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Cardiologie générale

Publié le 14 sep 2015Lecture 6 min

Cœur et hypnose

Y. BRETON, Centre Anesthesia, Hôpital privé Saint-Martin, Pessac

APPAC

Considérer la question du cœur et de l’hypnose nous interroge sur la définition du cœur. Qu’est-ce que le cœur ? Le cœur est-il un organe ? Est-il une pompe ?
Le cœur est certainement bien plus. Il est un concept. Le cœur est bien sûr le cœur-pompe, à l’origine du flux sanguin. Il est à l’origine de l’irrigation des organes. Il est aussi à l’origine de sa propre vie car il s’alimente lui-même. Le cœur est une métaphore dans bien des discussions dans nos vies d’homme. 

Le cœur en médecine chinoise En médecine chinoise, le cœur est le maître des organes. Il est tel un monarque. Ses fonctions sont de gouverner l’esprit et le sang, de contrôler les vaisseaux sanguins et d’abriter l’esprit. L’état du cœur joue sur différentes fonctions : l’activité mentale, la conscience, la mémoire, la réflexion et le sommeil. Quand le cœur est fort, le corps et l’esprit fonctionnent convenablement. En médecine occidentale, nous retrouvons les mêmes notions : un patient en état d’insuffisance cardiaque peut délirer, être incohérent quand apparaît un état d’acidose métabolique par dysfonction tissulaire. Un point situé sur le méridien du cœur est appelé « Shen Men », le maître de l’esprit. Il s’agit du 7e point de ce méridien (Cœur N°7). Chan et coll. ont montré que la stimulation de ce point C7 a permis une diminution de 44 % des paramètres de stress. Mais si le cœur abrite l’esprit, existe-t-il un rétrocontrôle négatif ? L’esprit peut-il venir à son tour au secours du cœur et donc du corps ? Notre cœur est-il influencé par le cœur des autres ? Nous pouvons aussi nous poser la question de savoir si le cœur du cardiologue peut être atteint de manière plus importante que chez les autres médecins, pour un même niveau de stress, parce que le cardiologue traite spécifiquement cet organe. Autrement dit, quand lors de nos études de médecine nous parlions du psychiatre qui sombrait dans la pathologie de ses patients, le cardiologue peut-il faire de même ?   Les neurones miroirs (Rizzolatti, 1996) Il s’agit de cellules nerveuses qui s’activent lorsqu’un individu observe une autre personne réaliser une action. C’est l’exemple type des neurones de l’empathie. Comment pouvons-nous imaginer qu’un cardiologue traitant un syndrome coronarien aigu (SCA) ne subisse pas le même stress que le patient luimême. Prendre de la distance ? Ne pas s’identifier ! Mais que fait l’inconscient ? Compte tenu de la réalité de ces neurones miroirs, mis en action de façon démultipliée chez le cardiologue, il est absolument nécessaire d’imaginer une solution, dès le début des études de médecine, surtout en cardiologie, pour contrecarrer le rôle pathologique de la mise en jeu de ces neurones miroirs. Il s’agit donc d’augmenter la résilience ? L’hypnose ou l’autohypnose joueront ce rôle, en permettant de diminuer le syndrome dépressif, le burn-out chez le soignant.   Comment fonctionne le cerveau ? Deux modes de fonctionnement existent en état de veille. L’état de conscience critique et l’état de conscience hypnotique. La différence entre les deux est une question d’intensité et de temporalité. À un instant défini, en prenant une photographie d’un sujet, rien ne permet de savoir si le cerveau est en état d’hypnose. En revanche, l’observation du même individu pendant un temps défini nous donnera des éléments pour savoir s’il est en conscience critique ou hypnotique (mouvements latéraux des yeux…). Le cerveau en état d’hypnose fonctionne « comme si ». C’est-à-dire qu’il fonctionne « comme si » c’était la réalité. Le fonctionnement du cerveau en état de conscience critique n’est simplement qu’un aller et retour ou plutôt des milliers d’allers et retours entre la prise d’informations de notre milieu extérieur et intérieur. Une prise d’information grâce à nos sens, à nos cinq sens. La plupart d’entre nous peuvent être transportés ailleurs grâce à une stimulation olfactive. Cette stimulation, ce parfum, vous rappellera une personne, un pays, une situation et votre esprit partira en état d’hypnose jusqu’à ce qu’une nouvelle stimulation vienne inhiber cette dernière et vous faire revenir ici et maintenant. Le cerveau en état d’hypnose reste focalisé sur cette situation en faisant abstraction du reste des stimuli extérieurs et intérieurs. Il reste également fixé dans le temps. Cette fixation permet de mieux vivre ce qu’il a envie ou besoin de vivre, en faisant abstraction du temps. Une discussion intéressante entre amis ou un film passionnant vous fera oublier la temporalité. A contrario, un état de stress vous paraîtra une éternité et permettra ainsi à votre cerveau d’aller chercher les ressources nécessaires à la solution du problème. L’IRM fonctionnelle permet aujourd’hui de comprendre, de mieux définir le fonctionnement cérébral. Elle montre des modifications de l’activation de certaines zones cérébrales chez le patient en état d’hypnose. Les zones du cortex occipital, du cortex préfrontal et du cortex cingulaire antérieur (CCA) sont particulièrement intéressées lors des états d’hypnose. M.E. Faymonville et P. Rainville ont travaillé le sujet et participé à rendre plus scientifique et cartésienne l’hypnothérapie. Plusieurs études font le lien entre les aires cérébrales liées à la douleur et aux émotions et l’état d’hypnose : • Faymonville a démontré que les sujets en état d’hypnose arrivent à diminuer la sensation douloureuse et la « désagréabilité » de la sensation douloureuse quand ils sont en état d’hypnose. Et c’est en hypnose que le CCA est modulé en activité. • En conscience hypnotique, les aires de la douleur sont moins activées qu’en conscience critique. (Vanhaudenhuyse, Demertzy). • Derbyshire montre que les mêmes zones de la douleur sont activées en hypnose alors qu’il n’y a pas de douleur.   Pourquoi utiliser l’hypnose en cardiologie ? À l’hôpital privé Saint-Martin de Pessac, nous utilisons l’hypnose lors des coronarographies et des dilatations coronariennes. Cela permet une meilleure stabilité hémodynamique pendant la procédure, une vasodilatation lors de la ponction artérielle et un meilleur vécu de l’examen par le patient. Deux types d’hypnoses finalement très voisines se pratiquent : - l’hypnose conversationnelle consiste à demander au patient de nous « raconter » une passion, un moment de sa vie qu’il a particulièrement aimé. L’interrogatoire permet au fil des minutes au patient lui-même de partir en transe, tant il est transporté dans ce souvenir ; - l’hypnose formelle, de son côté, demande l’adhésion et l’accord du patient. Dans cette hypnose, le patient est actif mais parle moins. Il fait le travail de se mettre en transe et le thérapeute est alors guide et facilitateur.   Pourquoi utiliser l’hypnose chez le cardiologue et son patient ? Le médecin cardiologue, plus que tout autre médecin, peut être affecté par la maladie coronarienne secondairement à la mise en jeu des neurones miroirs. Utiliser l’hypnose et l’autohypnose dans son acti- vité quotidienne peut protéger son cœur de la maladie coronarienne. La variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) permet de mesurer la fonction du système nerveux autonome. L’étude de la VFC est démontrée chez le patient sportif, le patient sain ou aux pathologies cardiovasculaires. Les études montrent que le patient et donc le cardiologue subissant un stress professionnel constant présente une diminution de la VFC. Il existe un lien entre travail stressant, système nerveux autonome et maladies cardiovasculaires. La diminution de la variabilité de la fréquence cardiaque est un facteur de mauvais pronostic dans la survenue d’accidents cardiovasculaires. Il semble que le yoga, la méditation en pleine conscience et l’hypnose puissent permettre d’améliorer cette variabilité de la fréquence cardiaque et ainsi être considérés comme des techniques de réadaptation coronarienne après SCA, mais également une technique de prévention primaire en particulier chez le thérapeute du cœur qu’est le médecin cardiologue. Pour conclure, cœur et relaxation sont deux entités qui peuvent s’épanouir l’une l’autre. Probablement que dans les décennies à venir, l’enseignement d’une discipline de vie permettant l’exercice pluriquotidien de l’autohypnose aboutira comme l’hygiène corporelle, le sport et l’alimentation à diminuer les accidents coronariens dans la population en général et chez le cardiologue en particulier. Les autres disciplines telles la relaxation et la sophrologie peuvent également être à l’origine de transe et d’état de conscience hypnotique et ainsi aboutir au même bénéfice. À chacun de trouver sa voie.

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