Publié le 14 juin 2015Lecture 6 min
Infarctus du myocarde : quel chemin parcouru !
P. ATTALI
TUC
Sur le plan épidémiologique ? Le paysage évolue
D’après la communication de J.-E. DE LA COUSSAYE (Nîmes)
Des registres successifs (USIK, USIC 2000 et FAST MI) sur la prise en charge de l’infarctus du myocarde STEMI en France montrent une amélioration de la survie dans cette pathologie. En effet, aussi bien chez les patients non reperfusés, que chez ceux traités par fibrinolyse ou angioplastie primaire, la mortalité à 30 jours a diminué environ de moitié entre les années 1995 et 2010 (Puymirat, 2012).
L’évolution de la prise en charge préhospitalière dans les 30 dernières années a beaucoup évolué. Ainsi, la thrombolyse préhospitalière, avec un gain d’environ 1 h par rapport à la thrombolyse intrahospitalière, avait amélioré le pronostic des patients avec un STEMI (RRR 17 % ; p = 0,03), selon une métaanalyse parue en 1993. Et, le credo dans les années 1985-95 était devenu « fibrinolysezles tous… et encore mieux en préhospitalier » ! Ensuite, dans les années 1995-2000, le nouveau dogme est devenu « l’angioplastie primaire pour tous » ! Les années suivantes, 2000-2010, ont été très passionnées entre les partisans de la fibrinolyse préhospitalière contre ceux de l’angioplastie primaire. Les points de polémiques portaient sur les délais de prise en charge et les transferts, sur les traitements associés, sur les stratégies pharmaco-invasives, sur l’angioplastie primaire facilitée et sur le prétraitement.
Depuis les années 2010, le retour à la raison semble prévaloir. Si le délai douleur-premier contact médical est < 2-3 heures, ne faudrait- il pas préférer la fibrinolyse préhospitalière à l’angioplastie primaire ?
La stratégie actuellement suivie par le Samu 30 (Smur de Nîmes) dans la stratégie de prise en charge du SCA STEMI est la suivante : en cas d’infarctus du myocarde typique, le patient reçoit 250 mg d’aspirine en IV ; ensuite si le délai de transport prévisible est < 90 min, le patient reçoit enoxaparine 0,5 mg/kg en IV et abciximab 0,25 mg/kg en bolus suivi d’une perfusion de 0,125 μg/kg/min sur 12 h, plus prasugrel en l’absence de haut risque hémorragique (< 75 ans, > 60 kg et pas d’AVC/AIT) surtout si le risque thrombotique est majoré (diabète ou infarctus antérieur) : le patient est alors dirigé vers un centre d’angioplastie primaire. Par contre, si le délai de transport est > 90 minutes et en l’absence d’une des conditions suivantes : contre-indication à la fibrinolyse, récidive d’infarctus, antécédent de pontage coronaire, début de douleurs trop tardif > 3 h, choc cardiogénique ou doute diagnostique, le patient reçoit alors un fibrinolytique (TNK 30-60 mg selon le poids), enoxaparine 30 mg IV (< 75 ans) ou 1 mg/kg SC 15 min, plus clopidogrel 300 mg.
Sur le plan thérapeutique ? Le carrefour des décisions
D’après la communication de C. SPAULDING (Paris)
La prise en charge d’un SCA STEMI nécessite de prendre beaucoup de décisions majeures en peu de temps.
La première est la réponse à la question suivante : le patient risque-t-il d’évoluer vers un choc cardiogénique ? Avant de réaliser l’angioplastie, il convient de rassembler les éléments cliniques prédictifs d’évolution vers cette complication. L’interrogatoire du patient permet de préciser son âge, les antécédents d’angioplastie ou de pontage, la notion de diabète, de dysfonction VG préexistante, l’existence d’une dyspnée et les traitements déjà administrés. L’examen clinique portera particulièrement sur la fréquence cardiaque, la recherche de signes d’insuffisance ventriculaire gauche droite et sur l’auscultation cardiaque. L’ECG recherchera un infarctus antérieur ou une extension de la nécrose et enfin l’échocardiographie permettra de mesurer la FEVG, de vérifier s’il existe une insuffisance mitrale ou une CIV. Dans l’étude SHOCK, la dysfonction ventriculaire gauche a été, de très loin, l’étiologie la plus fréquente de choc cardiogénique.
Le deuxième point concerne les antiagrégants plaquettaires qui accompagnent l’angioplastie primaire lors d’un STEMI : selon les recommandations européennes de 2014, un inhibiteur des récepteurs P2Y12 doit être administré au moment du premier contact médical (I B), en plus de l’aspirine (I A), à moins d’une contreindication. Les options sont le prasugrel (60 mg suivis de 10 mg/j) (I B), le ticagrelor (180 mg suivis de 90 mg 2 fois/j) (I B) ou le clopidogrel (600 mg suivis de 75 mg/j) seulement lorsque le prasugrel ou le ticagrelor ne sont pas disponibles ou sont contre-indiqués (I B).
Ensuite, la décision concerne le choix de la voie d’abord, radiale ou fémorale : la voie radiale doit être préférée en cas de STEMI, à condition d’une utilisation en routine de cette voie dans le centre d’angioplastie.
Faut-il faire systématiquement un thromboaspiration préalable ?
Alors que l’étude TAPAS (2008) avait montré une réduction de la mortalité à un an avec cette démarche, l’étude TASTE (2014) a montré que la thromboaspiration en routine ne réduisait pas de manière significative la mortalité, les réinfarctus ou les thromboses de stent dans le STEMI. Finalement, l’étude TOTAL (2015) vient de montrer que cette utilisation devrait se faire « à la carte ».
Autre décision : quid des anti-GPIIbIIIa en salle de cathétérisme ?
Les experts de l’ESC recommandent la prescription des anti-GPIIbIIIa en soutien, en cas d’évidence angiographique de thrombus intracoronaire (IIa C). Une utilisation en routine peut être considérée aussi chez un patient sans contreindication (IIb B). De même, l’utilisation en amont du geste d’angioplastie primaire, lors du transfert vers le centre d’angioplastie, peut être envisagée chez des patients à haut risque (IIb B).
Ensuite, quel type de stent choisir : actif ou non ?
Les stents actifs ne sont pas associés à un risque accru de thrombose de stent, contrairement à ce que l’on avait pensé. Voire, pour les thromboses de stent précoces, une tendance en faveur des stent actifs a été montrée (Spaulding, 2006 et 2011). La diminution des thromboses de stents actifs après angioplastie primaire pour SCA STEMI serait liée aux progrès du traitement médicamenteux associé. Ainsi, dans l’étude TRITONTIMI 38, dans la cohorte des STEMI, les patients sous prasugrel ont eu une évolution plus favorable que ceux sous clopidogrel, avec une réduction significative des événements du critère primaire et sans majoration des saignements majeurs hors pontage (selon TIMI). De même, l’incidence des thromboses de stent, avérées ou probables, a été réduite de moitié avec le prasugrel par rapport au clopidogrel (HR = 0,58 ; IC95 93).
Pour les stents bioabsorbables, une tendance à la réduction de moitié des thromboses de stent à été observée dans une étude comparative avec les stents nus (respectivement 0,9 % vs 2,1 %, p = 0,10).
Enfin, faut-il traiter toutes les lésions coronaires en plus de celle de l’artère « coupable », ou non ?
Dans le choc cardiogénique, la revascularisation doit être complète. En l’absence de choc, en cas de lésions non complexes, de procédure courte et si l’opérateur, l’équipe paramédicale et le patient ne sont pas fatigués, oui. Sinon, elle pourra être faite dans un deuxième temps, soit au cours de la même hospitalisation, soit secondairement mais dans les 15 jours.
La procédure terminée, il faut bien entendu souligner l’importance non seulement de la transmission des informations aux collègues, mais aussi celle de l’éducation thérapeutique sur le champ, à la fois sur la durée du traitement antiagrégant, sur l’importance de la prévention secondaire et du suivi thérapeutique rigoureux.
À l’arrivée, le parcours continue...
D’après la communication de H. LE BRETON (Rennes)
La prise en charge ne s’arrête pas à la phase aiguë hospitalière. Il est important de continuer à évaluer les profils du risque ischémique et hémorragique des patients pour décider du traitement antithrombotique à la sortie de l’hôpital. Dans le registre ORBI, les saignements majeurs, BARC 3 ou 5, à un an (3,8 % dont 1,3 % en extrahospitalier) chez les patients après un SCA STEMI traité par un anti- GPIIbIIIa sont survenus le plus souvent sous clopidogrel (prescrit chez 25 à 30 % des patients). La durée actuellement recommandée de la bithérapie antiagrégante plaquettaire après un SCA reste encore d’environ un an.
En cas de besoin d’une chirurgie non urgente, elle doit être différée au-delà de 6 semaines après un stent nu, mais au-delà d’un an (6 mois ?) après un stent actif de dernière génération.
En fait, la gestion « à la carte » du traitement antithrombotique périopératoire doit prévaloir, en tenant compte à la fois du risque thrombotique et du risque hémorragique.
D’après un symposium organisé par Daiichi Sankyo, sous la présidence de G. MONTALESCOT (Paris) et C. SPAULDING (Paris), avec la participation de J.-E. DE LA COUSSAYE (Nîmes) et H. LE BRETON (Rennes)
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