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Congrès et symposiums

Publié le 14 déc 2015Lecture 6 min

Prophylaxie de l’endocardite infectieuse - Recommandations 2015 de la Société européenne de cardiologie

B. IUNG, Département de cardiologie, Hôpital Bichat, Paris


CNCF
Les recommandations de la Société européenne de cardiologie ont été actualisées et présentées au congrès de l’ESC à Londres(1). Malgré l’absence de modification notable concernant la prévention par rapport aux recommandations de 2009, cette nouvelle version permet de refaire le point sur les modifications intervenues lors de la dernière décennie concernant la prévention de l’endocardite. Bien que l’endocardite infectieuse soit relativement rare, avec un nombre de cas annuels estimé entre 1 500 et 2 000 en France, elle demeure une pathologie particulièrement grave, avec une mortalité hospitalière d’environ 20 % qui ne diminue pas au cours du temps, justifiant ainsi les efforts de prévention(2).

Modification des indications de l’antibioprophylaxie   Rationnel La prévention de l’endocardite a longtemps reposé essentiellement sur l’antibioprophylaxie, dont les indications avaient été étendues à toute procédure à risque de bactériémie chez tout patient présentant une cardiopathie à risque d’endocardite, c’est-à-dire toutes les valvulopathies natives, la plupart des cardiopathies congénitales, les patients ayant un antécédent d’endocardite et ceux opérés d’une cardiopathie valvulaire ou congénitale. C’est en 2002 qu’un consensus français a pour la première fois remis en cause le bien-fondé de l’antibioprophylaxie et a représenté la première étape vers une diminution des indications. Plusieurs facteurs ont contribué à cette modification. Outre les bactériémies transitoires survenant lors de gestes interventionnels, une attention plus particulière était portée aux bactériémies de faible intensité mais beaucoup plus fréquentes et durables, survenant dans des circonstances quotidiennes comme le brossage des dents et la mastication. Il est désormais prouvé par des modèles animaux que ces bactériémies de faible intensité peuvent être responsables d’endocardites. Ces bactériémies de faible intensité ne sont pas influencées par l’antibioprophylaxie mais sont conditionnées par la qualité de l’hygiène bucco-dentaire. En plus des données relatives aux bactériémies, des études cliniques cas-témoin ont montré que seulement un faible nombre d’endocardites survenaient après des soins dentaires. Enfin, les indications de l’antibioprophylaxie doivent également prendre en compte le risque d’anaphylaxie, estimé à 1/75 000 pour une prescription d’amoxicilline, qui n’apparaît compensé par un bénéfice plus important de prévention que chez les patients à haut risque d’endocardite(3).   Évolution des recommandations Après le consensus français de 2002, les indications de l’antibioprophylaxie ont été restreintes en 2006 dans les recommandations des infectiologues britanniques, puis en 2007 dans les recommandations de l’American Heart Association. En 2008, les recommandations britanniques du NICE ont été encore plus loin en ne recommandant plus aucune indication d’antibioprophylaxie. L’abandon de l’antibioprophylaxie reposait sur une réestimation à la baisse du risque d’endocardite après soins dentaires, reposant toutefois sur de multiples extrapolations, ce qui avait conduit les recommandations ESC de 2009 à conserver des indications d’antibioprophylaxie chez les patients à haut risque d’endocardite ayant des soins dentaires à haut risque(1). En l’absence de nouvelle donnée majeure en faveur ou en défaveur de l’antibioprophylaxie, les dernières recommandations de l’ESC maintiennent le principe de l’indication de l’antibioprophylaxie restreinte aux patients et aux situations à plus haut risque d’endocardite.   Recommandations ESC 2015 sur la prophylaxie de l’endocardite   Patients à haut risque d’endocardite Le groupe le plus important de patients à haut risque d’endocardite est défini par la présence d’une prothèse valvulaire, incluant les homogreffes, les prothèses implantées par cathéter et les anneaux prothétiques utilisés dans la chirurgie valvulaire conservatrice. Les deux autres sous-groupes sont les patients ayant un antécédent d’endocardite infectieuse et ceux avec une cardiopathie congénitale cyanogène ou une cardiopathie congénitale corrigée avec du matériel prothétique, le plus souvent pour une période temporaire (tableau 1). L’identification de ces sousgroupes à haut risque est justifiée par une incidence environ 6 fois plus élevée de l’endocardite infectieuse que pour les cardiopathies à risque intermédiaire, mais aussi par une morbi-mortalité accrue. Comme dans les recommandations de 2009, l’antibioprophylaxie n’est plus recommandée pour les autres cardiopathies, en particulier pour toutes les cardiopathies valvulaires natives. Situations à risque d’endocardite Chez les patients à haut risque, l’antibioprophylaxie ne doit être envisagée que pour les procédures dentaires nécessitant une manipulation de la gencive ou de la région périapicale de la dent, ou une perforation de la muqueuse buccale (tableau 2). Aucune antibioprophylaxie n’est recommandée pour les procédures respiratoires, gastro-intestinales, uro-génitales et cutanées en l’absence d’infection locale. Modalités de l’antibioprophylaxie Lorsqu’elle est indiquée, l’antibioprophylaxie consiste en l’administration de 2 g d’amoxicilline par voie orale une heure avant la procédure à risque. En cas d’allergie de la pénicilline, l’amoxicilline est remplacée par 600 mg de clindamycine.   Mesures de prévention non spécifiques de l’endocardite infectieuse L’imputabilité des bactériémies quotidiennes de faible intensité conduit à privilégier les mesures d’hygiène, en particulier bucco-dentaires et cutanées visant à limiter le plus possible les passages de bactéries à travers les barrières cutanéomuqueuses (tableau 3). Bien que ces mesures ne diffèrent pas des mesures d’hygiène conseillées en population générale, leur application doit être particulièrement recommandée, non seulement chez les patients à haut risque, mais également chez les patients à risque intermédiaire d’endocardite infectieuse. Les mesures de prévention non spécifiques revêtent une importance particulière pour l’ensemble des personnels de santé. En effet, il existe une augmentation de la fréquence des endocardites à staphylocoque, qui est en grande partie imputable à des endocardites liées aux soins. Cette augmentation est particulièrement marquée chez les patients sans cardiopathie préalable connue. Toutes les professions médicales et paramédicales doivent donc être sensibilisées à l’importance des mesures d’asepsie, même en l’absence de cardiopathie connue. Les complications infectieuses des interventions cardiovasculaires justifient également des mesures de prévention. Une antibioprophylaxie est nécessaire avant l’implantation d’une prothèse valvulaire ou d’un stimulateur cardiaque. La recherche systématique d’un portage nasal de staphylocoque avant une chirurgie cardiaque est une des rares recommandations de niveau d’évidence A car l’efficacité de la décontamination nasale sur la diminution du risque d’infection du site opératoire a été prouvée par des études randomisées. Incidence de l’endocardite et mesures de prophylaxie   Plusieurs études ont évalué l’incidence de l’endocardite infectieuse dans les suites de la restriction des indications d’antibioprophylaxie selon les recommandations européennes et américaines. Plusieurs études effectuées en France, aux États- Unis et au Royaume-Uni n’ont initialement pas montré d’augmentation de l’incidence de l’endocardite infectieuse à la suite de la restriction des indications d’antibioprophylaxie(1). Plus récemment, une étude anglaise a montré une augmentation de l’incidence de l’endocardite entre 2000 et 2011 à partir des codages de diagnostic hospitalier(4). L’augmentation était plus marquée après 2008, ce qui correspond à l’année de l’abandon de l’antibioprophylaxie dans les recommandations NICE. Il n’est toutefois pas possible d’en déduire une relation de causalité en raison de facteurs confondants. De plus, le test d’augmentation de l’incidence est significatif pour toute période comprise entre avril 2003 et mai 2010. D’autres analyses de bases de données administratives effectuées aux États-Unis aboutissent à des résultats discordants, en par t icul ier en ce qui concerne l’incidence de l’endocardite(5,6). Les analyses rétrospectives de bases de données administratives doivent donc être analysées avec prudence. L’évaluation de l’incidence de l’endocardite infectieuse et de son évolution doit privilégier des études prospectives spécifiques comme celles effectuées en France en 1999, 2001 et 2008.     En pratique   Bien qu’il existe depuis dix ans une tendance concordante à la restriction des indications de l’antibioprophylaxie, la prévention de l’endocardite infectieuse demeure source de débats. L’analyse des données actuelles a conduit les recommandations européennes de 2015 à conserver le principe d’une antibioprophylaxie chez les patients à haut risque devant avoir des soins dentaires à risque, mais pas chez les patients à risque intermédiaire ni pour les procédures non dentaires. Les recommandations insistent sur l’importance des mesures d’hygiène bucco-dentaires et cutanées, y compris chez les patients à risque intermédiaire. Les mesures d’asepsie lors des procédures de soins revêtent une importance croissante compte tenu des modifications épidémiologiques de l’endocardite. Ces mesures d’asepsie ne doivent pas être limitées aux seuls patients à risque. Enfin les discordances entre les analyses récentes de l’évolution de l’incidence de l’endocardite soulignent la nécessité d’études prospectives spécifiques.  

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