Publié le 14 mar 2016Lecture 7 min
L’utilisation des biomarqueurs en cardiologie
G. LAMBERT, Paris
JESFC
Un atelier organisé lors des Journées européennes de la Société française de cardiologie a permis de faire le point sur le diagnostic de SCA lors d’une douleur thoracique en une heure et le suivi de l’insuffisance cardiaque grâce aux biomarqueurs.
Lors d’un atelier présidé par Jean-Philippe Collet (Pitié- Salpêtrière, Paris) et Damien Logeart (Lariboisière, Paris), organisé à l’occasion des Journées européennes de la Société française de cardiologie (JE SFC), Sandrine Charpentier (Toulouse) s’est intéressée à la phase diagnostique des recommandations de l’European Society of Cardiology (ESC) pour la prise en charge du syndrome coronarien aigu (SCA) sans élévation du segment ST (NSTEMI)(1). Cette phase de la prise en charge est cruciale car seulement 15 % des patients qui se présentent avec des douleurs thoraciques sans signes à l’ECG ont un SCA ST-. Le dosage de la troponine hypersensible (Tn Hs) s’inscrit dans une démarche diagnostique qui prend d’abord en compte les éléments cliniques et le tracé ECG. À partir de ces données le clinicien établit la probabilité pré-test d’une ischémie myocardique. Le dosage de la troponine permet de confirmer ce diagnostic et de distinguer un infarctus du myocarde (IdM), d’un angor instable ou d’une autre pathologie. Les recommandations de l’ESC préconisent le dosage d’une troponine de haute sensibilité, qui est désormais l’examen de référence dans le diagnostic d’une douleur thoracique évocatrice sans signes électriques, mais qui n’est pas encore disponible dans l’ensemble des services d’urgence en France. La sensibilité accrue de la Tn permet un diagnostic d’IdM plus précoce. Ses taux étant bien corrélés à la quantité de myocarde altéré, plus le dosage de Tn Hs est élevé, plus le diagnostic de SCA est probable, avec une Valeur Prédictive Positive (VPP) > 90 % pour des élévations franches si l’on considère la variation entre 2 dosages.
Un diagnostic en 3 heures maximum
Les recommandations 2015 de l’ESC ont définitivement validé la démarche diagnostique basée sur l’évolution de la concentration de troponine entre H0 (premier dosage) et H3 (deuxième dosage 3 heures plus tard), alors qu’un délai de 6 heures était encore requis jusqu’alors. Si ces recommandations font une place importante à la cinétique du taux de Tn Hs en valeur absolue, elles ne négligent pas la clinique et indiquent que pour renvoyer à son domicile un patient ayant une douleur thoracique évocatrice, celle-ci doit avoir cessé, le score de GRACE doit être < 140 et les diagnostics différentiels ont dû être éliminés.
L’ESC propose un autre algorithme qui permet d’exclure ou de poser le diagnostic en 1 heure (H0-H1). Deux seuils sont alors à prendre en compte : le taux à l’arrivée (H0) et la différence en valeur absolue des dosages à H0 et à H1. Ces valeurs varient selon les troponines utilisées. Pour la TnT Hs (Roche Diagnostics) un dosage à H0 en dessous du seuil de détection, soit < 5 ng/l, suffit à exclure le diagnostic de SCA. Si le premier taux de TnT Hs est compris entre 5 et 12 ng/l et qu’un deuxième dosage à H1 montre une variation H0-H1 < 3 ng/l, le diagnostic de SCA peut également être écarté. À l’inverse, lorsque la TnT Hs est ≥ 52 ng/l à H0, le diagnostic de SCA est hautement probable. Il en va de même lorsque le premier dosage est élevé mais < 52 ng/l et qu’une augmentation ≥ 5 ng/l est constatée à H1. Pour la plupart des patients (75 %), cet algorithme permet de poser le diagnostic ou de l’exclure en une heure. Ceux qui n’entrent ni dans l’une, ni dans l’autre de ces catégories se situent dans une zone d’observation et nécessitent une surveillance au moins jusqu’à H3 avec un nouveau dosage. Cet algorithme a été établi sur la base de plusieurs études cliniques, qui ont notamment montré que les variations des taux de Tn Hs doivent être interprétées en valeurs absolues et non en valeurs relatives (% d’augmentation ou de diminution)(2). Les seuils retenus permettent d’atteindre une sensibilité de 100 % pour la zone d’exclusion et une spécificité de 97 % (VPP : 84 %) pour le diagnostic positif(3). Une étude de validation réalisée par la même équipe et publiée en 2015 a conforté ces résultats avec une sensibilité à 99,6 % et spécificité de 95 %(4). Pour des valeurs très basses à l’arrivée, en dessous du seuil de détection (< 5 ng/l), la sensibilité était de 99,6 %. Le pronostic de ces patients était très bon, avec une mortalité nulle à 1 mois.
La valeur seuil d’exclusion de la TnT Hs < 5 ng/l a également été confirmée par une métaanalyse, avec une sensibilité de 97,4 %. Enfin, une étude multicentrique publiée en début d’année a validé cet algorithme pour la troponine T (encadré). Des données similaires ont été retrouvées avec une troponine I Hs.
Comme le souligne Sandrine Charpentier, cet algorithme ne dispense pas d’évaluer la probabilité clinique du SCA, bien au contraire (les facteurs de forte probabilité de SCA définis par l’ESC sont : l’âge, le sexe masculin, les antécédents familiaux et personnels de coronaropathie, le diabète, l’hyperlipidémie, l’HTA, l’insuffisance rénale, et les autres pathologies en lien avec l’athérosclérose : AVC, artériopathie oblitérante des membres inférieurs, etc.). Les recommandations de l’ESC précisent qu’au moindre doute, lorsque l’histoire, la présentation clinique et/ou l’ECG sont évocateurs, un dosage de la Tn Hs doit être réalisé à H3. Par ailleurs, elle a souligné que, au regard de l’organisation des accueils d’urgences, il est difficile d’obtenir le résultat du dosage à H0 avant H1. Elle s’est également interrogée sur le coefficient de variation pour des taux faibles, par exemple avec des valeurs passant de 13 à 15 ng/l. Elle a enfin rappelé que d’autres stratégies ont également été proposées avec la troponine T Hs, notamment la démarche diagnostique H0-H2(5), qui offre un bon compromis entre la faisabilité et les performances.
Le NT-proBNP dans le suivi du patient insuffisant cardiaque chronique
Michel Galinier (Toulouse) a rappelé qu’environ 30 % des patients hospitalisés pour une insuffisance cardiaque (IC) aiguë sont à nouveau admis dans les deux mois suivant leur sortie. La première cause de cette fréquence élevée est la rétention hydrosodée résiduelle à laquelle les peptides natriurétiques, qui sont le reflet des pressions de remplissage, sont étroitement liés. L’adaptation du traitement sur le taux de ces peptides permet donc de diminuer ces réhospitalisations. Dans ce cadre, le NT-proBNP est un candidat idéal car en plus d’être stable une fois prélevé, ses dosages sont comparables d’un laboratoire à l’autre. De plus, avec l’arrivée des inhibiteurs du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine (ARNi) (Entresto®) dans la prise en charge de l’IC, il sera le seul peptide natriurétique utilisable, la dégradation du BNP étant inhibée et sa concentration plasmatique augmentée par ce traitement. La prochaine actualisation des recommandations en mars prochain devrait faire une place à ce traitement dans la prise en charge de l’IC chronique. Pour l’heure, les guidelines nord-américains (ACC/AHA) recommandent d’optimiser le traitement de l’IC chronique sur la base des dosages de peptide natriurétique (recommandation de classe IIA avec un niveau de preuve B). La société savante canadienne conseille également cette stratégie, mais chez les patients en IC systolique âgés de moins de 75 ans. Le suivi guidé par les peptides natriurétiques permet ainsi un traitement personnalisé et ciblé de chaque patient à la façon de l’hémoglobine glyquée chez les diabétiques.
À travers un cas clinique interactif, Michel Galinier a fait passer plusieurs messages importants sur cette stratégie. Le premier contrôle doit être réalisé dans le premier mois suivant la sortie. Si le NT-proBNP reste > 2 200 pg/ml, le risque de réhospitalisation est majeur et il est urgent d’optimiser le traitement. L’objectif est de diminuer d’environ 30 % le taux de NT-proBNP par rapport au dosage réalisé à la sortie de l’hôpital. Les variations du NT-proBNP sont significatives si elles sont > 30 % entre deux dosages. En cas de survenue d’une fibrillation atriale, l’instabilité hémodynamique entraîne une hausse des peptides natriurétiques.
Bien qu’il n’existe pas de recommandation concernant la fréquence d’évaluation de ce critère dans l’insuffisance cardiaque, on peut considérer que celle-ci dépend de la présentation clinique. Chez les patients stables en stade II, un dosage tous les 6 mois suffit et chez les patients instables en stade III ou IV, le contrôle est réalisé tous les 3 mois. Dans le suivi de l’IC chronique, la cible thérapeutique est un NT-proBNP < 1 000 pg/ml ou, à défaut, la valeur la plus basse possible avec un traitement médical optimal. Si le dosage est au-dessus de ce seuil, il faut alors optimiser le traitement en particulier en augmentant les thérapeutiques à visée neuro-hormonale lorsque les doses reçues ne sont pas maximales, et celles de diurétiques, à plus forte raison s’il existe des signes de rétention hydrosodée. Une métaanalyse ayant porté sur les données individuelles de 2 000 patients a montré que le suivi de l’IC chronique guidé par les peptides natriurétiques diminue la mortalité de 18 % chez les sujets âgés de moins de 75 ans, un bénéfice qui décroît nettement après cet âge(6). En revanche, la fréquence des hospitalisations est abaissée de 26 % et ce, quel que soit l’âge. En conclusion, Michel Galinier a rappelé que les peptides natriurétiques sont utilisables en cas d’IC à fonction systolique altérée, les données étant insuffisantes lorsque la fraction d’éjection est conservée.
D’après un symposium Roche Diagnostics JESFC, Paris, janvier 2016
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