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Congrès et symposiums

Publié le 30 sep 2015Lecture 9 min

Quels enseignements dans l’insuffisance cardiaque et les cardiomyopathies ? Des effets neutres, mais un intérêt majeur

D. LOGEART, Paris


ESC
Une hotline « insuffisance cardiaque » et une autre ciblée sur le « remodelage VG » : il y avait donc de grosses études et de l’attente. Finalement aucun de ces essais ne s’est avéré positif mais la qualité des études et de leurs données sont d’un intérêt majeur pour la communauté scientifique et médicale.

Grosse désillusion avec la ventilation auto-asservie dans le SAS à prédominance centrale L’insuffisance cardiaque (IC) à FEVG réduite est associée à un syndrome d’apnée du sommeil dans plus de 50 % des cas et de nombreuses études ont établi un lien étroit entre ce SAS et le pronostic. Ce SAS est central ou à prédominance centrale (Cheynes-Stokes dans sa forme typique) dans la moitié des cas et, de façon plus classique, obstructif chez les autres patients. Le SAS obstructif est traité de longue date par CPAP avec succès. Dans les formes centrales, un système plus élaboré est proposé avec un asservissement du flux permettant de prévenir les cycles d’hypopnée et apnée. Des études préliminaires avaient montré un bénéfice sur la FEVG et les symptômes. L’essai international SERVE-HF a alors été mis en place pour démontrer un bénéfice sur la morbi-mortalité avec une randomisation, un groupe contrôle et un critère de jugement « dur » (décès toutes causes, hospitalisation pour IC décompensée, mort subite ressuscitée ou transplantation). Pour cela, ont été inclus 1 325 patients avec FEVG ≤ 45 %, NYHA 3 ou 4, pas de BPCO significative ni hypoxémie chronique, et un SAS avec index apnée/hypopnée ≥ 15/h dont au moins 50 % d’événements centraux ou IAH central ≥ 10/h. L’âge moyen était de 69 ans, la FEVG de 32 % le traitement médicamenteux était optimal dans plus de 90 % des cas et un DAI avec ou sans resynchronisation avait été implanté dans 55 % des cas. Ce mode de ventilation s’est avéré efficace sur les paramètres de ventilation avec une réduction de l’index apnée/hypopnée passant de 31,2/h à 6,2-6,8/h et l’index d’hypopnée/apnée centrale passant de 25,2 à 3,4- 4,0/h, pour une durée de ventilation moyenne de 3,7 h/nuit (> 3 h dans 60 % des cas). Aucun bénéfice n’a été observé sur le critère primaire (figure) ni aucun des critères secondaires, y compris que les questionnaires QOL, la NYHA ou le test de marche de 6 minutes. Pire, il y avait un excès de risque de décès toutes causes (HR = 1,28 ; IC95% : 1,06-1,55] ; p = 0,01, figure) et de décès CV. Ce surcroît de mortalité avait alerté le comité de suivi de l’essai et avait été annoncé publiquement dès le mois de mai suivi d’un rappel des patients appareillés pour retrait de ce mode de ventilation. La raison de cette grosse désillusion reste peu claire et fera probablement l’objet d’autres communications. La tolérance hémodynamique peut être médiocre chez certains patients ; un possible effet rebond de la stimulation catécholergique après ventilation a aussi été évoqué. Cela ne remet pas en cause l’intérêt de la CPAP dans le SAS obstructif (immense majorité des SAS) dont la physiopathologie est très différente. SERVE-HF. Manque d’utilité de la télésurveillance de l’impédance thoracique avec le système Optivol   La télésurveillance fait partie de l’avenir de la prise en charge des maladies chroniques. Pour l’IC, plusieurs paramètres peuvent ou pourraient être télésurveillés : paramètres cliniques comme le poids, paramètres hémodynamiques comme la pression artérielle pulmonaire avec des capteurs implantés, paramètres rythmiques via les PM, voire paramètres biologiques comme l’automesure du BNP. L’impédance thoracique est corrélée à la quantité d’eau intrapulmonaire et de nombreux systèmes ont été développés pour la mesurer chez le dialysé puis dans l’IC. Le système Optivol (Medtronic) est embarqué dans des DAI avec mesure entre la sonde VD et le boîtier. Un algorithme génère une alarme à partir d’un seuil soit directement (alarme audible) soit vers un serveur relié à l’équipe médicale. De nombreuses études ont montré que l’impédance prédit le risque de décompensation et de réhospitalisation. Un essai randomisé précédent (DOT-HF) n’avait pas montré de bénéfice mais des écueils avaient été soulevés comme l’utilisation de l’alarme auditive, génératrice d’erreurs. L’essai multicentrique allemand OptiLink était supposé donner une réponse plus définitive. Pour cela, ont été inclus 1 002 patients avec FEVG ≤ 35 %, NYHA 2 à 3 sous traitement optimal et fraîchement implantés par un DAI (avec ou sans resynchronisation) muni du système Optivol, sans alerte auditive. Ces patients avaient par ailleurs eu une hospitalisation pour IC dans les 12 mois précédents et/ou un taux de BNP élevé. Une télétransmission des mesures d’impédance était faite régulièrement. Si une alerte était déclenchée, le patient était rappelé par un manager qui faisait un premier tri et orientait le patient (éventuelle consultation…), le tout devant aboutir à une normalisation du niveau d’impédance. La durée de l’étude était prévue pour 18 mois (23 en moyenne) et le critère principal était la mortalité CV et les hospitalisations CV. Le seuil d’impédance fut dépassé 1 748 fois dans le bras actif, au moins une fois chez 80 % des patients, mais avec une télétransmission dans seulement 76 % et cela était suivi d’un contact dans 56 % des cas et d’une intervention médicale dans 30 % des cas au final. Les résultats sur les critères de jugement sont décrits dans le tableau 1. Le système OptiVol n’apporte donc pas grand-chose. Il aurait été peut-être intéressant de le combiner avec la télésurveillance du rythme cardiaque sur ces systèmes, tant l’ACFA paroxystique est pourvoyeuse de décompensation. À noter de plus que l’impédance est assez mal corrélée avec l’hémodynamique centrale. Le choix des meilleurs paramètres à (télé)surveiller n’est pas réglé et quid de l’algorithme de prise en charge derrière ? Coup de frein au développement de la thérapie génique avec SERCA   La thérapie génique est différente de la thérapie cellulaire. Il s’agit d’un gène recombinant qui va s’intégrer dans un tissu et coder pour une protéine à visée thérapeutique. Il est possible de transférer un gène recombinant au sein des myocytes grâce à une injection endocoronaire et un vecteur viral. Le gène dans cet essai code pour la Ca ATPase du réticulum sarcoplasmique ou SERCA2a (qui repompe le calcium après chaque contraction). Celle-ci est sous-exprimée dans l’IC. La thérapie génique permet alors d’augmenter son niveau d’expression. Une étude pilote CUPID 1 a eu des résultats encourageants. L’objectif de CUPID 2 était de confirmer les résultats sur plus de patients et avec des critères plus durs. Il s’agit d’un essai randomisé contrôlé en double aveugle avec des IC chroniques, FEVG ≤ 35 %, NYHA 2-4, sous traitement optimal, hospitalisation < 6 mois ou BNP élevé. Le transgène était adressé par une injection intracoronaire du vecteur viral (AAV1) recombinant avec le gène SERCA2a. Le critère principal était le délai de survenue d’une aggravation de l’IC (hospitalisation, décès, transplantation). Il y a eu 243 patients avec un suivi de 24 mois. La tolérance fut bonne mais aucune différence significative ne fut observée entre les 2 groupes quel que soit le critère, principal ou secondaire. Plusieurs explications à cet échec sont possibles : problème de délivrance (mode d’injection, choix du vecteur) et de dose insuffisantes, problème de cible thérapeutique : la sousexpression de SERCA n’est qu’un maillon de tout une chaîne défectueuse. L’avenir de la thérapie génique dépendra aussi largement des investisseurs…   Tentative de prévention du remodelage postinfarctus : CIRCUS et ALBATROSS Ces 2 essais français présentés à la hotline avaient pour objectif d’agir très précocement dans le processus de lésions et de remodelage secondaire à l’infarctus aigu et de réduire les événements cliniques ultérieurs. Dans CIRCUS (M. Ovize, Lyon), les investigateurs ciblaient les lésions de reperfusion en utilisant la ciclosporine qui a un effet protecteur dans les modèles expérimentaux en modulant le dysfonctionnement mitochondrial. Un essai pilote publié en 2008 par cette équipe avait montré une réduction de la taille d’infarctus. CIRCUS a randomisé 970 patients et comparé en aveugle ciclosporine IV et placebo injecté au moment de la désobstruction coronaire. Il s’agissait d’IdM aigu (uniquement IdM < 12 h avec occlusion de l’IVA), sans antécédent cardiaque dans 94 % des cas ni insuffisance cardiaque dans 87 % des cas. Le critère principal était la combinaison décès toutes causes, aggravation de l’IC ou dilatation du VG d’au moins 15 % sur une période d’un an. Il n’y a eu aucune différence entre les deux groupes sur le critère combiné et sur aucun des critères secondaires. Cet échec n’est pas lié à un défaut de puissance (7 % de décès, 23 % d’IC et 42 % de remodeleurs). Le choix du traitement n’est peut-être pas le bon malgré les signes encourageants des précédents essais. Il peut y avoir aussi un défaut de dose ou de bon timing de l’injection. Dans ALBATROSS (G. Montalescot, Paris), les investigateurs ont testé l’hypothèse que l’administration très précoce d’aldactone dans le SCA « toutvenant » et sans IC ou dysfonction VG pourrait réduire les événements cliniques. Il y avait un rationnel avec les résultats favorables des essais précédents et d’autres données observationnelles montrant qu’une élévation de l’aldostéronémie à l’admission était associée à plus d’événements. ALBATROSS a randomisé 1 603 patients et comparé en ouvert un groupe traité par soludactone IV 20 mg puis aldactone 25 mg/j à un groupe contrôle. Il s’agissait de SCA dont 77 % des ST+, sans antécédent coronaire dans 91 % des cas, sans IC à l’admission dans 92 % des cas et avec une FEVG médiane de 50 %. Le critère principal était la combinaison décès ou mort subite ressuscitée ou TV/FV ou indication de DAI ou IC dans un délai de 6 mois après l’inclusion. Il n’y a eu aucune différence entre les deux groupes sur le critère combiné et sur aucun des critères secondaires (sauf peutêtre un signal bénéfique pour les décès mais uniquement dans le groupe ST+). Il y avait un manque de puissance en raison du taux d’événements moindres que celui attendu et peut-être un suivi trop court. Sous réserve des résultats de la poursuite du suivi, le bénéfice d’une prescription systématique dans les SCA à faible risque semble donc marginal contrairement aux « gros » infarctus.   Cardiomyopathies : premier registre européen d’envergure et premières données On disposait encore de très peu de données épidémiologiques sur de larges effectifs atteints de ces pathologies complexes et assez mal connues des cardiologues… jusqu’à cette initiative de l’ESC d’un grand registre dans 12 pays européens. L’objectif : décrire la distribution, les caractéristiques et les modalités de prise en charge des cardiomyopathies (CM hypertrophique ou dilatée ou restrictive ou DAVD). La présentation à l’ESC a concerné 1 115 patients (157 en France) inclus sur 12 mois, dont environ 20 % de nouveaux cas. Le tableau 2 résume un certain nombre des informations présentées à l’ESC par P. Elliott (Royaume-Uni). CMH : cardiomyopathie hypertrophique ; CMD : cardiomyopathie dilatée ; DAVD : dysplasie VD arythmogène ; CMR : cardiomyopathie restrictive. Prévalence de l’amylose TTR dans une cohorte française de CMH Il y a 3 formes d’amylose cardiaque : TTR mutée, TTR sauvage (ou sénile) et AL (chaînes légères). L’amylose cardiaque se présente d’abord comme une cardiomyopathie hypertrophique. Son pronostic est mauvais. À ce jour, peu de données sur de grands effectifs sont disponibles. L’objectif de ce registre multicentrique français était de préciser la prévalence et les phénotypes de l’amylose TTR mutée. La cohorte a inclus 298 cardiomyopathies hypertrophiques avec un SIV > 15 mm, qui ont eu un séquençage systématique du gène codant pour TTR. Le diagnostic de l’amylose était fait par biopsie et/ou IRM. Ce registre montre que l’amylose TTR mutée n’est pas rare (5 %) et devrait donc être largement dépistée en cas de CMH, a fortiori quand s’y associe un canal carpien (46 vs 14 %), une neuropathie (53 vs 4 %) et un microvoltage ECG (36 vs 5 %).

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