Études
Publié le 14 mai 2014Lecture 6 min
L’étude EXPLOR : comparaison de 2 stratégies thérapeutiques entre aténolol et valsartan - Étude de la pression artérielle centrale
La pression artérielle centrale est, comme son nom l’indique, la pression existant au niveau de l’aorte et des artères carotides. Lorsque le cœur éjecte le sang, il génère une pression artérielle dont l’onde de pression va se propager le long des artères issues du cœur jusqu’à la périphérie. Cette onde, qui avance à la vitesse de 10 m/s environ, va se réfléchir plus ou moins vite et revenir vers le cœur sous forme d’une onde de réflexion. Cette onde de pression de retour va donc s’ajouter à l’onde de pression descendante générée de nouveau par le cœur lui-même, amplifiant ainsi la pression artérielle centrale. Plus les artères sont rigides, plus l’onde de réflexion est rapide et donc plus la pression artérielle centrale va s’élever. De même, plus la diastole est longue et plus l’onde de pouls va se répercuter plus près du cœur. Enfin, bien sûr, le troisième critère sera la taille de l’individu et l’onde de réflexion sera d’autant plus tardive que le patient est grand.
Cette pression centrale est un facteur prédicteur d’une atteinte des organes cibles puisqu’il s’agit de la pression réelle s’exerçant au niveau des organes, et non pas la pression prise à l’artère humérale.
Plus le sujet est jeune, plus la pression centrale sera basse puisque la vitesse de l’onde de pouls sera diminuée du fait de la plus grande élasticité des artères. Celle-ci sera plus haute chez le sujet âgé, à pression humérale identique.
À âge égal, les facteurs qui influent sur la pression artérielle centrale chez les patients hypertendus vont donc possiblement dépendre du type de traitement antihypertenseur. Ces facteurs sont, entre autres, comme nous l’avons vu, la bradycardie, le niveau de rigidité artérielle et la vasoconstriction ou l’absence de vasodilatation. Les diurétiques sont peu ou pas actifs sur ces facteurs si ce n’est, pour certains d’entre eux une légère vasodilatation. Les inhibiteurs du SRAA ne modifient pas la fréquence cardiaque, mais sont vasodilatateurs et diminuent l’effet de la rigidité artérielle. Les bêtabloquants diminuent la fréquence cardiaque et ont un effet neutre sur la rigidité artérielle. Ils ont une action vasoconstrictrice s’ils sont bêta-1 sélectifs, ou vasodilatatrice pour les bêta-2 sélectifs, et donc, a priori, un effet plutôt délétère sur la pression artérielle centrale. Les inhibiteurs calciques sont vasodilatateurs et diminuent l’effet de la rigidité artérielle. Ils jouent sur la fréquence cardiaque en fonction de leur effet ralentisseur (vérapamil, diltiazem) ou accélérateur (dihydropyridines).
Des études ont déjà démontré des différences sur la pression artérielle centrale des antihypertenseurs comme l’étude CAFE ou l’étude REASON. Dans le premier cas, l’association diurétique + aténolol était comparée à une association IEC + DHP. Dans la seconde, l’aténolol seul était comparé à l’association IEC + diurétique. Dans ces deux études, l’aténolol augmentait significativement la pression artérielle centrale par rapport à l’association IEC + DHP ou IEC + diurétique. En revanche, on ne sait pas si l’association d’une DHP avec l’aténolol peut atténuer ou même effacer les effets néfastes du bêtabloquant sur cette pression centrale.
L’objectif de l’étude EXPLOR est de comparer les effets de l’aténolol et du valsartan associés l’un et l’autre à l’amlodipine. Il s’agit d’un essai réalisé en France auprès de 100 médecins généralistes connectés à 10 centres homologues susceptibles de mesurer les pressions artérielles centrales, avec un centre référent qui lit les résultats à l’aveugle : l’hôpital George Pompidou. Il s’agit d’un essai prospectif, multicentrique en double aveugle selon le schéma PROBE (Prospective Randomized, Open label Blinded Endpoint).
Population
Entre janvier 2008 et janvier 2009, 473 patients ont été recrutés. Après une période de wash out de 15 jours, ils ont tous reçu de l’amlodipine à 5 mg/j en une prise. À la fin de cette période (SO), les patients non contrôlés (n = 393) ont été retenus (PA > 140/90 mmHg ou PA > 130/80 mmHg chez les patients diabétiques). Au total, 193 patients ont été randomisés dans le groupe amlodipine 5 mg/valsartan 80 mg (V/A) et 200 patients dans le groupe amlodipine 5 mg/aténolol 50 mg (A/A). Après 8 semaines (S8), les doses étaient doublés (titration forcée) pendant une période de 16 semaines (S24). La mesure de la pression centrale s’effectuait par la technique de tonométrie d’aplanation (Sphygmocor®) qui permet, grâce à des modèles mathématiques, de mesurer la pression centrale à partir de la vitesse de l’onde de pouls radiale sans être obligé, comme cela avait été le cas dans les essais expérimentaux de réaliser un cathétérisme artériel.
Le critère primaire d’évaluation était la variation de la pression systolique centrale entre S0 et S24 avec aussi une mesure à S8. Les critères secondaires étaient les variations de la pression pulsée centrale et l’index d’augmentation de la vitesse de l’onde de pouls.
À l’entrée dans l’étude, les caractéristiques des patients étaient comparables dans les deux groupes. Il s’agissait, dans 46 % des cas, de patients à haut risque cardiovasculaire.
À S24, la baisse de la pression artérielle brachiale était sensiblement la même dans les deux groupes, que la mesure soit réalisée au cabinet du médecin généraliste ou dans l’un des dix centres de tonométrie. La baisse de la PAS a été de 11,78 mmHg dans le groupe A/A et de 12,93 mmHg dans le groupe V/A (p = 0,47). La baisse de la PAD a été de 7,9 mmHg dans les deux groupes. La baisse des chiffres tensionnels a été en grande partie réalisée avec la posologie la plus basse. Le doublement des posologies ont cependant permis une baisse supplémentaire de 2,6 mmHg pour la PAS et de 2,0 mmHg pour la PAD (p < 0,05). Le taux de patients contrôlés était respectivement de 43 % et de 47 % dans les groupes A/A et V/A à S8 et de 56 % et 59 % à S24. La baisse de la fréquence cardiaque, comme cela était attendu, était de -9,4 bt/min dans le groupe A/A par rapport au groupe V/A.
Résultats
• Sur le critère primaire :
La baisse de la pression centrale a été significativement plus basse dans le groupe V/A que dans le groupe A/A (- 3,95 mmHg ; p = 0,02).
• Sur les critères secondaires :
De même, la pression pulsée aortique est significativement plus basse dans le groupe V/A (-3,74 mmHg ; p < 0,001). Le pression pulsée périphérique n’était pas significativement différente (-1,36 mmHg tendance en faveur du groupe V/A [NS]).
• L’index d’augmentation (qui correspond à la vitesse des ondes de réflexion) était significativement abaissé dans le groupe V/A mais pas dans le groupe A/A (- 6,5 % ; p < 0,001).
Si l’on calcule la vitesse de l’onde de pouls carotido-fémorale au bout de 24 semaines de traitement, elle est diminuée de 1 m/s dans les deux groupes par rapport à S0, sans différence significative (-0,02 ; p = 0,92).
• Enfin, le taux d’événements indésirables est comparable dans les deux groupes : 45,1 % dans le groupe amlodipine/valsartan et 47 % dans le groupe amlodipine /aténolol.
Conclusion
Ainsi, à baisse identique de la pression brachiale dans les deux groupes, le groupe valsartan/amlodipine permet une plus grande diminution de la pression artérielle centrale aortique, de la pression pulsée et des ondes de réflexion (index d’augmentation). Ces deux associations thérapeutiques valsartan/amlodipine sont extrêmement efficaces (aux posologies utilisées) pour diminuer les chiffres tensionnels, mais le valsartan apporte un bénéfice supplémentaire en termes de protection des organes cibles, directement liée à cette baisse de la pression aortique centrale. Or, il ne semble pas que ceci puisse être expliqué par une diminution de la rigidité artérielle car la diminution de celle-ci est comparable dans les deux groupes. Cela n’est pas dû, comme cela avait été évoqué dans l’étude CAFE par la baisse de la fréquence cardiaque : en effet, après ajustement de la fréquence cardiaque dans les deux groupes, on n’observe qu’une faible différence en termes de baisse de la pression centrale.
Cet essai est, à ce jour le plus important en termes de durée, comparant un bêtabloquant et un inhibiteur du système rénine angiotensine. Le fait d’introduire dans les deux groupes l’amlodipine, qui pouvait être considérée comme le facteur le plus important dans cette baisse de la pression centrale permet de pointer du doigt le rôle du valsartan dans cette étude. Les résultats obtenus dans les grandes études cliniques réalisées avec cette molécule sur la protection des organes cibles, au-delà de la simple baisse des chiffres tensionnels en sont la meilleure preuve. La multiplication des preuves expérimentales comme celles apportées par cette étude nous permettent de mieux comprendre les effets des traitements utilisés dans le domaine de l’hypertension et donc d’affiner et d’améliorer nos stratégies thérapeutiques pour la protection des organes cibles chez les hypertendus.
Pression artérielle brachiale (pointillés) et pression artérielle aortique (continu) selon les traitements par amlodipine-valsartan (rouge) ou amlodipine-aténolol (bleu).
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