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Cardiologie interventionnelle

Publié le 01 déc 2015Lecture 10 min

Étude NOTION - Un pas vers le TAVI pour tous les patients porteurs d’une sténose aortique ?

D. TCHETCHE, Groupe CardioVasculaire Interventionnel, Clinique Pasteur, Toulouse

2015 restera une année charnière dans l’histoire de l’implantation des bioprothèses aortiques par voie transcathéter (TAVI). Plusieurs résultats d’essais cliniques ont été publiés dans des revues cardiologiques majeures dont l’étude NOTION (Nordic aortic valve intervention)(1). Le TAVI reste considéré comme une technique jeune, devant encore faire ses preuves. N’oublions pas que la première intervention a été effectuée par Alain Cribier en 2002(2), c’est-à-dire l’année de publication de l’étude RAVEL annonçant l’avènement des stents coronaires actifs, considérés depuis longtemps comme un gold standard de la cardiologie interventionnelle(3). En médecine, il y a peu de domaines – et en cardiologie en particulier – dans lesquels un dispositif médical innovant a d’abord été utilisé dans des populations inopérables ou à risque chirurgical extrême avant l’élargissement des indications.

TAVI : un cheminement spécifique Le cheminement classique consiste le plus souvent à traiter des patients avec des lésions simples avant d’aborder les cas les plus complexes, une fois le tryptique faisabilité-efficacitésécurité démontré. Il est donc frappant de constater que pour le TAVI, c’est exactement le scénario inverse qui a eu lieu. La faisabilité du TAVI et son efficacité ont été d’abord été démontrées dans des populations à risque chirurgical extrême. Il est ainsi admis que le TAVI est supérieur au traitement médical chez les patients inopérables et potentiellement supérieur à la chirurgie chez les patients à haut risque. L’étude randomisée US Core-Valve Pivotal High Risk(4), dont les résultats à 2 ans ont été présentés cette année au congrès de l’American College of Cardiology (ACC), a montré une différence soutenue en faveur du TAVI dans une population à haut risque. Dans cette étude incluant 747 patients, le taux de mortalité toutes causes confondues s’est avéré significativement plus élevé dans le groupe chirurgie conventionnelle, à 2 ans (28,6 % vs 22,2 % ; p = 0,04), avec également une tendance à une moindre fréquence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) dans le groupe TAVI (10,9 % vs 16,6 % ; p = 005). Il semble donc indéniable que le TAVI est une technique d’avenir dont l’impact positif pour nos malades les plus à risque n’est plus à démontrer.   Est-il donc temps d’élargir les indications et de proposer un TAVI à tout patient porteur de sténose aortique symptomatique ? C’est la question d’actualité que la communauté médico-chirurgicale cardiologique doit maintenant se poser. J’ai ma propre réponse à cette question mais voyons ce que propose la littérature médicale, particulierèment l’étude NOTION, afin de se faire une opinion. Cette étude innovante, randomisée et multicentrique (2 centres danois et un centre suédois) a comparé les résultats du TAVI et de la chirurgie aortique conventionnelle, dans une population de patients tout-venant atteints de sténose aortique. Les critères d’inclusion étaient assez larges : patients âgés d’au moins 70 ans, ayant une sténose aortique accessible à un TAVI ou une chirurgie et ayant une espérance de vie supérieure à 1 an. Les principaux critères d’exclusion étaient l’existence d’une coronaropathie sévère concomitante, une autre atteinte valvulaire associée, un antécédent de chirurgie cardiaque, une atteinte hépatique ou respiratoire sévère, un antécédent récent d’AVC et la nécessité d’un traitement urgent de la sténose aortique. La prothèse utilisée était la CoreValve® (Medtronic) par voie transfémorale (96,5 %) ou sous-clavière. Entre décembre 2009 et avril 2013, 274 patients ont ainsi été inclus : 139 dans le bras TAVI et 135 dans le bras chirurgie conventionnelle. Le critère de jugement primaire était un composite évalué à 1 an suivant les critères VARC II : mortalité toutes causes confondues, AVC et infarctus du myocarde (IDM). L’analyse des caractéristiques de la cohorte de patients montre un profil de risque chirurgical faible avec un âge moyen de 79 ans et un score STS autour de 3 % pour les deux groupes (tableau 1). À titre de comparaison, le score STS moyen du registre FRANCE 2 était de 14,4 %(5). Après 1 an, NOTION n’a pas montré de différence significative entre les deux modalités de traitement : critère composite rencontré chez 13,1 % des patients ayant eu un TAVI et 16,3 % chez ceux traités par chirurgie, p = 0,43 (figure 1). À 2 ans, il n’y avait toujours pas de différence entre les deux groupes (15,8 % vs 18,8 % ; p = ns). Par ailleurs, analysés individuellement, aucun des composants du critère primaire n’a été observé de manière différente dans les deux groupes (tableau 2). L’analyse des critères secondaires a cependant mis en évidence certaines différences significatives. Ainsi, il y a eu davantage de fuites périprothétiques modérées et d’implantations de pacemaker définitifs dans le groupe TAVI tandis que les accès de fibrillation auriculaire ont été plus fréquents après la chirurgie. En ce qui concerne la classe fonctionnelle NYHA, plus de patients du groupe chirurgie étaient en stade I après 1 an (81,7 % vs 67,4 % ; p = 0,01), vraisemblablement du fait d’une moindre fréquence de fuites périprothétiques modérées à sévères dans ce groupe. Figure 1. Mortalité toutes causes observée à 1 et 2 ans chez les patients traités par TAVI et chirurgie dans l’étude NOTION. STS : Society of Thoracic Surgery ; NYHA : New-York Heart Association ; AOMI : artériopathie oblitérante des membres inférieurs ; BPCO : bonchopathie chronique obstructive ; IDM : infarctus du myocarde ; ATC : angioplastie tansluminale coronaire. Bien qu’initialement construite comme une étude de supériorité, tablant sur un taux d’événements de 5 % pour le TAVI et 15 % pour la chirurgie, objectif non atteint, il est frappant d’observer une fréquence similaire du critère composite (numériquement inférieur post-TAVI) dans cette population de patients tout-venant à très bas risque. NOTION souffre manifestement d’un manque de puissance statistique avec une population trop faible pour démontrer une supériorité, mais les signaux envoyés par cette étude audacieuse sont très encourageants. Si le groupe d’investigateurs avait utilisé la même marge de non infériorité que les études PARTNER (Placement of Aortic Transcatheter Valves) cohort A et US CoreValve High Risk, soit 7,5 %, la non-infériorité, comme le montre une analyse post-hoc, aurait été démontrée. Par ailleurs, la prothèse TAVI utilisée dans NOTION était d’ancienne génération, implantée sans analyse scanner systématique préalable pour une grande partie des patients, donc loin des bonnes pratiques actuelles. En effet, la plupart des mensurations ont été effectuées avec échographie bidimensionnelle, expliquant une grande partie des fuites périprothétiques modérées à sévères observées dans le groupe TAVI. Autrement dit, malgré un matériel de première génération et une analyse non optimale de l’anneau aortique, les résultats sont étonnamment très compétitifs par rapport à la chirurgie. L’étude US CoreValve pivotal High-risk a démontré la supériorité du TAVI par rapport à la chirurgie chez des patients à haut risque ou à risque intermédiaire lorsque la même prothèse était utilisée selon les règles de bonnes pratiques, notamment un choix méticuleux de la taille de valve en fonction des dimensions de l’anneau aortique fournies par scanner. Nous pouvons donc anticiper des résultats meilleurs, potentiellement supérieurs à la chirurgie, avec les prothèses de seconde génération, planifiées avec une analyse scanner systématique, chez ces patients à risque chirurgical faible ou intermédiaire. NOTION s’inscrit dans la lignée de trois études complémentaires : BERMUDA, OBSERVANT et PARTNER II S3i. L’étude BERMUDA ( Bern Munich Rotterdam), publiée en 2013, rapportait l’évolution post- TAVI ou chirurgie, d’une cohorte de 510 patients appariés et à profil de risque chirurgical intermédiaire (score STS entre 3 et 8 %). Aucune différence de mortalité toute cause confondue n’était observée à un an entre les deux groupes (figure 2)(6). OBSERVANT, un registre multicentrique italien publié en 2015, a exploré une cohorte de 1 300 patients appariés, à risque intermédiaire (EuroSCORE logistique autour de 10 % et EuroSCORE II autour de 5 %) sans aucune différence de mortalité à 1 an (13,6 vs 13,8 % ; p = 0,936). Les principales différences observées dans cette étude étaient les suivantes : une fréquence plus élevée de pacemaker et de complications vasculaires majeures dans le groupe TAVI contre un besoin plus fréquent de transfusion sanguine, une durée d’hospitalisation plus longue et un gradient moyen transprothétique plus important dans le groupe chirurgie(7). Le registre PARTNER II S3i a été présenté cette année à l’ACC et a étudié l’évolution de 1 076 patients à risque intermédiaire (STS moyen 5,3 %), traités avec la prothèse de seconde génération Edwards SAPIEN 3, préférentiellement par voie transfémorale. Dans cette cohorte, le taux de mortalité à 30 jours s’est avéré exceptionnellement bas (1,1 %) avec un taux d’AVC invalidant de 1 %. Cette série d’études montre que le TAVI semble être très sûr et donne des résultats comparables à la chirurgie, à court et moyen termes, chez des patients à bas risque ou à risque intermédiaire. L’allègement du profil de risque des patients semble s’accompagner d’une meilleure évolution post-TAVI, illustrant le poids des comorbidités dans la mortalité totale. Figure 2. Mortalité toutes causes observée à 30 jours et 1 an dans des populations appariées traitées par TAVI ou chirurgie dans le registre BERMUDA. Quelles sont les principales barrières s’opposant actuellement à l’élargissement des indicati ons du TAVI ? Ce sont la fréquence élevée de fuites périprothétiques, les complications vasculaires, les AVC, le besoin fréquent d’un pacemaker définitif et l’absence de recul sur la durabilité des prothèses utilisées. Analysons de manière critique chacun de ces points.   Les fuites paraprothétiques Il faut garder à l’esprit que malgré leur plus grande fréquence dans les études randomisées récentes, US CoreValve Pivotal et NOTION, la mortalité post-TAVI n’est pas affectée. Toutes les prothèses TAVI de seconde génération actuelles s’accompagnent d’une réduction importante du taux de fuite résiduelle (figure 3)(8). Ainsi, les taux de fuite périprothétique modérée à sévère récemment rapportés avec les bioprothèses Lotus® Valve System (Boston), Evolut R® (Medtronic), Direct Flow™ (Direct Flow Medical) et Edwards SAPIEN 3 sont inférieurs à 10 %, voire inférieurs à 5 % pour les prothèses les plus performantes(9-11). La problématique de la fuite périprothétique résiduelle modérée à sévère (2 à 3/4) a été globalement résolue par les évolutions technologiques. Figure 3. Portfolio de prothèses de seconde génération, commercialement disponibles ou en cours de développement, avec dispositifs permettant de réduire la fréquence et l’importance des fuites périprothétiques. La fréquence des complications vasculaires liées à l’accès transfémoral Une autre limitation actuelle du TAVI est la fréquence des complications vasculaires post-accès transfémoral mais celle-ci est encore une fois en voie d’amélioration. Le profil des cathéters et introducteurs utilisés à l’heure actuelle est en constante réduction, permettant à ce jour de réaliser des procédures avec un introducteur de 14 F pour les prothèses Edwards SAPIEN 3 ou Evolut R®, par exemple, contre 18 F il n’y a pas si longtemps. Dans la mesure où différents registres ont clairement démontré une corrélation entre la taille de l’introducteur TAVI et le taux de complications vasculaires majeures(12), ce type d’événements secondaires devrait donc sensiblement se raréfier avec les prothèses TAVI de seconde génération, nécessitant des introducteurs de petit calibre.   Les accidents vasculaires cérébraux En ce qui concerne les AVC, la question de leur plus grande fréquence post-TAVI avait été soulevée par l’étude randomisée PARTNER cohorte A mais les études randomisées récentes (US CoreValve Pivotal et NOTION) montrent une tendance inverse avec une fréquence d’AVC moins importante post-TAVI, en comparaison à la chirurgie. Ces deux dernières études sont donc, sur ce point, très rassurantes. L’utilisation, encore controversée, des systèmes de protection cérébrale, pourrait permettre de réduire encore plus le taux d’AVC post- TAVI.   La durabilité des prothèses transcathéter : le manque de recul Une des limitations les plus importantes à l’expansion du TAVI dans les populations à plus faible risque est le manque de recul concernant la durabilité des prothèses transcathéter. Les données à 5 ans de l’étude PARTNER cohort A, récemment publiées, apportent un élément de réponse. Cette étude montre ainsi une stabilité des paramètres fonctionnels des prothèses SAPIEN (première génération) avec une surface fonctionnelle plus large et un gradient moyen plus faible que ceux des prothèses chirurgicales utilisées en comparatif (figure 4)(13). Ces données sont concordantes avec des publications de registre montrant également une bonne durabilité à 5 ans(14). Le plus grand obstacle à l’étude réelle de la durabilité des prothèses TAVI est un taux de mortalité à moyen terme important dans les populations à risque extrême des études pionnières. Le traitement par méthode percutanée et l’analyse de cohortes à plus bas risque est ainsi indispensable à l’analyse de durabilité mais les premiers signaux sont déjà très encourageants. Figure 4. Paramètres fonctionnels prothétiques observés dans les populations TAVI et chirurgie de l’étude randomisée PARTNER cohorte A. NOTION sera une source de données importante, les patients étant suivis pendant 5 ans. Cependant, le délai et le mode de dégénérescence des prothèses aortiques transcathéter resteront encore à explorer. Ajoutons, à titre de comparaison, qu’une analyse aussi méticuleuse des prothèses chirurgicales et évaluant chacune des prothèses TAVI commercialisées actuellement est rare. Nous avons ainsi pu être confrontés à des dégénérescences étonnamment précoces de bioprothèses chirurgicales utilisées en routine(15).   Le recours au pacemaker Enfin, les taux d’implantation de pacewmakers observés avec les différentes prothèses TAVI, en particulier les systèmes autoexpansifs, sont un frein réel à l’élargissement de la technique du TAVI chez les patients à bas risque, notamment les plus jeunes. Des améliorations significatives seront nécessaires dans le futur pour réduire le taux d’implantations de pacemaker à moins de 10 % quel que soit le type de prothèse utilisée. Une amélioration des matériaux, de l’architecture des prothèses TAVI et une optimisation des règles de mensuration du complexe aortique pour choisir la taille de la prothèse sont indispensables. L’utilisation de pacemakers temporaires ou biodégradables pendant la période de vulnérabilité post- TAVI, avec un remplacement par un pacemaker définitif uniquement chez les patients montrant une stimulo-dépendance persistante après plusieurs mois de suivi pourrait également être une autre solution.    Conclusion   L’étude NOTION est indéniablement un pas supplémentaire vers l’élargissement des indications du TAVI et la proposition de cette technique à tout patient porteur d’une sténose aortique. Le suivi à plus long terme des patients de cette étude, combiné aux résultats de différentes études randomisées (SURTAVI, PARTNER II) devrait progressivement confirmer cette tendance. L’élargissement des indications à des populations à bas risque et plus grande espérance de vie, nécessitera probablement une amélioration constante des systèmes TAVI avec notamment des prothèses suffisamment larges pour éviter un « patient-prosthesismismatch » et permettre facilement une procédure « TAVI-in-TAVI » ultérieure. L’âge à partir duquel proposer un TAVI devrait cependant faire l’objet de débats, les patients entre 60 et 70 ans ayant plus fréquemment une pathologie bicuspide pour laquelle les résultats du TAVI ne sont pas optimaux. Cette discussion n’aura probablement plus lieu d’être pour les patients de plus de 70 ans, comme dans l’étude NOTION. "Publié dans Cath'lab"

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