publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cardiologie générale

Publié le 14 mar 2016Lecture 8 min

Quelle stratégie pour les lésions multiples lors d’un infarctus du myocarde ?

P. DUPOUY, Hôpital privé d’Antony ; Clinique les Fontaines, Melun

JESFC

Dans l’infarctus du myocarde, l’existence de lésions autres que la lésion coupable est reconnue comme un facteur indépendant de mauvais pronostic à moyen et long terme. Ce cas de figure est présent chez 40 à 60 % des patients présentant un infarctus aigu. Lors des dernières Journées européennes de la SFC, une session passionnante a permis aux Drs Hakim Benamer (Paris), Pascal Motreff (Clermont-Ferrand), Emmanuel Teiger (Créteil) et Gérald Vanzetto (Grenoble) de dégager, à travers une revue de la littérature approfondie, des messages forts qui pourront nous guider dans nos décisions thérapeutiques. 

Dès lors, deux questions se posent quant à la stratégie de traitement à adopter et au timing de la prise en charge. On peut traiter les lésions non coupables médicalement, les revasculariser systématiquement, les évaluer par un test d’ischémie fonctionnel non invasif, tout ceci au moment de l’angioplastie primaire, en différé lors de la même hospitalisation ou en extrahospitalier lors du suivi du patient. De nombreux registres et quelques études randomisées ont abordé ces questions avec des conclusions souvent divergentes qui font qu’en 2016, il n’y a pas de réel consensus sur la meilleure stratégie à adopter. Les attitudes peuvent différer d’un pays à l’autre(1), d’un centre à l’autre, voire d’un opérateur à l’autre.   État des lieux des recommandations   Dans les dernières recommandations européennes(2), il est clairement écrit qu’en cas de lésions multitronculaires la stratégie de prise en charge d’un STEMI n’est pas établie, renvoyant dos à dos une stratégie conservative qui ne réserve la revascularisation qu’aux patients symptomatiques ou toujours ischémiques sous traitement maximal et une stratégie de revascularisation programmée dans les jours ou les semaines qui suivent l’accident initial, éventuellement après mesure de FFR. Il n’est pas fait mention d’une revascularisation complète ad hoc qui ne permet pas d’avoir l’accord éclairé du patient, ni d’avoir une réflexion multidisciplinaire si elle est nécessaire. Les auteurs se donnent un droit de modification de cette absence de recommandation en fonction des études que nous allons détailler dans les paragraphes suivants. Les recommandations américaines (ACC-AHA 2013) sont plus tranchées avec un grade III de recommandations (de fait contre-indication) des lésions non coupables dans le même temps que l’artère coupable en dehors du choc cardiogénique. Par contre, il est admis de les traiter dans un deuxième temps en cas de symptômes ou d’ischémie prouvée (grade I) ou de tests fonctionnels intermédiaires (grade IIa).   Faut-il ou non revasculariser toutes les lésions angiographiques ?   De nombreuses études se sont focalisées sur cette thématique avec des conclusions divergentes. Par exemple, l’étude du sous-groupe des multitronculaires de l’étude Apex-MI(1) compare les 10 % de revascularisation complète aux 90 % de revascularisation unique et conclut à un déficit pronostique du groupe de patients ayant une revascularisation complète. Cependant, ces patients sont clairement plus graves que les autres en termes hémodynamiques, de nombre de lésions et d’une localisation plus souvent antérieure de la nécrose. On comprend que dans ces conditions il soit difficile d’en généraliser les conclusions. Hannan et coll.(3) ont publié en 2010 un registre rétrospectif de 3 521 patients dont 797 ont eu une revascularisation complète soit pendant la procédure initiale, soit dans les 60 jours suivants. Le pronostic à 1 an des patients ayant eu une revascularisation compète initiale était plus péjoratif que celui des patients ayant bénéficié d’une revascularisation complète en plusieurs étapes, ou d’une revascularisation de la lésion coupable uniquement. Que le timing de revascularisation soit discutable, cela peut paraître logique. Qu’une revascularisation complète soit moins efficace qu’une revascularisation unique de la lésion coupable peut, en revanche, paraître surprenant puisqu’on sait par ailleurs que plus de 25 % des réadmissions hospitalières à 30 jours sont le fait de procédures de revascularisations non prévues et que ces réadmissions grèvent le pronostic des patients(4). On sait aussi qu’un score SYNTAX résiduel après revascularisation supérieur à 8 sélectionne une catégorie de patients dont le pronostic à 30 jours et à 1 an est péjoratif chez les patients traités pour SCA ST-(5). On connaît aussi les limites des registres ou des études de sous-groupes qui introduisent des biais d’analyse et faussent les conclusions en sélectionnant pour revascularisation complète des patients potentiellement plus graves. Quelques études randomisées nous permettent d’y voir plus clair et vont, comme on va le voir, amener à une modification des recommandations. Une 1re étude randomisée publiée en 2010 par Politi et coll.(6) ont randomisé 214 patients pris en charge pour ST+ en 3 groupes : lésion coupable seule, toutes lésions pendant la procédure initiale et toutes lésions en plusieurs procédures. Le taux de MACE est très significativement en faveur de la revascularisation complète immédiate ou étagée par rapport au traitement de la lésion coupable isolée. Avantage pronostique essentiellement mené par moins d’hospitalisation et moins d’angioplastie alors que les critères durs infarctus ou décès ne sont pas significativement influencés par le type de traitement sur une population certainement insuffisante. L’étude PRAMI, publiée dans le New England Journal of Medicine en 2013(7), 465 patients multitronculaires présentant un infarctus ST+ ont été randomisés entre revascularisation complète et traitement de la lésion coupable seule. On observe une diminution de 65 % du critère primaire combiné décès cardiaque, infarctus non létal et angor réfractaire à 3 ans dans le groupe qui a bénéficié d’une revascularisation complète et une diminution de 70 % du taux de revascularisation ultérieure. Ces résultats sont impressionnants mais il faut garder à l’esprit qu’ils ne concernent qu’une population relativement sélectionnée puisque les patients étudiés ne représentent cependant que 20 % de la population ST+ initialement évaluée pendant la période d’inclusion. Seuls les patients les plus simples ont été inclus. En particulier ont été exclus tous les patients présentant une occlusion coronaire chronique. Récemment l’étude CVLPRIT (Complete Versus Lesion-Only Primary PCI trial)(8) a randomisé 296 patients multitronculaires présentant un STEMI de moins de 12 heures entre traitement de la lésion coupable seule versus revascularisation complète soit dans la même procédure, soit en différé pendant la même hospitalisation. Les 2/3 des patients du 2e groupe ont été traités en 1 fois pendant la procédure initiale. À 12 mois le taux de MACE est réduit de 55 % en cas de revascularisation complète avec une tendance à la diminution de chaque composant individuel du MACE, décès, réinfarctus, revascularisation. Ces résultats confirment ceux de PRAMI et les réserves sont les mêmes concernant le manque de puissance de l’étude pour ce qui est d’étudier les critères cliniques durs décès ou infarctus. Enfin, une métaanalyse publiée par Song et coll. en 2014(9) à propos de 7 études randomisées (1 476 patients) et 23 registres (42 780 patients) (mais sans l’étude CVPRIT) conclut à une mortalité identique de la revascularisation totale des patients STEMI pendant la procédure initiale par rapport au traitement de la lésion coupable seule, mais montre une supériorité de la revascularisation complète en plusieurs étapes par rapport au traitement de la lésion coupable seule. Il n’est pas noté de différence en ce qui concerne la survenue d’infarctus mais un bénéfice très net en ce qui concerne les revascularisations itératives dans le groupe revascularisation complète. Quoi qu’il en soit, tous ces résultats ont amené en 2015 à une rectification et mise à jour des recommandations américaines sur cette thématique ; puisque la revascularisation des lésions autres que la lésion coupable d’un infarctus du myocarde pendant la procédure initiale ou pendant l’hospitalisation est passée d’un grade III à un grade IIb(10), entrouvrant la porte à une revascularisation complète lors du traitement d’un STEMI.   Choix des lésions à traiter   Les patients multitronculaires sont une population à risque après infarctus du myocarde. Une part de ce sur-risque est liée aux comorbidités classiques de patients plus âgés et souvent diabétiques. Mais on a vu que le traitement des lésions non coupables dans les jours qui suivent l’épisode aigu peut améliorer leur pronostic. Dès lors se pose la question du choix des lésions qui nécessitent réellement une revascularisation et des méthodes pour les détecter. Peut être le caractère systématique des revascularisations complètes de certaines études introduit-il un biais de raisonnement et fausse-t-il les résultats ? La mesure de l’impact hémodynamique d’une lésion coronaire par la FFR est un paramètre validé de l’indication de revascularisation dans l’angor stable. Quelques études récemment publiées ont montré que le concept était valide aussi dans le cadre du syndrome coronarien aigu(11,12) et dans le cadre du STEMI(13). Dès lors, il paraît logique d’utiliser cet outil, au même titre que les tests fonctionnels non invasifs, dans l’évaluation des sténoses coronaires de l’infarctus du myocarde. Une étude publiée en 2010 à propos de 120 patients ne montre cependant pas de bénéfice à l’utilisation de la FFR en termes de fraction d’éjection ou de MACE lors du suivi. Mais un net bénéfice en termes de revascularisations itératives dans le suivi. Malheureusement et comme souvent, l’effectif restreint en limite le message. Dans le même ordre d’idée, l’étude DANAMI 3 PRIMULTI, publiée en 2015 dans The Lancet(14) a inclus 614 patients randomisés entre traitement de la lésion coupable seule versus revascularisation compète conduite par la FFR. Le taux d’événements dans le groupe FFR (13 %) est significativement plus faible que dans le groupe comparateur conservateur (22 %) mais, là encore, la différence est essentiellement due au taux de revascularisations itératives du groupe conservateur, sans différence des critères cliniques durs que sont les réinfarctus et décès. Gageons que nous aurons des résultats plus probants quand les études ACUTE-COMPARE MI (614 patients) et FLOWER-MI conduite par le Dr Étienne Puymirat (Paris) nous apporteront les réponses attendues.   Conclusions   • À rebours des recommandations actuelles, nous avons vu, lors de cette passionnante session, qu’une revascularisation complète des lésions pluritronculaires de patients traités pour STEMI était probablement plus pertinente que la revascularisation ciblée et unique de la lésion coupable. L’infléchissement récent des recommandations américaines valide les récentes études randomisées qui concluent à un bénéfice en termes de décès, réinfarctus et surtout revascularisations itératives d’une attitude interventionniste. • Le timing de ces revascularisations est encore discuté, bien que la métaanalyse de Song et coll. tende à montrer qu’une revascularisation en plusieurs étapes apporte un gain pronostique par rapport à une revascularisation complète lors de l’angioplastie primaire. • Enfin, faut-il traiter toutes les lésions ou seulement les lésions ischémiantes ? Le bon sens nous porte vers la 2e proposition et gageons que les tests fonctionnels et surtout la FFR nous apporteront une réponse adaptée à cette question.     En pratique   50 % des patients pris en charge pour un STEMI ont des lésions pluritronculaires et ont un pronostic plus péjoratif. Les récentes études randomisées montrent un bénéfice à une revascularisation complète plutôt qu’un traitement ciblé et isolé de la lésion responsable du STEMI. Les recommandations évoluent et acceptent le principe d’un traitement lésionnel complet à la phase aiguë d’un STEMI. Une revascularisation complète en plusieurs temps paraît plus pertinente qu’une revascularisation complète pendant la procédure initiale. Des outils comme la FFR pourraient permettre de cibler les lésions qui doivent être revascularisées.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 17 sur 94
publicité
publicité