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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 jan 2016Lecture 6 min

Une enveloppe antibactérienne pour les stimulateurs cardiaques et défibrillateurs implantables

A. BOUZEMAN, Département de rythmologie et stimulation cardiaque, Centre médico-chirurgical Parly 2, Le Chesnay ; Cabinet médical de la Néva, Paris

Les infections de matériel implanté (stimulateur cardiaque et défibrillateur implantable) sont la hantise des rythmologues, sans parler du surcoût économique que de telles complications engendrent. Malgré toutes les précautions mises en œuvre pour éviter ce risque, il existe toujours avec les techniques actuelles d’implantation un risque incompressible d’infection. Les facteurs de risque d’infections de prothèses sont bien connus et identifiés, la plupart étant liés au terrain du patient. Ces dernières années, une enveloppe antibactérienne a été conçue pour limiter ce risque infectieux. Voici les données récentes de la littérature à ce sujet.

Quel est l’intérêt de cette enveloppe ?   L’antibioprophylaxie intraveineuse avant l’implantation d’une prothèse est systématique, couvrant les germes les plus fréquemment rencontrés dans les infections de matériels (le plus souvent utilisant une céphalosporine, active sur les staphylocoques). Mais cette précaution n’évite malheureusement pas les infections dont le risque est estimé entre 1 et 3 %. Une première génération d’enveloppe antibactérienne AIGIS® (figures 1 et 2) a été mise au point et utilisée aux États-Unis à la fin des années 2000 (désormais appelée TYRX® depuis le rachat par Medtronic® de la firme ayant proposé ce produit initialement). Puis une nouvelle enveloppe antibactérienne cette fois-ci résorbable a été développée. Cette structure est un polymère bioabsorbable (composé de glycolide, caprolactone, triméthylène carbonate et polyarylate) recouvert d’agents antimicrobiens (minocycline et rifampicine). Les composants de cette enveloppe sont résorbés en 9 semaines environ. Le relargage des antibiotiques se fait pendant 7 à 10 jours après l’implantation. Figure 1. La deuxième génération d’enveloppe antibactérienne est absorbée au bout de 9 semaines environ. Figure 2. La prothèse (stimulateur ou défibrillateur) doit être insérée dans l’enveloppe antibactérienne. La minocycline est un agent bactériostatique qui inhibe la synthèse des protéines en empêchant la liaison de l’ARNt avec le ribosome. Elle agit sur les bactéries à gram positif comme les Staphylococcus aureus et les grams négatifs comme Escherichia coli. La rifampicine agit en interférant avec l’activité de l’ARN polymérase des agents bactériens. Son efficacité se porte sur les bactéries à gram positif (Staphylococcus aureus dont ceux résistant à la méthicilline et Staphylococcus epidermidis) et sur les bactéries à gram négatif comme Hæmophilus influenzae. Ces deux antibiotiques sont largués localement au sein du tissu. Il a été préalablement montré dans des essais randomisés que l’imprégnation, avec ces antibiotiques, de cathéters de dialyse et de cathéters centraux réduit le risque infectieux, notamment les infections liées au Staphylococcus aureus et au staphylocoque à coagulase négative.   Les données de la littérature   L’efficacité de l’enveloppe antibactérienne AIGIS® a d’abord été montrée dans une étude in vivo chez des lapins(1). Un stimulateur cardiaque était placé dans une poche sous-cutanée à droite et à gauche, avec une enveloppe pour une seule des deux prothèses implantées. Une certaine quantité définie de bactéries a été introduite des deux côtés (Staphylococcus epidermidis, Staphylococcus capitis, Escherichia coli, Acinetobacter baumanii). Sept jours après l’implantation, les deux prothèses étaient explantées et mises en culture. Dans la loge avec enveloppe, aucun germe n’a été mis en évidence. Chez l’homme, une première étude rétrospective(2) (étude COMMAND) a analysé le suivi après implantation de prothèses (entre 2008 et 2009) dans 10 centres américains (1/3 stimulateurs cardiaques, 1/3 défibrillateurs, 1/3 défibrillateurs associés à une resynchronisation), en utilisant l’enveloppe AIGIS®. La majorité des interventions (68 %) étaient liées à des procédures de remplacement de générateur ou des reprises, donc des procédures à risque infectieux accru. Le succès d’implantation était supérieur à 99 %. Après 1,9 ± 2,4 mois, il y a eu 3 infections majeures, sur 624 prothèses implantées (soit un taux d’infection de 0,5 %). La moitié des patients de la cohorte étaient à risque élevé d’infection, avec au moins 3 critères prédéfinis (insuffisance rénale ou cardiaque, corticothérapie, anticoagulants, reprise, etc.). Il n’y a eu qu’un seul échec d’implantation lié directement à l’enveloppe. Une première étude prospective non randomisée monocentrique(3) a comparé un groupe de patients (n = 260) à haut risque infectieux, implantés avec une enveloppe antibactérienne AIGIS®, comparativement à un groupe contrôle historique (n = 639), matchés pour plusieurs facteurs de risque d’infection connus. Le taux d’infection dans le groupe « enveloppe » était de 0,4 % versus 3 % dans le groupe contrôle. La durée moyenne de suivi était de 18,7 ± 7,7 mois dans le groupe « enveloppe » versus 42,4 ± 5,2 mois dans le groupe contrôle. Kolek et coll.(4) ont publié une série avec utilisation de la nouvelle enveloppe, celle-ci étant bioabsorbable (TYRX-A). Il s’agit d’une étude monocentrique rétrospective concernant des patients implantés avec une prothèse, ayant au moins 2 facteurs de risque d’infection de matériel. La population totale a été divisée en 3 groupes : - utilisation de l’enveloppe bioabsorbable TYRX-A (n = 135) ; - enveloppe TYRX non absorbable (n = 353) ; - pas d’enveloppe (n = 636). Le nombre de facteurs de risque n’était pas significativement différent parmi les 3 groupes (entre 3,08 et 3,20). Le taux d’infection de matériel après au moins 300 jours de suivi était de 0 % pour le groupe A, 0,3 % pour le groupe B et 3,1 % pour le groupe C, la différence n’étant pas significative entre les 2 types d’enveloppe mais nettement significative avec le groupe contrôle quelle que soit l’enveloppe utilisée (figures 3 et 4). Figure 3. L’efficacité à long terme de l’enveloppe antibactérienne qu’elle soit absorbable ou non. Figure 4. L’enveloppe antibactérienne prévient les infections précoces également. Un autre travail rétrospectif(5) a mis en évidence le fait que l’enveloppe antibactérienne TYRX (figure 5) était efficace quels que soient les facteurs de risque du patient, c’est-à-dire avec un score de risque faible, moyen ou haut, et ce sur une évaluation à 6 mois après l’implantation. Les facteurs de risque ayant été mis en évidence dans cette étude, concernant uniquement la sous-population de patients implantés d’un défibrillateur, étaient : réintervention précoce, sexe masculin, diabète, up-grading, insuffisance cardiaque, HTA, insuffisance rénale. Figure 5. Un score de risque infectieux permet de classer les patients en risque faible, modéré ou élevé avant l’implantation d’un défibrillateur. Le registre multicentrique observationnel et prospectif CENTURION en cours inclut des patients implantés avec un système de resynchronisation associé à une enveloppe antibactérienne et devant bénéficier d’un changement de prothèse avec ou sans ajout de sonde, avec un suivi à 12 mois, versus un groupe contrôle sans enveloppe. Enfin une étude randomisée, contrôlée appelée WRAP IT est actuellement en cours chez des patients candidats à un remplacement de dispositifs ou à une primo-implantation de CRT-D. Il est prévu d’inclure 7 764 patients dans cet essai (NCT02 277990) qui a pour objectif principal de comparer les taux d’infections majeures à 12 mois postimplantation dans le groupe ayant reçu l’enveloppe TYRX versus un groupe contrôle qui n’en a pas bénéficié. Concernant le coût de cette enveloppe, une étude médicoéconomique(6) a montré que le surcoût lié à l’utilisation de cette enveloppe antibactérienne était équivalent à celui engendré par la prise en charge lourde des patients infectés.   Plusieurs questions restent en suspens   • Quels sont les patients éligibles à ce type d’enveloppe antibactérienne ? Faut-il l’implanter à tous les patients ? • La flore bactérienne des patients infectés malgré une enveloppe sera-t-elle différente et plus résistante aux antibiotiques ? • Que faire en cas d’allergie aux antibiotiques dont l’enveloppe est imprégnée ? • Y aurait-il une place pour cette enveloppe dans le traitement d’une infection de loge, évitant une explantation de tout le matériel ?   En pratique   Les résultats de ces quelques études semblent extrêmement intéressants sur la prévention des infections de prothèses implantées, aussi bien sur le plan médical pur que sur le plan médicoéconomique. Ces dispositifs ne sont pour l’instant pas disponibles en France à large échelle. Le remboursement d’un tel dispositif sera également un sujet délicat…  

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