Congrès et symposiums
Publié le 23 mai 2016Lecture 6 min
Insuffisance cardiaque, réadaptation et traitement médicamenteux : comment mieux utiliser nos ressources ?
Forum européen Cœur, exercice et prévention
La prescription d’une activité physique adaptée s’intègre dans la nouvelle loi santé. Les trois grandes orientations de la stratégie nationale de santé sont de miser sur la prévention, d’organiser les soins autour des usagers et d’en garantir l’égal accès, et de renforcer l’information et les droits des patients. Selon l’OMS, la pratique régulière de la marche ou du vélo, à raison de 30 minutes par jour réduirait de 30 à 50 % l’incidence des maladies cardiovasculaires. Les évaluations faites en 2014 à Strasbourg et les travaux de la HAS en 2015 encouragent à la prescription d'une activité physique adaptée.
10 % des patients insuffisants cardiaques passent en réadaptation : comment faire mieux ?
D’après M. Mendes (Carnaxide, Portugal)
La réadaptation cardiovasculaire après une hospitalisation pour insuffisance cardiaque est très peu utilisée en Europe, en particulier en France (9 %), au Portugal (14 % et pour la majorité, dans les suites d’un infarctus du myocarde) ou en Hollande (3 %). Aux États-Unis, elle l’est beaucoup plus souvent (56 %), mais les sujets âgés et ceux porteurs d’un défibrillateur en sont exclus.
Cette désaffection envers ce moyen thérapeutique est regrettable étant donné les preuves du bénéfice de la réadaptation dans l’insuffisance cardiaque. En effet, elle diminue le nombre d’hospitalisations, améliore la qualité de vie des patients et réduit les dépenses publiques. Pour ces raisons, ce traitement est considéré au même niveau que les autres interventions dans l’insuffisance cardiaque et a été gratifié d’une recommandation de classe I-A par le groupe insuffisance cardiaque de l’ESC.
Les obstacles à l’origine de cette sous-utilisation de la réadaptation dans l’insuffisance cardiaque sont multifactoriels. Tout d’abord, beaucoup de patients et même de médecins appréhendent l’activité physique dans cette pathologie. À cela s’ajoutent les soucis de logistique, les difficultés d’accès aux lieux où se déroule la réadaptation, le coût, voire certaines difficultés culturelles (expositions des genoux nus…). Une dépression peut se surajouter, qu’il convient de dépister et traiter au préalable. L’âge avancé peut être un facteur de démotivation à participer à ces programmes, surtout pour les femmes.
Pour surmonter certaines de ces difficultés, le programme de réadaptation peut être hybride, avec une partie en centre et l’autre au domicile (dès le début de la réadaptation). Une communication motivationnelle est utile avec une première consultation très précoce après la sortie de l’hôpital. Une adaptation des exercices physiques au genre et à l’âge doit être faite, en enseignant au patient à « s’auto-monitorer ». Plus largement, il faut savoir « faire sonner la cloche spécifique pour chaque oreille » et utiliser des arguments spécifiques pour les médecins, les patients et les payeurs.
Comment l’ivabradine améliore-t-elle les performances du système CV du patient insuffisant cardiaque ?
D’après F. Carré (Rennes)
Contrairement à la pression artérielle, le débit cardiaque n’est pas régulé, mais il est soumis à des facteurs d’adaptation : la FC et le VES (volume d’éjection systolique). La FC dépend de la fréquence intrinsèque du nœud sinusal modulée par le SNA et les catécholamines ; et le VES du ventricule gauche, de la différence entre son VTD (volume télédiastolique) et son VTS (volume télésystolique).
Dans l’insuffisance cardiaque, le VES diminue du fait de la dysfonction cardiaque avec une augmentation de la FC. Or, cette accélération de la FC, compensatoire dans un premier temps, est délétère à plus long terme.
Dans une étude menée chez des patients porteurs d’un stimulateur cardiaque, la FC avait été réglée à 55/min dans un groupe et à 75/min dans l’autre : après 3 mois, la FEVG augmentait et le BNP diminuait chez les patients avec la FC la plus basse. De même, chez des patients insuffisants cardiaques traités par ivabradine, après 8 mois de traitement, le débit cardiaque restait stable, par augmentation du VES, alors qu’il diminuait chez ceux sous placebo.
Les facteurs explicatifs sont, d’une part, une amélioration du remplissage ventriculaire. En effet, sous ivabradine, la diastole est allongée et plus efficace sans allongement du temps de systole (réduction de la contraction post-systolique). D’autre part, cette augmentation du VES s’explique par une meilleure éjection ventriculaire, grâce au respect de la contractilité myocardique, contrairement au bêtabloquant, à une amélioration de la relation force-fréquence et à une diminution de la postcharge. En effet, l’ivabradine, a montré après 8 mois de traitement, une augmentation de la compliance artérielle et une diminution de l’élastance artérielle (pas de modifications des résistances périphériques).
Tous ces éléments de physiopathologie expliquent pourquoi l’on peut observer un remodelage inverse du VG sous ivabradine.
Peut-on (et comment) adapter précocement les traitements pendant l’hospitalisation et la réadaptation ?
D’après A. Cohen-Solal (Paris)
Au décours d’une hospitalisation pour insuffisance cardiaque, le risque de décès est maximal au cours du 1er mois, c’est la période vulnérable du patient IC (mortalité multipliée par x 6 par rapport à un patient non hospitalisé). Ce risque de mortalité est lié à la défaillance de la pompe cardiaque. Il en est de même pour les hospitalisations pour insuffisance cardiaque.
Plusieurs explications ont été avancées : un traitement médicamenteux non optimisé en suivi post-hospitalier, une sortie de l’hôpital trop rapide d’un patient dont l’insuffisance cardiaque n’est pas encore tout à fait compensée ou encore l’absence de passage de relais avec le cardiologue de ville. En effet, l’organisation du suivi est essentielle : recours à une check-list, sortie programmée, proposition d’un séjour en réadaptation, et s’ils sont disponibles, recours au dispositif PRADO de l’Assurance maladie et à la télémédecine.
Un suivi médical précoce permettra notamment d’optimiser rapidement le traitement pharmacologique sans attendre une autre décompensation.
Nous distinguons deux cas d’optimisation thérapeutique à la sortie hospitalière : celle du patient de novo et celle du patient IC, connu, traité et venant de décompenser.
Si le patient vient d’être hospitalisé pour la 1re fois et nouvellement diagnostiqué, les traitements au bénéfice indiscuté dans l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite, que sont les IEC et les bêtabloquants, seront débutés avant la sortie. Cependant, l’optimisation des doses et l’éducation thérapeutique, essentielles, ne doivent pas être négligées dans le suivi post-hospitalier. De même, une prescription biologique (avec ionogramme, créatinine et BNP, sachant que s’il est > 800, le risque de réhospitalisation à court terme est fortement augmenté), ainsi qu’une ordonnance pour l’acquisition d’un pèse-personne et d’un tensiomètre ne doivent pas être oubliées. Enfin, une consultation au 8e jour chez son médecin traitant et dans le mois chez son cardiologue sera fortement préconisée.
Si le patient est connu insuffisant cardiaque, a priori, le patient est déjà traité par bêtabloquant, IEC et diurétiques. Cependant, il faut continuer à adapter son traitement, en particulier le bêtabloquant, non arrêté pendant l’hospitalisation. Selon l’état clinique du patient (FC, PA, kaliémie, etc.), l’ajout d’un antialdostérone et/ou de l’ivabradine doit être considéré, notamment si la FC de sortie est supérieure à 70-75 bpm pour ce dernier. En effet, l’ivabradine dans l’étude SHIFT a réduit la mortalité CV de 17 % et le risque d’hospitalisation pour aggravation de l’IC de 30 % et ceci précocement, chez les patients ayant une FC > 75/min recevant déjà le traitement standard. Contrairement au bêtabloquant qui diminue la mortalité en agissant surtout sur la mort subite d’après l’étude CIBIS III, l’ivabradine a réduit de 39 % la mortalité par insuffisance cardiaque dans l’étude SHIFT.
Une association précoce ivabradine et bêtabloquant est ainsi intéressante d’autant plus que l’ivabradine n’empêche pas la titration du bêtabloquant, médicament indispensable pour son effet rapide sur la mort subite et sur le remodelage inverse à plus long terme. En effet, dans une étude, l’ivabradine en association précoce au carvédilol a même permis d’atteindre des doses de bêtabloquant plus importantes et ce plus rapidement. Ces résultats peuvent s’expliquer par un effet hémodynamique propre à l’ivabradine : une augmentation rapide du VES sans modification de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion, observée dans une étude incluant des patients IC sévères (NYHA III et FEVG = 21 %) et hospitalisés, traités par administration d’ivabradine en IV.
Enfin, chez les patients IC concernés, la question d’une mise en place d’un DAI ou d’une CRT doit être abordée.
D’après un symposium lors du 9e Forum européen Coeur, exercice & prévention Paris, 17-18 mars 2016
Sous la présidence de M. Mendes (Carnaxide, Portugal) et A. Cohen-Solal (Paris)
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