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Coronaires

Publié le 01 mar 2017Lecture 5 min

Gestion des lésions non coupables dans le ST+

Claude LE FEUVRE, Institut de Cardiologie, PitiéSalpêtrière, Paris

L’indication et le timing de la revascularisation d’une lésion non coupable chez les patients avec SCA ST+ sont les deux questions qui, en cardiologie interventionnelle, ont le plus fait l’objet de résultats contradictoires et de volte-face dans les recommandations des sociétés savantes.

De nombreuses questions L’angioplastie de la lésion coupable, lorsqu’elle est réalisable dans un délai raisonnable après le premier contact médical, est le traitement recommandé chez les patients avec SCA ST+. La moitié de ces patients ont des lésions pluritronculaires, avec un taux plus élevé de récidive d’infarctus et 2 fois plus de décès à 1 an, comparés aux patients monotronculaires. Ce mauvais pronostic reflète-til une maladie plus diffuse et donc plus grave ? Est-il lié à un excès de complication de revascularisation où à l’absence de revascularisation de la lésion non coupable ? La revascularisation complète améliore le pronostic chez le coronarien stable, mais qu’en est-il dans le SCA ST+ ? Chez les patients sans choc cardiogénique ni ischémie persistante après angioplastie de l’artère coupable, est-il plus sûr de laisser une sténose coronaire serrée dans un territoire important ? Le risque de la procédure sur une artère non coupable est-il supérieur au bénéfice ? Un débat ouvert Plusieurs arguments plaident contre l’angioplastie des lésions non coupables lors de la procédure initiale. La sténose de l’artère non coupable peut être surestimée (spasme), et peut rarement bénéficier en phase aiguë d’une évaluation fonctionnelle par FFR, en raison des horaires souvent nocturnes des SCA ST+. L’angioplastie de la lésion non coupable peut aggraver l’hémodynamique du patient, par ischémie ou complications liées à l’inflation du ballon et aux complications potentielles dans un autre territoire que celui de l’infarctus (dissection, no-reflow, thrombose de stent). Le prolongement de la procédure peut aggraver l’inconfort du patient. L’excès de produit de contraste augmente le risque de néphrotoxicité. L’environnement prothrombotique et inflammatoire, la réalisation de la procédure en dehors des horaires ouvrables augmentent les risques de complication de la revascularisation de l’artère non coupable. Les conditions d’urgence dans lesquelles l’angioplastie de l’artère coupable est réalisée ne sont pas propices à la prise en compte de tous les éléments pouvant intervenir dans le choix d’un mode de revascularisation de patients pluritronculaires. Recommandations Jusqu’en 2013, les sociétés savantes ne recommandaient pas la revascularisation de la lésion non coupable lors de la procédure initiale chez les patients SCA ST+ stables après l’angioplastie de l’artère coupable. Ces recommandations reposaient sur les données de la littérature, démontrant une augmentation de la mortalité lorsque l’angioplastie de l’artère non coupable était réalisée lors de la procédure initiale. Dans la métaanalyse de Bayney (AHJ 2014), portant sur 46 324 patients inclus dans 26 études entre 2002 et 2011, la mortalité hospitalière était augmentée lorsque l’angioplastie de l’artère non coupable était réalisée lors de la procédure initiale (OR = 1,35) alors qu’elle était diminuée lorsqu’elle était réalisée de manière différée, lors de l’hospitalisation initiale (OR = 0,35 vs patients avec angioplastie uniquement de l’artère coupable). Les recommandations de l’ESC en 2012 étaient donc de limiter l’angioplastie à l’artère coupable de l’infarctus, à l’exception des patients en choc cardiogénique ou avec ischémie persistante après angioplastie de l’artère supposée coupable (classe IIa, niveau B). De même, les recommandations ACC-AHA de 2013 confirmaient que l’angioplastie pluritronculaire était contre-indiquée lors de la procédure initiale chez les patients avec SCA ST+ sans choc cardiogénique (classe III, niveau B).   Depuis 2014, les sociétés savantes ne contre-indiquent plus la revascularisation de la lésion non coupable chez les patients avec SCA ST+. Elle est indiquée dans les jours ou les semaines qui suivent l’angioplastie primaire chez les patients avec angor ou ischémie résiduelle (classe IIa, niveau B), et peut être réalisée lors de la procédure initiale chez certains patients sélectionnés (classe IIb, niveau B). De même, l’ACC modifie ses recommandations le 29 juin 2015, ouvrant la porte à une revascularisation complète lors de la procédure initiale. Ce revirement dans les recommandations des sociétés savantes repose sur plusieurs études publiées depuis 2013, randomisant angioplastie de l’artère coupable seule ou associée à la lésion non coupable, et retrouvant un bénéfice en faveur de la revascularisation complète (tableau). Dans DANAMI3 (Lancet 2015), l’angioplastie de l’artère non coupable était réalisée au moins 48 h après la procédure initiale, si la FFR était < 0,8. Aucune étude ne retrouvait de diminution du risque de décès cardiaque après angioplastie de l’artère non coupable. Le bénéfice était essentiellement lié à une diminution du nombre de nouvelles revascularisations pendant le suivi, ce qui signifie que la revascularisation initiale de la lésion non coupable diminue le risque de la revasculariser lors du suivi (résultat attendu). Seule l’étude PRAMI (NEJM 2013) retrouvait une diminution du risque de récidive d’infarctus. Chez les patients pluritronculaires avec ST+ et succès de l’angioplastie de l’artère coupable, le pronostic semble donc plus lié à la compliance au traitement et à la correction des facteurs de risque qu’à la revascularisation des lésions non coupables. Contre-indications Les facteurs contre-indiquant l’angioplastie de l’artère non coupable lors de la procédure initiale peuvent être liés au patient (réaction vagale avec hypotension et bradycardie, arythmies ventriculaires fréquentes, disparition totale de l’angor, insuffisance rénale connue), à la procédure sur la lésion coupable (longue et complexe, ayant nécessité beaucoup de produit de contraste, TIMI post-procédure < 3), et à la lésion non coupable (de sévérité et d’aspect non menaçant, territoire secondaire, complexe à type d’occlusion chronique ou de bifurcation). Plusieurs études en cours contribueront à mieux préciser la gestion des lésions non coupables dans le ST+. CulpritShock randomise chez 706 patients ST+ en choc cardiogénique l’angioplastie de l’artère coupable seule vs revascularisation complète immédiate. COMPLETE portera sur 3 900 patients ST+, angioplastie différée de l’artère non coupable vs traitement médical (suivi 4 ans). FLOWER-MI (PHRC 2015), évaluera chez 1 170 patients ST+ l’intérêt de l’angioplastie de l’artère non coupable réalisée après évaluation FFR. En attendant le résultat de ces études, il semble préférable chez les patients pluritronculaires ST+ de limiter les indications de l’angioplastie de l’artère non coupable lors de la procédure initiale d’angioplastie primaire aux patients en choc cardiogénique ou avec ischémie persistante après angioplastie de l’artère supposée coupable. Chez les autres patients, il est préférable dans la majorité des cas de la différer de quelques jours, avec évaluation fonctionnelle par FFR si la sténose est intermédiaire. En pratique L’angioplastie d’une sténose serrée de l’artère non coupable de l’infarctus est recommandée lors de la procédure initiale d’angioplastie primaire chez les patients ST+ en choc cardiogénique ou avec ischémie persistante après angioplastie de l’artère supposée coupable. Chez les autres patients, l’angioplastie des lésions non coupables peut aggraver le patient si elle est réalisée lors de la procédure initiale. Il est donc préférable dans la majorité des cas de la différer de quelques jours, après une évaluation fonctionnelle par FFR lorsque la sténose est intermédiaire.

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