Publié le 15 mar 2017Lecture 5 min
AOD : des preuves d’aujourd’hui aux attentes de demain
Michèle DEKER
Le développement des anticoagulants oraux directs (AOD) est loin d’être achevé. Il reste en effet de nombreux champs de recherche dans la fibrillation atriale (FA), la maladie coronaire, les procédures interventionnelles et l’embolie pulmonaire. Il reste aussi à améliorer l’observance du traitement, élément clé de l’efficacité du traitement anticoagulant.
Mono- ou bi-prise ?
L’adhésion thérapeutique est un processus dynamique qui évolue dans le temps et que l’on peut décrire en trois étapes : après la prescription, initiation du traitement par le patient, puis implémentation du régime thérapeutique, ce qui peut être complexe en cas de polymédication, puis persistance. Certains patients ne débutent pas le traitement, d’autres oublient des doses ou prennent des doses supplémentaires, d’autres l’arrêtent. Le gold standard de la mesure de l’implémentation thérapeutique est le monitoring électronique. Le niveau d’implémentation influe sur la pharmacocinétique du médicament. Il faut donc prendre en compte la variabilité thérapeutique dans la prise en charge de patients, ce qui est particulièrement critique pour les anticoagulants.
Les différents AOD ont des durées de vie relativement similaires ; certains sont prescrits en monoprise, d’autres en bi-prise quotidienne. Concernant l’apixaban, le choix s’est porté sur la biprise, qui permet de réduire la variabilité d’exposition au traitement. En outre, il a été montré qu’un oubli de dose en monoprise aurait davantage d’impact pharmacocinétique que 3 oublis de doses en bi-prise pour la même molécule d’AOD.
La persistance sous traitement est meilleure avec les AOD que les AVK ; elle augmente avec le CHA2D2S-VASc. Toutefois, elle n’est que de 50 % à 1 an. Pour l’améliorer, il faudra probablement inclure une mesure de l’adhésion au traitement.
AOD : un nouveau standard dans l’embolie pulmonaire
Plusieurs options thérapeutiques sont disponibles dans la prise en charge de l’embolie pulmonaire (EP) : traitement héparinique suivi d’un relais précoce par AVK ; un AOD d’emblée à dose intensive pendant les 3 premières semaines (rivaroxaban) ou les 2 premières semaines (apixaban) suivies d’une dose d’entretien. Ce deuxième schéma thérapeutique ne peut être implémenté qu’après évaluation et stratification de l’EP sur la base de la PAS, du score PESI simplifié, de l’existence d’une dysfonction VD et des biomarqueurs. Les patients qui ne sont pas en état de choc mais avec un score PESI > 0, sont mis sous traitement injectable dans un premier temps puis sous traitement oral et surveillés comme les patients en état de choc. Les AOD à dose forte sont indiqués d’emblée chez les patients à faible risque (PESIs = 0) et les patients à risque intermédiaire faible (PESIs > 0).
En janvier 2016, l’ACCP a modifié ses recommandations en proposant les AOD en 1re intention (grade IIB).
À long terme se pose la question de la durée du traitement. En cas d’EP consécutive à une TVP provoquée, un traitement de 3 mois fait consensus. En cas d’épisodes récidivants non provoqués, le traitement doit être prolongé sur une durée non limitée. En effet, il a été montré que le traitement prolongé (24 mois) permet une réduction du risque de récidive de 90 % comparativement à un traitement de 6 mois. À l’arrêt du traitement, il existe un effet rebond avec une augmentation des récidives et le bénéfice initialement observé disparaît, quelle que soit la durée du traitement. Il n’existe donc que deux options en théorie : soit une durée courte de traitement : 3 à 6 mois, soit une durée illimitée, à condition que le risque hémorragique soit relativement faible. Toutefois, un tiers seulement des patients bénéficieront d’un traitement de durée illimitée, et il reste à mieux les caractériser. Certains facteurs de risque de récidive doivent être pris en compte : les hommes récidivent davantage que les femmes ; des événements mineurs (telle une immobilisation pour entorse) augmentent le risque ; le syndrome des antiphospholipides et le déficit en antithrombine justifient d’un traitement prolongé. Aucun score clinique n’est validé ; les D-dimères ne sont pas discriminants. Enfin, la présentation clinique de la récidive sera dans 80 % des cas une EP si le premier épisode était une EP (une TVP s’il s’agissait d’une TVP), ce qui peut inciter à prolonger le traitement. Il restera aussi à évaluer la dose optimale d’entretien dans les traitements de très longue durée.
Quels développements dans le futur ?
La cardioversion est un problème quotidien pour le cardiologue. Sur la base des données métaanalytiques qui montrent la noninfériorité des AOD comparativement à la stratégie habituelle d’anticoagulation et l’absence de signal d’un sur-risque hémorragique, les recommandations ont mis les AOD sur le même plan que la stratégie standard. Une étude est en cours avec l’apixaban, EMANATE, qui teste chez 1 500 patients l’apixaban 2,5 ou 5 mg x 2/j versus traitement standard dans la cardioversion précoce, sur les critères de jugement AVC, embolie systémique, décès, saignements majeurs et non significatifs.
Pour l’ablation dans la FA, les métaanalyses ne montrent pas de risque accru sous traitement AOD comparativement aux AVK. Plusieurs études sont en cours : ELIMINATE-AF avec l’edoxaban, RE-CIRCUIT avec le dabigatran, AXAFA et AEIOU avec l’apixaban, cette dernière comparant l’interruption versus non-interruption du traitement. D’autres études évaluent les AOD dans le contexte de la maladie coronaire afin de préciser la durée de la trithérapie et la bithérapie optimale. Après PIONEER AF-PCI dont les résultats ont été présentés à l’AHA, sont attendues les études Re-DUAL avec le dabigatran, ENTRUST AFPCI avec l’edoxaban, GEMINI ACS-1 avec le rivaroxaban et AUGUSTUS avec l’apixaban.
Il en est de même dans le TAVI, notamment l’étude ATLANTIS qui comporte deux bras selon que le patient a ou non une indication d’anticoagulation et compare l’apixaban aux AVK. Enfin, les études ARTESIA et ATTICUS visent à répondre aux questions posées par la FA occulte retrouvée dans 20 à 30 % des AVC cryptogéniques (quand et comment la rechercher ? Est-elle responsable de l’accident ischémique ? Faut-il la traiter par anticoagulant oral ?) en évaluant l’apixaban versus aspirine.
D’après un symposium BMS/Pfizer : « Les anticoagulants oraux directs : des preuves d’aujourd’hui aux attentes de demain » avec la participation de B. Vrijens, F. Couturaud, G. Lip et A. Cohen
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