 2 minutes de repos. Ce calcul peut être réalisé de façon manuelle sur Excel mais il est plus aisé d’utiliser un logiciel dédié et gratuit (OxyMonitor® ; https://imagemed.univ-rennes1.fr/en/oxymonitor/download.php). Ce logiciel a été validé récemment et permet une évaluation en temps réel (figure 2)(17). Figure 2. Enregistrement avec le logiciel OxyMonitor. Ce patient présente une chute proximo-distale gauche : valeur de fesse gauche (left buttock) et mollet gauche (passant sous le seuil de -15 mmHg qui est en faveur d’une sténose significative ≥ 50 %.) Quand 5 sondes sont présentes et qu’elles sont placées comme suscitées, il est défini habituellement un DROP proximal gauche, DROP proximal droit, un DROP distal gauche et un DROP distal droit. Le DROP proximal évalue l’aorte, l’artère iliaque commune, l’artère iliaque interne et ses branches. Le DROP distal évalue l’aorte, l’artère iliaque commune, l’artère iliaque externe, l’artère fémorale commune, l’artère fémorale superficielle, l’artère poplitée et les artères jambières. Plusieurs études ont validé le seuil du DROP pour le diagnostic de sténose artérielle au moins supérieure ou égale à 50 %. Certaines validations ont été faites contre artériographie ou scanner injecté(9,12,13,18). Un DROP ≤ -15 mmHg a une sensibilité de 79 % et une spécificité de 86 % pour détecter des sténoses ≥ 75 % des artères à destinée du pelvis(12). Une étude a montré des résultats similaires contre scanner injecté des membres inférieurs(13). La sensibilité dans cette dernière étude était comprise entre 83 % et 80 % selon le niveau étudié (proximal ou distal), alors que la spécificité était comprise entre 86 % (DROP proximal) et 88 % (DROP distal)(13). Comment réaliser la mesure en pratique ? Tout d’abord il convient de s’assurer que le patient est capable de marcher sur un tapis à 3,2 km/h et 10 % de pente car c’est avec cette charge de travail que les critères de DROP ont été validés. Une étude récente suggère que la même valeur seuil pourrait être utilisée (-15 mmHg) pour un test moins intense (2 km/h ; 10 % de pente)(19). Lorsque le patient arrive, il se met en sous-vêtement et les sondes sont placées comme sur la figure 1. La sonde thoracique est placée entre la scapula et le rachis. Les sondes fessières sont placées dans le cadran supéroexterne et les sondes de mollets sont placées en post-éroexterne à 15 cm au-dessus de la malléole externe. Une étude réalisée par l’équipe angevine a mis en évidence une bonne reproductibilité intratest(20). Pour s’assurer que les cupules qui maintiennent les sondes soient bien fixées, un pansement Tegaderm ou équivalent est utilisé (figure 1). Une fois les sondes fixées, il convient d’attendre 10 à 15 minutes avant de débuter le test afin d’obtenir une vasodilatation maximale sous la sonde car celle-ci chauffe à 44 °C. Pendant, ce temps, le praticien peut en profiter pour préciser les symptômes du patient. Après stabilisation des valeurs des différentes sondes, le test peut commencer avec 2 minutes initiales de repos, puis le tapis se mettra en fonctionnement pour atteindre 3,2 km/h et 10 % de pente sur 25 secondes. Le patient devra alors marcher jusqu’à la douleur maximale comme pour les évaluations tapis habituelles. Après l’obtention de la douleur maximale, le test est arrêté et l’enregistrement se poursuit en récupération pendant 10 minutes ou jusqu’au retour aux valeurs de base des sondes. Quelles sont les indications de ce test ? Il n’existe pas de recommandations internationales pour la réalisation de ces tests. Cependant, un consensus intersociétés (SCVE et SFMV) propose de réaliser la TcPO2 à l’exercice chez les patients présentant plusieurs étiologies possibles aux douleurs (canal lombaire étroit, diabète, etc.)(21). Ces tests peuvent être envisagés devant les symptomatologies suivantes : • Douleur proximale, c’est-à-dire touchant les fesses, les hanches, les lombes et les cuisses afin de préciser si le patient présente une claudication artérielle ; • Claudication de cuisse ou de jambe, mais avec index de pression systolique (IPS) de repos normal ; • Douleur atypique pouvant faire évoquer des pathologies intriquées (canal lombaire étroit, arthrose, etc.). Ces tests peuvent aussi être discutés en cas de discordance entre l’imagerie et les symptômes. Finalement l’algorithme suivant peut être proposé (figure 3). Figure 3. Algorithme d’exploration d’un patient ayant une douleur à la marche. DROP : decrease from rest of oxygen pressure. Où puis je réaliser cette mesure ? La technique était peu utilisée jusqu’à maintenant mais son utilisation se développe notamment en France. La figure 4 présente les centres réalisant de la TcPO2 d’effort. Figure 4. Carte de France présentant les lieux où la technique de TcPO2 est réalisable. Comment coter cet examen ? À ce jour, il n’existe aucune cotation dédiée à cette technique. La seule possibilité à l’heure actuelle est de compter un électrocardiogramme d’effort (DKRP004 : 76,80 €) associé à une mesure d’index de pression systolique de repos (EQQM006 : 21,12 € à diviser par deux car associé à un autre test) ce qui fait un montant total de 87,36 €. La TcPO2 remplace-t-elle l’IPS post-effort ? La TcPO2 d’effort ne remplace pas l’IPS post-effort et l’IPS post-effort ne remplace pas la TcPO2. En effet, plusieurs travaux réalisés par notre équipe et l’équipe angevine montre que les deux tests n’identifient pas les mêmes patients malades(10,22,23). De plus, il est important de noter que les seuils d’IPS post-effort restent discutés(24,25). Le dernier consensus retient comme valeur pathologique une chute d’IPS post-effort supérieure à 18,5 % pour le diagnostic d’artériopathie des membres inférieurs chez des patients qui présentent un IPS de repos > 0,90 et présentant des douleurs d’effort(9,21,26). La TcPO2 a-t-elle un intérêt chez le sportif présentant des douleurs d’effort ? Notre expérience montre que si les sujets sportifs qui se plaignent de douleurs d’effort à la course sont testés avec un test tapis à 3,2 km/h et 10 % de pente, alors le test est tout le temps négatif(27). Il est primordial d’avoir un test symptôme limité ce qui n’est jamais le cas avec un test de marche à 3,2km/h et 10 % de pente. Limites de la technique La principale limite de la technique est le temps nécessaire pour réaliser la mesure. Il faut compter une petite heure pour celle-ci. De plus, le coût nécessaire à l’acquisition du matériel peut être un frein à son utilisation actuelle surtout qu’il n’y a pas d’acte identifié. Des études pour préciser l’utilisation sont néces- saires. Conclusion Les mesures de l’oxygène à l’exercice (TcPO2) ne sont pas des techniques de première intention. Elles complètent l’évaluation hémodynamique de repos. Elles sont intéressantes chez les patients présentant des symptomatologies douloureuses proximales à l’effort et ceux avec des pathologies intriquées (diabète notamment).  

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