Cardiologie générale
Publié le 14 déc 2015Lecture 4 min
C. BOULETI, Hôpital Bichat, Paris
Nous venons de rentrer à très grande vitesse dans l’ère 4.0. Ceux qui n’ont pas encore pris le virage du smartphone seront probablement récalcitrants à ces nouvelles technologies mais, pour les autres, l’apparition en masse des objets connectés est un nouveau monde à découvrir. Rappelonsnous ce temps préhistorique d’avant le 29 juin 2007 et l’arrivée du premier iPhone. En quelques années, le smartphone s’est imposé comme faisant partie intégrante de nos vies. Qui attend encore la fin des informations pour avoir la météo du lendemain ? Qui continue à se rendre fou pendant des heures en cherchant qui chantait « doo doo di doo doo » et qui ressort le dictionnaire ou mieux encore le Quid durant un dîner de famille pour rechercher la capitale de la Somalie ? Pour information, le Quid a tragiquement disparu en 2007… Toujours est-il que si vous vous êtes reconnus ne serait-ce que dans une de ces propositions, la lecture de la suite de cet article va vous demander quelques efforts.
Pour les autres, bienvenue dans un monde où le nombre de périphériques se multiplie. Tout a commencé avec les joggers et leur compte de calories, leur niveau de performances, etc. Les applications de running se sont rapidement déclinées en trackers d’activité comme les montres ou les bracelets connectés.
À l’heure actuelle, le nombre d’objets connectés est en pleine expansion. Depuis les objets gadgets ou second degré, comme la couche connectée qui prévient quand elle est pleine ou le dispositif de l’apprenti jardinier (Flower power ;-) qui alerte lorsque les plantes manquent d’eau jusqu’aux applications à visée réellement médicale, comme le pill-up pour l’adhérence au traitement ou le machine learning des ECG qui sera le futur gold standard, il y a en effet de quoi avoir le vertige, voire quelques sueurs froides… Et pourtant, certaines applications dans le domaine cardiologique laissent rêveur.
Que dire de ce nouveau stéthoscope connecté qui permet d’enregistrer le rythme cardiaque et de l’envoyer par bluetooth sur un ordinateur ou un smartphone ? On peut ainsi créer sa base de données personnalisée (terminé l’Atlas des bruits du coeur écoutés 18 fois sans jamais entendre le frottement péricardique !), mais surtout partager les résultats en temps réel et avoir une aide au diagnostic. Cette application serait utile aux cardiologues mais également aux médecins généralistes, au cabinet ou à domicile. On pourrait facilement combiner les logiciels d’aide à la consultation avec des photos des patients, leur auscultation et leur ECG numérisé qui sera lu dans un futur proche par Cardiologs.
Cela vous fait peur ?
Pensez à l’avancée du partage des données médicales… ou plutôt, pensez à ce que vous devez subir actuellement pour récupérer ne serait-ce que les antécédents ou le traitement d’un patient. Bref, les objets connectés peuvent effrayer, mais l’organisation de notre système de soins un peu aussi ! Rien qu’en disposant des antécédents des patients de manière adéquate, les diagnostics seraient améliorés et les coûts diminués.
Sous peu, nos patients viendront au cabinet avec les résultats de leurs appareils de mesure connectés (podomètre, glucomètre, tensiomètre, etc.) et il va falloir pouvoir faire face à ces nouvelles informations.
Pour l’heure, en termes de santé connectée, les bases de données sont encore de petite taille (small data). L’évolution technologique va permettre de connecter ces différents objets entre eux, de centraliser l’information pour en faire des big data, mieux encore, d’organiser les données médicales multiples et dispersées pour aider les médecins dans leur diagnostic : le smart data.
Nous voyons le balbutiement des objets connectés mais sous peu la quantité de données à traiter sera telle que les médecins vont avoir besoin d’être assistés par les machines pour le diagnostic (IBM l’a parfaitement compris avec son Watson analytics).
Nous vivons une petite révolution conceptuelle et cette technologie est inéluctable. Reste à savoir si la France va réussir à amorcer cette mutation sans trop de retard ou cultiver un certain anachronisme. Comme le fait de continuer à utiliser des claviers AZERTY, développés au temps des machines à écrire. Eh oui, l’idée était de mettre les lettres les plus utilisées le plus loin possible pour éviter que les tiges ne se tordent et ne se bloquent entre elles… Inutile de préciser que ce système est tout sauf efficace en termes de rendement et qu’il paraît aberrant de ne pas utiliser les nouveaux claviers qui permettent d’atteindre 270 mots à la minute… mais cela demande un effort au début, certes.
Plus tôt on s’adapte, mieux on pourra tenter de contrôler ces nouvelles technologies, car bien sûr tout n’est pas rose dans le monde de la cardiologie connectée !
Les big data pourraient servir à des recherches cliniques, épidémiologiques et thérapeutiques formidables, mais également être exploitées à des fins commerciales. Par ailleurs, qu’en est-il de la protection des données médicales ? Que dire de la fracture sociale que pourrait entraîner cette nouvelle médecine ? Les objets connectés sont en effet pour l’heure achetés principalement par la tranche des 25-44 ans de statut socioéconomique moyen-haut. Enfin, reste à évaluer l’utilité des ces nouvelles technologies en termes de prévention cardiovasculaire. Quel taux d’utilisateurs font réellement leur 10 000 pas par jour grâce à leur tracker d’activité ? Quelles retombées en termes de santé publique ? Les applications smartphone peuvent-elles réellement améliorer l’observance médicamenteuse ? Les résultats de l’étude AEGAN laissent penser que ce n’est pas le cas, alors qu’au contraire une étude marseillaise sur l’envoi de SMS après implantation de stent montrait une amélioration de la prise des traitements antiplaquettaires.
Toutes ces questions ne sont pas résolues, loin de là. Nous n’en sommes qu’aux prémices de l’ère 4.0 mais il est important de comprendre que la question n’est plus de savoir SI mais QUAND nous serons confrontés en tant que praticiens à ces nouvelles technologies.
La Société française de cardiologie semble, elle, avoir bien amorcé le virage avec le thème des JESFC 2016 : la cardiologie connectée !
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