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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 mar 2017Lecture 6 min

Fibrillation atriale : ablation ou non ?

Grégoire MASSOULLIÉ et Frédéric SACHER, Pessac

En France, 750 000 personnes sont atteintes par la fibrillation atriale. Le vieillissement de la population et la forte prévalence (supérieure à 10 % après 80 ans(1)) font de cette pathologie un problème majeur de santé publique. 

En 2016, le cardiologue doit considérer une approche thérapeutique globale, associant des règles hygiéno-diététiques ainsi que des traitements médicamenteux et interventionnels. Les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie en soulignent l’importance(2). Au-delà de la gestion du risque thromboembolique, le contrôle du rythme est un enjeu crucial afin d’améliorer la qualité de vie, les symptômes (palpitations, dyspnée) et la survenue de complications rythmiques (insuffisance cardiaque). Les antiarythmiques permettent de maintenir le rythme sinusal de 20 à 50 % des patients après un épisode de fibrillation atriale(3). Ils sont indiqués en première intention chez les patients symptomatiques. Ils sont associés à une surmortalité en absence de suivi des recommandations(4). Ils exposent à des complications pour 1/3 des patients(5), parfois sévères, propres aux molécules comme le sotalol (1 % de torsade de pointe(6)), ou l’amiodarone. L’ablation de la fibrillation atriale (FA) maintient plus efficacement le rythme sinusal que les antiarythmiques (89 % vs 23 %)(5-7). En 20 ans, elle a connu un développement considérable et a obtenu une place prépondérante dans les recommandations européennes et nord-américaines. Les symptômes demeurent la principale indication de cette procédure. À ce jour, l’ablation de la FA n’a pas montré de réduction de la mortalité ni du risque thromboembolique. Ainsi, les indications reposent sur la disparition des symptômes et l’amélioration de la qualité de vie dans les recommandations. À ce jour, l’ablation de la FA n’a pas montré de réduction de la mortalité ni du risque thromboembolique. L’arrêt des anticoagulants n’est donc pas une indication et dépend du score CHA2DS2-VASc.   Fibrillation atriale paroxystique   Depuis l’identification de foyers ectopiques initiateurs de la FA provenant des veines pulmonaires, leur isolation est la pierre angulaire de la prise en charge ablative(8). Elle permet de contrôler près de 70 à 80 % des patients présentant une FA paroxystique symptomatique réfractaire aux antiarythmiques. C’est une indication de classe I niveau A (tableau)(2). La radiofréquence permet une isolation guidée par cartographie tridimensionnelle, souvent antrale, limitant l’exposition à la fluoroscopie et le risque de sténose pulmonaire. L’essai STOP-AF puis FIRE and ICE(9) confirment la fiabilité et l’efficacité de la cryoablation (65,4 % vs 64,1 % à un an) dans cette indication. Le choix de la méthode dépend de l’électrophysiologiste et de l’anatomie du patient, bien que nous privilégiions la radiofréquence lorsque l’anatomie est complexe (veines surnuméraires). L’isolation des veines pulmonaires peut être proposée en première intention (IIa-B)(2) avec un taux de maintien en rythme sinusal de 85 % (71 % en cas de traitement médicamenteux) à 24 mois(10). Les sujets jeunes ou sportifs sans cardiopathie structurelle, selon leur motivation, peuvent éviter la prise d’un antiarythmique souvent mal toléré (sotalol), à risque d’arythmie à l’effort (flécaïnide). En cas de maladie rythmique de l’oreillette, l’ablation de la FA permet de surseoir à l’implantation d’un pacemaker (95 % des patients, suivi de 20 ± 9 mois)(11). La procédure d’ablation de la FA paroxystique associe un excellent taux de succès, surtout lorsque les crises n’excèdent pas 24 heures, et un faible risque de complications.   Fibrillation atriale persistante   L’ablation de la FA persistante reste un challenge. La description initiale de l’ablation par étape « Stepwise », basée sur l’isolation des veines pulmonaires, la défragmentation des oreillettes et les lignes de blocs (toit et mitral), est efficace avec un taux de succès de 65 % à 5 ans, souvent au prix de plusieurs procédures(12,13). L’impact de l’ablation au-delà des veines pulmonaires a été récemment remis en question par l’étude randomisée STAR-AF 2 dans laquelle l’adjonction de lignes et l’élimination de potentiels fragmentés ne sont pas supérieures à l’encerclement des veines (59 % vs 46 % vs 49 %)(14). La limite de cette approche réside dans la méthode de défragmentation dont la définition et le critère de succès est sujet à de nombreux facteurs confondants. Plus généralement, l’hétérogénéité des prises en charge, souvent dépendantes du centre, la difficulté de réaliser et confirmer des lésions transmurales et contiguës expliquent un taux de reconnexion des veines pulmonaires proche de 90 % et un taux de succès suboptimal après une procédure (< 60 % de maintien en rythme sinusal)(11). Le développement de nouveaux outils comme la cartographie non invasive de surface des régions réentrantes de l’oreillette(15), algorithme de cartographie endocavitaire, la standardisation des méthodes d’ablation de la FA devraient faciliter ces procédures difficiles. Le taux de succès de l’ablation dépend de facteurs qui peuvent être évalués avant l’ablation. Il n’existe pas de score de risque mais la récidive est multiplié par 2 lorsque la FA évolue depuis plus de 18 mois, en cas de cardiopathie structurelle et de dilatation antéro-postérieure de l’oreillette gauche supérieure à 50 mm, et par 4 en l’absence de conversion du rythme au cours de l’ablation(12). D’autres comorbidités comme l’apnée du sommeil, le diabète et l’obésité sont associées à un risque élevé de récidive et doivent donc être traitées. L’ensemble de ces éléments est à prendre en compte avant de décider d’une ablation de FA et nécessite une évaluation clinique et paraclinique rigoureuse.   Insuffisance cardiaque   Le maintien en rythme sinusal par antiarythmique n’a pas montré de supériorité dans l’insuffisance cardiaque avec dysfonction ventriculaire gauche(16). Néanmoins, l’analyse en sous-groupe d’AFFIRM montre que le rythme sinusal et non la présence d’antiarythmique est associé à une amélioration de la survie(17). L’étude PABA(18) comparant ablation du nœud atrioventriculaire et resynchronisation cardiaque à la prise en charge ablative de la FA persistante (FEVG < 40 %) retrouve une amélioration de la qualité de vie, de la FEVG (35 % vs 28 %) et des capacités fonctionnelles. De plus, l’ablation de la FA persistante comparée à l’amiodarone est associée une diminution de la mortalité (8 % vs 18 %, p = 0,037)(19). Les patients insuffisants cardiaques avec dysfonction ventriculaire gauche bénéficient d’une stratégie de maintien du rythme sinusal par ablation évitant l’utilisation d’antiarythmique. Cette stratégie est d’autant plus intéressante qu’il existe une cardiopathie rythmique, secondaire à la FA, d’excellent pronostic une fois le rythme sinusal rétabli.   Ablation chirurgicale   Les cas les plus difficiles nécessitent souvent plusieurs procédures, longues et avec un taux de récidive souvent supérieur à 50 %. Technique pionnière, la chirurgie de la FA(20) a évolué. Au cours d’une chirurgie cardiaque, une procédure conventionnelle de Maze est à considérer (IIa-A) lorsqu’il existe un antécédent de FA, notamment de valvulopathie. L’ablation par minithoracotomie épicardique a renouvelé l’intérêt de l’ablation qui peut être proposée en cas d’échec d’une prise en charge endocavitaire (IIa-B). La Meir et coll. ont comparé l’approche chirurgicale mini-invasive seule au traitement hydride, associant chirurgie de la FA à l’abord endocavitaire classique avec un taux de succès de 91 % et 82 % à 1 an y compris en cas de FA persistante (87 % vs 100 %) et malgré une dilatation significative des oreillettes (52 mm vs 42 mm)(21). Ces indications relèvent d’une discussion pluridisciplinaire associant cardiologues, électrophysiologistes, chirurgiens au sein d’une équipe dédiée à la fibrillation atriale. Il apparaît essentiel de sensibiliser nos chirurgiens cardiaques à ce problème. Ils ont accès à des outils efficaces pour réaliser simplement une ablation per-opératoire malheureusement souvent oubliée.   Complications   L’ablation de la FA par cathétérisme expose à 1-5 % de complications, la plupart per- et postprocédurales immédiates. Rarement mortelles (< 0,1 %), elles sont en constante diminution, notamment dans les centres à haut volume d’activité. Les plus fréquentes sont les complications aux abords vasculaires (2-4 %), l’épanchement péricardique et la tamponnade (1-2 %), les accidents ischémiques embolique cérébraux (1 %), l’insuffisance cardiaque secondaire aux apports des irrigations des cathéters. Une paralysie phrénique souvent transitoire peut survenir plus fréquemment avec la cryoablation (2,7 % vs 0,1 %) par sa proximité anatomique du nerf des veines droites, ou de l’auricule gauche. La sténose des veines pulmonaire (< 0,1 %) est devenue rare avec l’utilisation des outils de cartographie tridimensionnelle qui facilitent une ablation au large des ostiums. La perforation œsophagienne, bien qu’exceptionnelle, a un pronostic sombre (1 procédure sur 2 500, 50 % de décès).     En pratique   L’ablation de la fibrillation atriale est une thérapie efficace du contrôle du rythme chez les patients symptomatiques. Elle permet un maintien en rythme sinusal supérieur aux antiarythmiques et expose à un taux faible de complications. Son indication nécessite une évaluation globale des patients et une mise à plat des objectifs. À ce jour, l'arrêt du traitement anticoagulant ne peut pas être considéré, à lui seul, comme une indication de l'ablation de fibrillation atriale. Le développement de nouvelles technologies et les résultats des études de morbimortalité en cours pourraient élargir ses indications. Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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