publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cardiologie générale

Publié le 14 mar 2014Lecture 6 min

Fibroélastome papillaire : à propos de trois cas

T. REGGANY, C. ALEXANDRESCUS, N. HUGUES, F. BOURLON, Centre cardio-thoracique de Monaco

Le fibroélastome papillaire est une tumeur cardiaque bénigne très rare de localisation valvulaire préférentielle. Parfois asymptomatique, il peut être à l’origine d’accidents emboliques graves. Autrefois il était de diagnostic essentiellement autopsique, désormais il est aisément accessible à l’imagerie ultrasonore. L’exérèse chirurgicale de cette tumeur est un traitement sûr et efficace permettant de prévenir les risques de récidive embolique.

Nous rapportons ici les cas de 4 patients porteurs de tumeur cardiaque découverte de façon fortuite dans 2 cas et dans les suites d’un accident ischémique cérébral pour les 2 autres cas. L’échocardiographie transthoracique et transœsophagienne ont mis en évidence une tumeur valvulaire aortique dans 3 cas et dans la chambre de chasse du ventricule gauche dans 1 cas. L’examen anatomopathologique des pièces opératoires a confirmé le diagnostic de fibroélastome.   Observations cliniques   Cas clinique n°1 La patiente est âgée de 76 ans, elle est hypertendue et diabétique ; un test ischémique à l’IRM adénosine a permis la découverte fortuite d’une masse de 20 mm de diamètre attachée sur le versant aortique de la valve aortique, très mobile. La masse présente un hypersignal sur les séquences T2 et une faible captation tardive de gadolinium en périphérie (figure 1). L’échographie transœsophagienne (bidimensionnelle et en 3D) a confirmé la présence d’une formation attachée au niveau de la sigmoïde non coronaire (aspect de « parapluie déployé ») sans interférence avec la fermeture et l’ouverture de la valve aortique et sans fuite associée.   Figure 1. Hypersignal en T2 de cette masse sur la valve aortique.   L’image est très suggestive d’un fibroélastome papillaire de valve aortique avec indication opératoire en raison de la localisation et des dimensions importantes de la formation (figure 2). La coronarographie n’a pas révélé de lésions significatives associées. Un geste d’exérèse de cette tumeur, associé à un remplacement valvulaire aortique, a été réalisé avec des suites opératoires simples. L’examen anatomopathologique a révélé que c’était un fibroélastome papillaire bénin.   Figure 2. ETO en 2D et 3D : formation au niveau de la sigmoïde coronaire.   Cas clinique n°2 Il s’agit d’une patiente âgée de 72 ans sans antécédents cardiovasculaires notables, hospitalisée en urgence pour bilan d’accident ischémique transitoire. Le bilan échocardiographique (transthoracique et transœsophagienne) a confirmé la présence d’une image de néoformation mobile sous-aortique septale dans la voie d’éjection ventriculaire rattachée au muscle papillaire mesurant environ 17 mm, probable cause de l’origine emboligène (figure 3). Après un complément de bilan (IRM célébrale et des troncs supra-aortiques ainsi qu’une coronarographie), il a été réalisé un geste chirurgical sous circulation extracorporelle consistant à une tumorectomie de la masse intracardiaque avec des suites simples d’évolution favorable. L’anatomopathologie de la tumeur a confirmé le diagnostic du fibroélastome.   Figure 3. ETO formation mobile sous-aortique dans la voie d’éjection VG.   Cas clinique n°3 Une patiente âgée de 68 ans avec antécédent d’une fermeture percutanée d’un foramen ovale perméable (FOP) a été prise en charge en urgence suite à un accident vasculaire cérébral répétitif depuis 3 mois (trois épisodes) malgré un traitement anticoagulant associant un antiagrégant plaquettaire et un antivitamine K. Une IRM cérébrale réalisée a confirmé l’accident ischémique cérébral. Une échographie transœsophagienne effectuée en urgence a montré que le FOP était fermé et non perméable, mais par contre, la présence d’une image tumorale sur la sigmoïde coronaire droite compatible avec fibroélastome papillaire (figure 4). Un coroscanner a été réalisé et a montré un réseau coronaire normal.   Figure 4. ETO image tumorale sur la valvule coronaire droite.   Un avis neurologue après l’IRM cérébrale a suggéré le report de la chirurgie à distance du fait de la rupture de la barrière hémato-méningée, pour éviter d’aggraver, sous circulation extracorporelle, le syndrome neurologique. Au cours de l’hospitalisation, la patiente a signalé un trouble sensitif, avec lourdeur du bras gauche et récupération en 40 minutes. Un contrôle par IRM cérébrale a permis de mettre en évidence un nouvel accident ischémique. Il a donc été décidé d’une intervention chirurgicale en urgence, malgré l’accident vasculaire cérébral précoce : sous contrôle ETO peropératoire, a été réalisée l’ablation d’un récessus fibreux sur la face endocavitaire de la sigmoïde non coronaire et ablation d’un fibroélastome sur la sigmoïde coronaire droite, confirmé par l’étude anatomopathologique. L’évolution postopératoire était favorable.   Discussion   Les tumeurs cardiaques valvulaires primitives sont rares et représentent 5 à 10 % des tumeurs cardiaques. Dans la population générale, leur incidence est de 0,02 %. Les fibroélastomes papillaires (FP) sont les plus fréquentes des tumeurs valvulaires primitives, constituant 70 à 90 % d’entre elles(1).   Anatomie pathologique L’aspect macroscopique (figure 5) est celui d’une tumeur molle, translucide, végétante, d’aspect gélatineux ressemblant, lorsqu’elle se trouve en milieu liquide, à une anémone de mer. Les localisations possibles des fibroélastomes sont nombreuses(2) et siègent classiquement en plein corps valvulaire, sur les deux faces des valves semi-lunaires et auriculo-ventriculaires, sur les cordages et l’endocarde auriculaire et ventriculaire(3). Elle s’insère volontiers à l’endocarde par l’intermédiaire d’un pédicule plus ou moins long. Habituellement uniques, elles peuvent être multiples dans 10 % des cas(3,4). Sa taille peut varier de 2 mm à 7 cm(3,5).   Figure 5. Pièce anatomique. Fibroélastome papillaire : aspect macroscopique.   Sur le plan histologique (figure 6), il est tapissé d’une monocouche de cellules endothéliales. Le tissu conjonctif sous-jacent est riche en fibres collagènes, fibres élastiques, glycosaminoglicans et cellules musculaires lisses. Aucune cellule néoplasique n’est décrite dans la littérature. Mais, des anomalies cytogénétiques complexes ont été identifiées, leur conférant des caractéristiques de malignité locale(3).   Figure 6. Fibroélastome papillaire. Aspect histologique. Coupe colorée à l’hémalun éosine safran. Grossissement : 2,5 fois.    La pathogénie Elle est inconnue, l’origine cancéreuse, congénitale ou inflammatoire n’a jamais été démontrée, ni celle de leur développement à partir de thrombi muraux(2). Il n’existe aucun facteur de risque reconnu de survenue de fibroélastome papillaire. Le sex-ratio est d’environ 1/1(4), même si notre série est exclusivement féminine. L’âge moyen du diagnostic est 80 ans(2).   Clinique La symptomatologie(2,4-6) liée au risque embolique ou au caractère obstructif en fait sa gravité : accident vasculaire cérébral (50 %), syndrome coronarien aigu (20 %) et plus rarement ischémie mésentérique, embolie pulmonaire, syncope, insuffisance cardiaque, mort subite. Mais, il est asymptomatique dans un tiers des cas(5). Aucune étude n’a évalué le risque embolique du fibroélastome par rapport aux autres cardiopathies. En échocardiographie, il se présente comme une masse mobile, arrondie, irrégulière, pédiculée. L’écho transœsophagienne (ETO) est plus sensible et permet une analyse précise des rapports de la tumeur aux structures adjacentes(7). En cas d’impossibilité technique ou de contre-indication, le scanner spiralé a montré ses bonnes performances(8). L’imagerie par résonance magnétique peut aussi aider au diagnostic. Elle montre une masse solide caractérisée par un hypersignal modéré en pondération T1 et T2 sans injection de gadolinium(9).   Diagnostic différentiel Le diagnostic positif est anatomopathologique et sera fait sur la pièce d’exérèse chirurgicale. Les diagnostics différentiels du fibroélastome sont le thrombus intracardiaque, les autres tumeurs, bénignes ou plus rarement malignes, et les végétations dans le cadre d’une endocardite infectieuse. Le contexte clinique, l’évolution sous traitement anticoagulant et/ou antibiotique et les données d’imagerie sont nécessaires pour évoquer le diagnostic(5).   Thérapeutique Le traitement consiste en l’exérèse de la tumeur, un remplacement valvulaire (cela a été réalisé chez un patient dans notre série), voire une plastie est parfois nécessaire selon la taille, la localisation et les lésions associées(4,6). R.M. Gowda et coll.(2) ont proposé une alternative thérapeutique basée sur la surveillance échographique sous couvert d’un traitement anticoagulant. L’indication chirurgicale reposait, chez les patients asymptomatiques, sur le caractère mobile de la tumeur. Mais aucune étude n’a validé cette stratégie. En mettant à l’abri le patient d’une complication cardiovasculaire grave et en l’absence de récidive tumorale décrite dans la littérature, nous pensons, comme de nombreux auteurs(1,4-6), que le traitement chirurgical doit être systématique. Il permet la guérison complète, avec un risque opératoire faible.   En pratique   Le fibroélastome papillaire est une tumeur cardiaque bénigne, peu fréquente (moins de 10 % des néoformations cardiaques) et de localisation le plus souvent valvulaire (80 % des cas). L’imagerie ultrasonore permet d’accéder plus aisément au diagnostic. L’expression clinique la plus fréquemment rapportée dans la littérature est la survenue d'accidents ischémiques cérébraux. L’exérèse chirurgicale reste le traitement de référence avec un risque opératoire faible et la guérison des symptômes.   Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 2 sur 94
publicité
publicité