Explorations-Imagerie
Publié le 14 jan 2015Lecture 8 min
Progrès en IRM cardiaque : intérêt des nouvelles séquences de T1 mapping
P. GERMAIN, S. EL-GHANNUDI, T. CASPAR, M.Y. JEUNG, Nouvel Hôpital Civil, Strasbourg
Les nouvelles séquences d’IRM cardiaque appelées T1 et T2 mapping constituent un progrès important et offrent de nouvelles possibilités diagnostiques simples et efficaces. Avec ces séquences dont la mise en œuvre est aisée, l’intensité de chaque pixel correspond précisément à la valeur du temps de relaxation T1 ou T2. Les valeurs de T1 natif (sans injection de produit de contraste) sont élevées dans plusieurs situations entraînant des lésions focales ou diffuses d’œdème ou de fibrose ainsi que dans l’amylose. A contrario, le T1 est diminué en cas de maladie de Fabry ou dans les surcharges en fer.
Quantification des temps de relaxation en IRM
Les principaux déterminants du signal et du contraste en IRM sont les temps de relaxation longitudinal T1 (spin-réseau), transversal T2 ou T2* (spin-spin), la densité de protons et d’autres facteurs, notamment le flux sanguin. Les séquences d’imagerie habituelles sont ajustées pour donner un certain degré de « pondération » de ces paramètres mais ne donnent pas la valeur absolue du T1 ou du T2. Les nouvelles séquences de T1 ou T2 mapping consistent à obtenir un ensemble d’images (durant une apnée) avec des pondérations T1 ou T2 bien connues puis, après correction des mouvements parasites, de construire (post-traitement) une « image paramétrique » (cartographie) dont la valeur de chaque pixel correspond au temps de relaxation T1 ou T2 après ajustement exponentiel (fitting). Les mesures peuvent être réalisées avant ou après injection de produit de contraste (gadolinium). Nous parlerons ici surtout des résultats obtenus avec le T1 mapping « natif », c’est-à-dire obtenu avant injection de gadolinium. L’accès à une véritable quantification absolue plutôt qu’à une simple pondération des contrastes de l’image constitue un changement important en IRM.
Les déterminants du T1 et du T2 sont multiples et complexes mais le dénominateur commun concerne la teneur en eau des compartiments extracellulaire (interstitiel) et intracellulaire. Le calcul du volume de distribution extracellulaire est possible en combinant les valeurs du T1 obtenues avant et après injection de gadolinium.
Les valeurs normales du T1 myocardique sont de l’ordre de 1 000 ms pour un champ de à 1,5 Tesla et environ 20 % de plus à 3 Tesla. Il n’y a pas de variations importantes selon les régions myocardiques mais des valeurs un peu plus élevées ont été observées en diastole par rapport à la systole, avec l’âge (fibrose physiologique) et chez la femme avant la ménopause. Il faut signaler quelques variations significatives des normes en fonction du type de séquences utilisées (non encore standardisées) mais la reproductibilité est très satisfaisante (variabilités des mesures de l’ordre de 2 % seulement, surtout dépendante du tracé manuel des régions d’intérêt myocardiques).
Principaux déterminants du temps de relaxation T1 en pathologie
L’accroissement de la teneur en eau du compartiment extracellulaire (interstitiel) est la première cause de l’allongement du T1 myocardique (de l’ordre de +5 à +20 % environ). Cette situation est observée en cas d’œdème (phénomène inflammatoire aigu) et en cas de fibrose (phénomène cicatriciel chronique). La combinaison entre l’imagerie T1 et l’imagerie T2 permet de distinguer ces deux situations (tableau). Ainsi, par exemple, l’accroissement focal simultané du T1 et du T2 dans un territoire myocardique où apparaît une rétention de gadolinium peut correspondre à un infarctus récent (sous-endocardique ou transmural) ou à une myocardite aiguë (sous-épicardique) ; il s’agit alors de zones d’œdème myocardique (figure 1). A contrario, l’augmentation focale isolée de T1, sans accroissement concomitant du T2 est plutôt en faveur d’une cicatrice fibreuse ancienne comme le montre l’exemple de la figure 2. Cette distinction entre lésion récente et lésion ancienne peut être très utile, notamment chez les patients pluritronculaires dont l’artère coupable d’un syndrome coronaire aigu est incertaine.
La même distinction entre œdème et fibrose peut se faire pour les atteintes myocardiques diffuses ; par exemple un œdème causé par un rejet aigu de greffe cardiaque ou une poussée de sclérodermie ou de sarcoïdose entraînera une élévation simultanée du T1 et du T2 tandis que la fibrose diffuse d’une cardiomyopathie dilatée s’accompagnera d’une élévation du T1 seulement et pas du T2. Les pathologies responsables d’une diminution du T1 sont plus rares : il s’agit principalement des dépôts adipeux et des surcharges en fer.
Le T1 natif est augmenté dans divers types de pathologies qui ne peuvent être discriminées sans l’aide complémentaire de l’imagerie T2 et des séquences T1 post-gadolinium (à l’instar du diagnostic histologique qui nécessite des colorations variées pour pouvoir caractériser les lésions pathologiques).
Figure 1. Deux exemples d’œdème myocardique : chez un patient avec infarctus inféro-apical récent (1a, ligne du haut) et avec myocardite latérale récente (1b, ligne du bas). Ces lésions, identifiables en imagerie STIR et après injection de gadolinium (flèches rouges) apparaissent avec un T1 et un T2 élevés sur les séquences de T1 et de T2 mapping (flèches noires et blanches).
Figure 2. Infarctus latéral ancien avec fibrose focale. Le T1 de la cicatrice fibreuse (flèches rouges) est élevé (comme dans l’infarctus aigu) mais contrairement à l’œdème de l’infarctus récent, les séquences STIR et de T2 mapping montrent des valeurs normales (distinction entre œdème et fibrose).
OEdème myocardique
L’augmentation du T1 et du T2 dans l’infarctus aigu, de l’ordre de 20 % et persistant durant 1 à 2 mois, est lié à un accroissement du pourcentage en eau de 4 % environ (figure 1a). La zone d’accroissement des temps de relaxation correspond au « territoire à risque » sous la dépendance de l’artère occluse. Elle est plus étendue que la zone de rétention de gadolinium. La différence entre ces deux zones correspond au « myocarde sauvé » par la revascularisation et il a été montré que le T1 (ainsi que le T2) mapping offre une meilleure quantification de ces territoires (plus reproductible) que la traditionnelle séquence STIR, sensible à l’œdème mais de qualité technique assez inconstante.
La myocardite aiguë s’accompagne également de plages œdémateuses qui peuvent être visualisées en T1 ou en T2 mapping mais contrairement à l’infarctus (sous-endocardique ou transmural), l’atteinte prédomine ici dans les régions sous-épicardiques (figure 1b). En outre, un avantage intéressant du T1 et T2 mapping dans cette pathologie est de montrer une élévation diffuse (et pas seulement focale) du T1 et du T2, ce que ne peuvent pas révéler les autres séquences. D’autres pathologies, à leur stade inflammatoire (sclérodermie, sarcoïdose, rejet de greffe, etc.) devraient pouvoir bénéficier également de cette capacité du T1 et T2 mapping pour révéler l’œdème myocardique diffus.
Fibrose myocardique
La fibrose myocardique focale ou diffuse, voie finale commune de multiples pathologies, fait passer l’espace extracellulaire de 20 à 30 % environ ; il en résulte une augmentation du T1. Dans l’infarctus chronique, la cicatrice fibreuse est identifiable en T1 mapping, de manière inconstante à 1,5 Tesla (57 % des cas seulement, surtout en cas d’atteinte sous-endocardique), mais plus nettement à 3 Tesla, ce qui a conduit certains auteurs à évoquer une performance similaire à l’imagerie de rehaussement tardif (gadolinium).
Contrairement à la fibrose cicatricielle, la fibrose interstitielle diffuse des cardiomyopathies (dilatées et hypertrophiques) n’est pas identifiable en imagerie de rehaussement tardif et les séquences de T1 mapping (notamment avec les cartographies de seuillage) montrent ici tout leur intérêt (figure 3). Les corrélations entre fibrose interstitielle (histologie de biopsies opératoires), T1 natif et perturbations de la fonction diastolique ont été bien établies mais les études sur l’augmentation du T1 natif dans les cardiomyopathies ne sont toutefois pas toutes concordantes. Une augmentation du T1, présumée en rapport avec de la fibrose interstitielle a également été rapportée dans les atteintes cardiaques avancées du lupus érythémateux et dans la sclérodermie.
Figure 3. Intérêt du T1 mapping pour identifier la fibrose myocardique. En cas d’atteinte focale, comme sur la CMH de la ligne du haut, les valeurs élevées de T1 (flèches blanches) concordent avec les plages d’hypersignal identifiables après gadolinium. Lorsque la fibrose est diffuse, comme dans la CMD sur la ligne du bas, l’imagerie après gadolinium ne révèle aucune plage anormale tandis que les mesures de T1 ou la cartographie de seuillage des T1 élevés (images de droite) identifient clairement l’extension des lésions.
Maladies de surcharge et infiltrative
Il a été montré que le T1 natif est nettement augmenté en cas d’amylose (figure 4), avec très peu de chevauchement par rapport aux valeurs des sujets sains, ce qui constitue un indice diagnostique crucial, en particulier chez les patients en insuffisance rénale chez qui l’injection de gadolinium (traditionnellement nécessaire pour ce diagnostic) est contre-indiquée. L’utilité du T1 pour définir le pronostic ou pour ajuster le traitement reste à étudier.
Figure 4. Élévation du T1 natif dans l’amylose cardiaque. L’hypersignal sous-endocardique prédominant aux régions basales après injection de gadolinium est l’indice caractéristique d’amylose (images de gauche). L’élévation diffuse du T1 natif au-delà de 1 100 ms (images de droite) offre une pertinence diagnostique similaire, sans injection de gadolinium.
Deux maladies de surcharge accessibles à un traitement spécifique sont la cause d’une diminution du T1 natif du myocarde. La maladie d’Anderson-Fabry entraîne une accumulation de glycosphingolipides intracellulaires, or les lipides ont un T1 court. Face à une cardiopathie hypertrophique ou dans le cadre d’une enquête familiale, un T1 natif du septum court, proche de 900 ms, doit donc faire évoquer ce diagnostic, même s’il n’y a pas de plage de fibrose de la paroi latéro-basale (signe classique de cette affection).
Les surcharges en fer (figure 5) sont habituellement évaluées avec le temps de relaxation T2* (des valeurs < 20 ms traduisent une surcharge importante, permettant de guider le traitement chélateur) mais il semble que le T1 natif soit encore plus sensible puisqu’un quart des patients avec surcharge martiale avec T1 court ont des valeurs de T2* subnormales.
Figure 5. Diminution caractéristique des temps de relaxation T1 et T2 en cas de surcharge en fer du myocarde chez un patient polytransfusé, avec également ici très importante surcharge martiale hépatique donnant un aspect de « foie noir » (étoile) dans toutes les pondérations (courtoisie Dr Greciano, cardiologie Pasteur Colmar).
Les principaux résultats publiés en pathologie sont sommairement résumés à la figure 6. On retiendra que les nouvelles séquences de T1 et T2 mapping apparaissent déjà comme des outils utiles et pratiques en IRM clinique, notamment pour la maladie de Fabry, l’amylose et les surcharges et fer, même si le qualificatif flatteur de « biopsie non invasive » qui a pu être évoqué à leur sujet reste caricatural et symbolique. À l’avenir, avec ces séquences, le diagnostic des lésions œdémateuses ou cicatricielles d’infarctus ou de myocardite ainsi que la caractérisation tissulaire des atteintes myocardiques infracliniques pourraient devenir opérationnels sans le recours obligatoire à l’injection de gadolinium, ce qui est important en particulier en cas d’insuffisance rénale.
Figure 6. Les variations du T1 natif sont de l’ordre de ± 5 à 20 % selon les pathologies, d’après les récents travaux résumés sur cette liste.
En pratique
T1 et T2 mapping quantifient la valeur absolue des temps de relaxation, révélant ainsi des lésions diffuses, indiscernables avec les anciennes séquences d’imagerie (qui ne montrent que des contrastes relatifs).
Le T1 natif et le T2 sont allongés en cas d’œdème myocardique (infarctus, myocardite aigus).
Le T1 natif est allongé mais le T2 reste inchangé en cas de fibrose myocardique (cicatricielle focale ou diffuse).
En cas de cardiopathie hypertrophique, un T1 natif nettement allongé évoque une amylose, un T1 natif abaissé évoque une maladie de Fabry.
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