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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 sep 2015Lecture 6 min

À quels patients proposer une ablation de fibrillation atriale en première intention ?

O. PIOT, D. RAHIM, A. LEPILLIER, O. PAZIAUD, X. COPIE, G. LASCAULT, Centre cardiologique du Nord, Saint-Denis

À la suite des études récentes, l’ablation de la fibrillation atriale (FA) en 1re intention a trouvé sa place dans les recommandations des sociétés savantes. Elle n’est pas indiquée chez les patients asymptomatiques ni dans la FA permanente. Il est essentiel de bien informer le patient.
Cet article fait le point aujourd’hui mais les progrès techniques et les essais en cours feront évoluer rapidement les réponses à cette question.

Peut-on proposer l’ablation de FA en première intention comme pour un flutter ou une tachycardie de Bouveret ?   Deux courts cas cliniques pour introduire le sujet : M. C., 52 ans, pratiquant la course à pied de façon intense (ultra-endurance) ressent des épisodes de palpitations depuis quelques mois altérant sa qualité de vie. Le holter ECG permet le diagnostic de FA. L’échographie transthoracique est normale de même que la biologique (TSH…). Les possibilités thérapeutiques sont discutées avec le patient : les antiarythmiques et leurs éventuels effets secondaires, surtout en cas d’efforts très prolongés, et l’ablation avec les risques qu’elle encourt. Il est finalement retenu une ablation par radiofréquence. À 6 mois, le patient est asymptomatique sans aucun traitement. Le deuxième patient, M. T., 65 ans, hypertendu sédentaire est hospitalisé pour insuffisance cardiaque aiguë sur passage en FA avec une altération de la FEVG à 38 %, l’amiodarone est par ailleurs contre-indiquée du fait de ses antécédents thyroïdiens. Après cardioversion, et sous traitement médicamenteux, le FEVG est contrôlée à 55 %. La FA récidive et deux procédures d’ablation étendues ont été nécessaires pour le maintien d’un rythme sinusal stable. À 2 ans, le patient est stable en rythme sinusal sous traitement de l’insuffisance cardiaque et anticoagulation efficace. Ces deux cas cliniques illustrent deux indications d’ablation en première intention posées en pratique au cas par cas. Y a-t-il aujourd’hui des indications plus larges d’ablation de FA en première intention comme pour d’autres tachycardies telles que le flutter atrial ? Les recommandations ESC évoluent depuis 2010 sur ce sujet en s’appuyant sur des études randomisées(1-4).   Ce que nous apprennent les études randomisées et les registres Dans la FA paroxystique, la première étude comparant l’ablation de FA paroxystique par radiofréquence en première intention au traitement par antiarythmique est l’étude MANTRA PAF chez 127 patients(5). Lors du suivi, on retrouve une différence qui ne devient significative à partir du 24e mois de suivi en termes de charge en FA, symptomatique ou non, dans le groupe ablation versus traitement médical (9 vs 18 % ; p = 0,007) mais il faut noter que l’objectif principal (charge en FA à un an de suivi) n’était pas différent entre les deux groupes. Vient ensuite l’étude RAAFT II (Radiofrequency Ablation for Atrial Fibrillation Trial), publiée en 2014, qui confirme ces résultats(6). Concernant la FA persistante, l’ablation se compare soit à l’amiodarone comme récemment dans l’étude ATAAC présentée à l’ACC (pas encore publiée) qui montre une plus grande efficacité de l’ablation, soit à une stratégie de contrôle de la fréquence cardiaque. L’étude randomisée SARA(7) incluait 146 patients présentant une FA persistante, sans cardiopathie. À un an, 70 % des patients traités par ablation n’avaient pas présenté de nouvel épisode soutenu de FA. Les récidives étaient également moins fréquentes dans le groupe ablation (60,2 vs 29,2 % ; p = 0,001). D’autres essais de taille limitée se sont intéressés aux patients présentant une FA persistante avec insuffisance cardiaque systolique symptomatique, comme l’étude ARC HF(8), incluant 52 patients, où l’ablation est comparée à une stratégie de contrôle de fréquence. Celle-ci montre un taux de succès d’ablation de FA à 88 % à 1 an, une diminution des symptômes avec amélioration des capacités fonctionnelles (VO2) et d’une diminution de l’activation neurohormonale. L’étude CAMTAF(9) publiée en 2014 confirme ces résultats avec en plus une amélioration de la FEVG. L’efficacité est difficile à comparer entre les essais du fait de l’hétérogénéité du design des études mais également des critères de succès d’ablation variables (tableau)(10). MANTRA-PAF : Medical ANtiarrhythmic Treatment or Radiofrequency Ablation in Paroxysmal Atrial Fibrillation ; pts : patients ; PV : veine pulmonaire ; RAAFT : Radiofrequency Ablation versus Antiarrhythmic drugs as First-line Treatment of symptomatic atrial fibrillation ; Abl : ablation de FA ; AA : Traitement antiarythmique ; PVI : Isolation électrique des veines pulmonaires ; NS : non significatif, *p < 0,05. Dans les indications actuelles de seconde intention, les taux de succès ont été régulièrement évalués par de nombreuses études et registres. The Atrial Fibrillation Ablation Pilot Study(11,12), registre prospectif multicentrique européen de grande ampleur, paru en 2014, a permis d’estimer l’efficacité de l’ablation de FA à 1 an chez 1 391 patients dans 72 centres, modérément à très expérimentés (plus de 50 ablations par an), dans 10 pays d’Europe. Celle-ci est considérée comme efficace chez 73,7 % des patients contre 40,7 % des patients traités médicalement. Par ailleurs, l’ablation était plus efficace en cas de FA paroxystique que de FA persistante (récidive de FA 32 vs 43,6 %, respectivement ; p = 0,0001). Les résultats des études en seconde intention indiquent que le taux de succès est d’autant plus élevé que la FA est récente, argument supplémentaire en faveur d’une ablation plus précoce. Dans l’étude RAAFT 2, le taux de complications globales s’élève à 9 %, dans le registre The Atrial Fibrillation Ablation Pilot Study les complications sont moins élevées (7,7 %). Dans les dernières études, le taux de complications majeures s’élève à 4,5 % (complications vasculaires : 1,5 %, tamponnade : 1 %, AVC : 0,2 %, AIT : 0,7 %, sténose veineuse pulmonaire : 0,3 %, paralysie phrénique : 0,2 %, atteinte oesophagienne : 0,04 %, mortalité : 0,1 %)(13,14).   Ce que nous recommandent les sociétés savantes L’ablation de FA fait partie intégrante du schéma thérapeutique depuis 2010 après échec d’au moins un antiarythmique (réévaluation en grade IA). Suite aux récentes études, l’ablation a pris une place en première intention dans les recommandations européennes de 2012 : elle est actuellement recommandée en grade IIa niveau B dans la FA paroxystique(4-15) (figure 1). L’ablation de FA paroxystique par isolation des veines pulmonaires, en première intention (IIa B), est envisageable pour des patients symptomatiques avec un profil à bas risque. Celui-ci est défini par des patients à faire risque de complications per- et postopératoire (peu âgés sans comorbidités…). De plus, les recommandations européennes et américaines mettent l’accent sur l’importance de la réalisation de l’ablation dans un centre expérimenté (50-100 procédures/an). Le groupe de rythmologie de la SFC a établi une fiche de consentement, qui reprend l’ensemble des éléments exposés, à remettre systématiquement au patient(16). Pour ce qui est de la FA persistante, l’ablation en première intention en cas de FA symptomatique avec stratégie de contrôle de rythme est un grade IIb C. (recommandations américaines(17) et européennes). Chez les patients asymptomatiques, l’ablation n’est pas recommandée. Elle n’a pas de place dans la FA permanente. Figure 1. Recommandations ESC 2012 : Traitement antiarythmique ou ablation pour une stratégie de contrôle du rythme dans la FA (a : Isolation des veines pulmonaires recommandée, b : ablation atriale plus étendue recommandée). Ce que l’on peut attendre de l’évolution des concepts et des techniques Le taux de succès reste inférieur aux taux observés pour le flutter atrial ou la tachycardie de Bouveret et c’est l’inverse pour les taux de complications, ce qui fait que le passage à la première intention n’est pas si évident pour la FA en pratique. L’évolution des connaissances sur les mécanismes de la FA, notamment par les études de cartographie non invasive ainsi que le développement d’une nouvelle approche de l’ablation visant les rotors devrait permettre un plus grand taux de succès. L’évolution des outils disponibles pour l’ablation de la FA (cathéters dédiés à l’isolation des veines pulmonaires, électrode d’ablation avec mesure du contact avec la paroi atriale permettant d’assurer un contact suffisant pour réaliser la lésion souhaitée mais aussi pour éviter des contacts trop marqués avec le risque de perforation) permet actuellement de réaliser les procédures dans de meilleures conditions, ce qui devrait se traduire par des meilleurs taux de succès et des taux de complications plus faibles dans les prochains registres. Figure 2. Nouveaux outils pour l’ablation de FA.  En pratique   L’ablation de FA paroxystique par radiofréquence peut être proposée en première intention chez les patients symptomatiques et à bas risque avec un taux de succès variant de 70 à 90 % et un taux de complication acceptable lorsque la procédure est réalisée dans un centre expérimenté. En cas de FA persistante, l’ablation est à proposer seulement en cas d’échec ou d’intolérance aux antiarythmiques, et elle se discute au cas par cas en première intention, comme pour certains patients symptomatiques, à bas risque et sans comorbidité, avec altération de FEVG. Les recommandations insistent sur l’information du patient en lui exposant bien les bénéfices et les risques. À l’avenir, les indications seront probablement plus larges devant l’évolution des techniques (évolution des cathéters d’ablation, système de cartographie avec moins d’irradiation, robotisation, etc.) rendant la procédure plus simple avec de meilleurs résultats et moins de complications. Des études de morbi-mortalité sont en cours, dont les résultats sont attendus pour étendre les indications. 

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