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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 sep 2013Lecture 8 min

Un défibrillateur automatique implantable sous-cutané : pour quoi faire ?

C. MARQUIÉ, Service de cardiologie, CHRU, Lille

Le défibrillateur entièrement sous-cutané arrive en France ! Mais qu’est-ce qu’un défibrillateur sous-cutané ? Que change-t-il et à qui est-il destiné ? 

Nous connaissons tous les défibrillateurs automatiques implantables (DAI) que nous implantons depuis 25 ans. Ces appareils sont actuellement tous basés sur le même principe : un boîtier sous-cutané relié à une sonde endocavi-taire de défibrillation et éventuellement 1 ou 2 sondes de pacemaker pour l’oreillette et le sinus coronaire.    En 2012, plus de 12 000 patients ont bénéficié en France de la mise en place d’un DAI, et actuellement, dans le monde, près d’un million de patients en sont porteurs.  Cette technologie, qui a fait reculer la mortalité, présente malgré tout certains inconvénients. Les principales complications sont liées aux sondes de défibrillation. L’implantation endocavitaire de cette sonde peut se compliquer initialement d’hémo-pneumothorax ou d’épanchement péricardique sur une sonde transfixiante. Dans un second temps, peuvent survenir des problèmes infectieux ou de dysfonctionnement de sonde nécessitant leur extraction. Cette procédure peut être complexe en raison des risques de lésion de la tricuspide, de lésion ou d’occlusion des veines, de tamponnade ou de décès.    Le DAI sous-cutané, c’est quoi ? Comment ça marche ?    C’est d’abord une aventure humaine née de la volonté de deux médecins, les Drs Bardy et Cappato, qui ont créé en 2001 une start-up,« Cameron Health », afin de développer un DAI entièrement sous-cutané. Le premier appareil a été implanté chez l’homme à l’hôpital d’Auckland (Nouvelle-Zélande) le 28 juillet 2008.  Depuis, plus de 18 00 patients ont été implantés d’un DAI sous-cutané dans le monde. Cet appareil est maintenant approuvé aux États-Unis par la FDA et en Europe. Le premier appareil a été implanté en France au CHRU de Lille en octobre 2012. Depuis, une dizaine de patients ont pu bénéficier de cette technologie en France.    Les aspects techniques    Le matériel est entièrement sous-cutané, composé d’un boîtier (145 g, 69 cc) et d’une sonde de défibrillation. Le boîtier est positionné dans la région basi-thoracique gauche, sur la ligne axillaire moyenne  (figures 1 et 2), en position pré- musculaire ou rétromusculaire selon le morphotype du patient. La durée de vie de l’appareil est estimée à environ 5 ans, en utilisation classique avec une capacité d’environ 100 chocs.     Figure 1. Les trois flèches de couleur représentent les 3 vecteurs possibles pour la détection : Flèche jaune « vecteur primaire » entre l’électrode proximale et le boîtier ; Flèche rouge « vecteur secondaire » entre l’électrode distale et le boîtier ; Flèche bleue « vecteur supplémentaire » entre les électrodes proximale et distale.  Figure 2.  D’après S. Zumhagen.  PACE 2012;35:e254-e257    La sonde est une sonde 9 french (non isodiamétrique, de 12 french dans sa partie la plus large) de 45 cm (figure 3). Elle est tunnelisée du boîtier à la partie basse du sternum, puis remonte le long du sternum à droite ou à gauche selon les patients. Il y a deux points de fixation spécifiques, l’un en distalité, l’autre sur une olive de fixation à la partie basse du sternum. La détection se fait de manière bipolaire entre une des deux électrodes de la sonde et le boîtier ou entre les deux électrodes de la sonde (3 dipôles différents possibles et programmables à partir du programmateur, figure 1). Le choix est fait par le médecin selon la configuration permettant le meilleur recueil de l’onde R sans écoute de l’onde T.   Figure 3.    La technique d’implantation doit être rigoureuse car la position du coïl de la sonde et du boîtier détermine l’efficacité de la défibrillation. Il est recommandé à l’implantation de faire un test de défibrillation à 65 J.   Le programmateur est spécifique de ce type de boîtier.    Fonctionnement de l’appareil    Il est possible de programmer une ou deux zones de thérapie (programmables entre 170 et 250 bpm). Le traitement est le même dans les deux zones, à savoir des chocs de 80 J. Il n’est pas possible de programmer des chocs d’énergie moindre. La différence entre les deux zones de thérapie est que, dans la zone la plus basse, on peut programmer un algorithme de discrimination basé sur la morphologie.     La détection se fait à partir d’un dipôle constitué d’une des deux électrodes situées sur la sonde et le boîtier. Il y a 3 configurations de détection différentes et programmables à partir du programmateur. Le choix est fait par le médecin selon la meilleure configuration  (figure 1).   Il n’y a pas de fonction pacemaker hormis une stimulation post-choc optionnelle de 30 secondes maximum à 50 bpm. L’appareil possède un avertisseur sonore en cas d’atteinte de l’ERI (indication de remplacement électif), d’impédance de sonde hors limite, de durée de charge trop longue ou de problème d’intégrité de l’appareil.  Comme dans un DAI classique, on peut interroger les événements. La figure 4 montre un exemple de tachycardie ventriculaire réduite par un choc électrique.    Figure 4.  Les avantages    Le matériel est entièrement sous-cutané facilitant l’implantation : pas de problème d’accès veineux, moins de complications à l’implantation à prévoir, pas de pneumo- ou d’hémothorax, pas de sonde transfixiante ou de tamponnade.  L’implantation peut se faire uniquement sur la base de repères anatomiques, donc sans recourir à la fluoroscopie. En cas de rupture de sonde ou d’infection de matériel, l’extraction est plus simple, puisque le matériel est sous-cutané. Le boîtier est « neutralisé » par la mise en place d’un aimant comme pour un défibrillateur standard : tant que l’aimant est appliqué, le DAI ne délivre pas de choc. L’application de l’aimant déclenche un signal sonore lors de chaque détection de QRS pendant 60 secondes.    Les inconvénients ou les limites techniques    Ce DAI ne délivre que des chocs à 80 J. Il n’est pas possible de programmer des chocs de moindre énergie.  Il ne délivre pas de stimulation antitachycardique (ATP). Les patients qui présentent des épisodes fréquents de TV ou des TV lentes ne sont pas de bons candidats à cette technologie du fait de l’absence d’ATP et de la limite de programmation basse à 170 bpm.    Sa taille : le boîtier disponible aujourd’hui fait 145 g pour 69 cc, soit une taille 50 % plus grande qu’un boîtier « traditionnel ». Cet élément est à prendre en considération, en particulier chez des sujets minces ou jeunes chez lesquels il devra être positionné en rétromusculaire.   Il n’y a pas de fonction pacemaker sur cet appareil hormis une stimulation post-choc. Il n’est donc pas indiqué chez des patients ayant une indication de pacemaker ou de resynchronisation.  À ce jour, il n’y a pas de télécardiologie disponible sur ces boîtiers.    Les études cliniques    La plus grosse étude clinique est une étude multicentrique néerlandaise (4 centres) qui a inclus 118 patients ayant une indication de DAI en prévention primaire ou secondaire(1).  L’âge moyen des patients est de 50 ans. Le suivi est de 18 mois. Un test de défibrillation à 65 J a été effectué avec succès chez tous les patients. 98 % des épisodes de TV (9 épisodes chez 4 patients) ou de FV (36 épisodes chez 4 patients) ont été régularisés par le premier choc. On note 13 % de patients avec thérapies inappropriées, essentiellement sur des surdétections de l’onde T. Il y a eu des complications chez 16 patients (14%) :  3 patients ont eu un déplacement de sonde, 2 une érosion cutanée au niveau du boîtier, et 7 une infection.   Il existe également une étude clinique non publiée effectuée pour obtenir l’autorisation de la FDA : S-ICD system IDE study(2). Il s’agit d’une étude multicentrique, ayant inclus 330 patients dont l’objectif est de vérifier l’efficacité (défibrillation) et d’évaluer la sécurité (taux de complications à 1 an). Cette étude a montré que l’appareil pouvait réduire 100 % des TV/FV (28 épisodes pour 16 patients). On note 11 % de patients ayant présenté des thérapies inappropriées (majoritairement des sur-détections), aucun décès relatif à l’appareil, 18 patients ayant présenté un problème infectieux, dont 4 ayant nécessité une extraction du matériel, aucune endocardite ni septicémie.  À noter que depuis ces premières études cliniques, des améliorations ont été apportées au software pour réduire les chocs inappropriés, en particulier pour la sur-détection de l’onde T.   Quels patients implanter avec cet appareil aujourd’hui ?    Cet appareil représente une solution ou une alternative dans certaines situations :  - les patients ayant un abord veineux compromis : thrombose de VCS ou cardiopathie congénitale avec dérivations cavo-pulmonaires ;  - les patients ayant présenté un problème infectieux avec un DAI classique.    Dans tous les cas, les patients chez lesquels il est envisagé de mettre un DAI sous-cutané ne doivent pas avoir d’indication de stimulation.   L’implantation du DAI sous-cutané pourrait donc s’envisager chez des patients en prévention primaire ou secondaire de mort subite, sans indication de pacemaker ou de resynchronisation, en particulier ceux présentant un syndrome de Brugada, un QT long, une FV idiopathique, des cardiopathies congénitales complexes....   Les limites actuelles et l’avenir    On ne dispose que de peu d’études pour le moment concernant la fiabilité à moyen et à long termes de cet appareil. C’est une solution de choix face à certains obstacles anatomiques et peut-être une alternative intéressante chez des patients à risque de fibrillation ventriculaire. Une des limites actuelles reste son poids et son volume, mais Boston Scientific travaille au développement d’une version de plus petite taille, en réduisant en particulier l’épaisseur du boîtier.   Ces appareils présentent un intérêt certain chez les sujets jeunes chez lesquels le taux de rupture de sonde est important et les extractions de matériel endocavitaire difficiles. Il manque à ce jour une étude randomisée comparant à moyen terme l’efficacité et les effets indésirables de ce défibrillateur sous-cutané comparé aux appareils endocavitaires conventionnels.    Ce qu’il faut retenir    Le défibrillateur sous-cutané est un défibrillateur automatique implantable avec un boîtier et une sonde sous-cutanés. Il a comme caractéristiques d’être actuellement plus volumineux que les DAI habituels, de ne délivrer que des chocs à 80 J et de ne pas avoir d’ATP. Il possède une fonction pacemaker, mais uniquement de 30 secondes en post-choc. Son intérêt principal réside dans la position entièrement sous-cutanée de la sonde et du boîtier qui simplifie l’implantation et la gestion des complications liées à la sonde. Ce matériel est actuellement une alternative séduisante en cas d’obstacle anatomique à l’abord veineux des DAI traditionnels et en cas de problèmes ou de risque infectieux. Ses indications précises restent à définir, particulièrement en prévention de la mort subite, chez des sujets jeunes en alternative au DAI classique. 

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