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Cardiologie générale

Publié le 15 mai 2017Lecture 7 min

Agressivité des patients : que faire ?

Lucile MONTALESCOT, Christel VIOULAC Psychologues, Laboratoire de psychopathologie et processus de santé, Université Paris Descartes, USPC

Nous souhaitons aider les soignants à analyser et faire face à l’agressivité qu’ils peuvent rencontrer avec certains patients et familles. Il met en avant les facteurs dont dépend la relation soignant-soigné, avant de donner des clés pour prendre le recul nécessaire face à une telle situation et ajuster son comportement verbal et non verbal afin d’apaiser ou d’éviter les conflits.

De quoi dépend la relation soignant-soigné ? La relation soignant-soigné entraîne régulièrement des interactions, pouvant déboucher parfois sur des conflits. Cela peut découler de plusieurs facteurs (figure 1). En effet, du côté du patient ou de sa famille, plusieurs éléments peuvent engendrer ou majorer une agressivité : l’incompréhension, la peur, la colère face à ce qui lui arrive, l’injustice, l’impuissance, la perte de contrôle, etc. De même, le soignant peut lui aussi être soumis au stress, à l’épuisement, aux problèmes institutionnels, etc. Ainsi, il est important de pouvoir se poser la question suivante : « Qu’est-ce qui peut être difficile pour ce patient ou cette famille à ce moment précis ? ». Face à un patient agressif, il convient de s’interroger sur les facteurs à l’origine ou permettant le maintien de cette agressivité, et de garder à l’esprit qu’elle peut dépendre de plusieurs facteurs. Nous décrirons ici les outils que le soignant a à sa disposition pour éviter ou apaiser l’agressivité chez un patient ou sa famille. Figure 1. Facteurs interactifs. 4 façons pour faire face à l’agressivité Nous sommes tous confrontés, dans notre quotidien, à des comportements agressifs : désaccord au travail, incivilités dans les transports, disputes avec la famille, etc. Face à ces situations, et sans y prêter une attention particulière, nous avons tendance à adopter un comportement « automatique ». C’est notre façon habituelle de faire face à l’agressivité. Nous pouvons distinguer quatre façons de faire face : - (1) la soumission consiste à se protéger d’un danger en s’échappant de la situation ou en se retirant du conflit en acceptant les conditions de l’autre à ses propres dépens ; - (2) à l’inverse, la domination consiste à chercher à prendre/reprendre l’ascendant sur l’autre pour arriver à ses fins, aux dépens d’autrui ; - (3) la manipulation, quant à elle, vise à dominer l’autre de façon détournée, par la ruse, la séduction. Ces trois manières de faire face peuvent détériorer les relations et l’estime des individus (e.g. ressentiment, agressivité, etc.) ; - enfin, (4) l’affirmation de soi est une attitude qui permet de faire passer un message désiré, sans agressivité ni passivité. Nous développerons ce point plus bas, dans une partie dédiée. • Des facteurs de stress, pour le patient, comme pour les soignants peuvent entraîner des conflits dans leurs relations. • Chacun possède sa manière de faire face aux conflits mais elle peut être modifiée et ajustée. Face à un patient agressif… Proxémie La proxémie désigne la distance physique qui s’établit entre les personnes dans une interaction, selon la nature de leur relation et le contexte dans lequel cette interaction survient (figure 2). Par exemple, la sphère sociale correspond à la distance idéale pour des échanges avec un groupe de collègues. Ces distances peuvent varier selon l’individu, sa culture et son histoire. Lors des soins, le soignant est obligé de rentrer dans la sphère intime du patient, de toucher son corps. Il s’agit de la distance d’ordinaire réservée aux proches de confiance, comme par exemple le partenaire. Ainsi, c’est une sphère qui nécessite habituellement le consentement de la personne concernée avant d’y entrer. Pour les soins, il est important de pouvoir demander aux patients cet accord avant d’agir. Cela peut permettre d’instaurer une relation de confiance et de désamorcer d’éventuels conflits. Néanmoins, dans le cadre des soins, il est parfois impossible de demander l’autorisation du patient. Dans ces cas-là, il est d’autant plus important d’expliquer ce qui se passe, les gestes lors du soin et leurs buts. Comme nous l’avons vu précédemment, un des facteurs pouvant augmenter l’agressivité des patients est la perte de contrôle et le manque d’information. Ces informations pendant le soin peuvent aider à diminuer cette anxiété et, encore une fois, créer et maintenir une relation de confiance. Au-delà de la distance, c’est l’attitude non verbale à laquelle il faut être attentif. En effet, lors des soins, le patient est bien souvent allongé ou assis alors que le soignant est debout. Dans cette situation, le patient est dans une position très vulnérable ce qui crée une inégalité dans les rapports de force. Communiquer sur ses actes avec le patient peut permettre de diminuer ce sentiment. Figure 2. Proxémie. Prise de recul Comme nous avons pu le voir, un comportement agressif chez un patient peut dépendre de plusieurs éléments. Avoir conscience de ces différents points peut permettre de mieux appréhender une situation agressive : outre la colère, quelles émotions le patient peut ressentir à ce moment précis ? Le patient a-t-il fait face à des difficultés dans son parcours de soins avant d’arriver ici ? Ma « réponse automatique » est-elle adéquate dans cette situation ? Les soins peuvent-ils être perçus comme menaçants par le patient ? Face à une situation agressive, la communication a une grande importance. Comme mentionné plus haut, communiquer lors de soins peut aider le patient à mieux comprendre la situation et ainsi apaiser certaines réponses émotionnelles. Le contenu de la communication va aussi avoir une grande importance. Parfois, nous pouvons avoir tendance à penser nos réponses sans forcément tenir compte de ce que dit le patient, par automatisme bien souvent. Les réponses risquent ainsi d’être sur un autre niveau par rapport à ce que dit le patient, par exemple en cherchant à rassurer le patient sur la gravité de sa maladie alors qu’il s’inquiète de son impact sur son avenir professionnel. Il convient donc de se questionner sur ce qu’il se dit : est-on en train de parler de la même chose ? Est-ce que je comprends bien ce que le patient veut me dire ? Est-ce qu’il comprend ce que je veux lui dire ? Questionner cette compréhension mutuelle peut éviter des malentendus qui, à terme, peuvent être générateurs de conflits. Affirmation de soi L’affirmation de soi, aussi appelée assertivité, est une manière de communiquer qui permet de s’exprimer et défendre ses droits sans empiéter sur ceux des autres. Elle consiste à s’exprimer directement, sans détour, de manière honnête et appropriée. Cela permet notamment d’augmenter la confiance en soi chez le soignant qui l’utilise, et chez le patient, cela génère le sentiment d’être respecté. À terme, l’affirmation de soi améliore les relations interpersonnelles. En pratique, l’assertivité peut s’adopter grâce à différentes tournures de phrases et attitudes. Le premier point est l’usage du « Je » au lieu du « nous/on » ou du « vous/tu ». Cela permet d’exprimer ses propres pensées et émotions et d’éviter que l’autre se sente « pointé du doigt » (e.g. « Je me sens agressé » vs « Vous m’agressez »). Le deuxième point important est de reprendre le contexte dans lequel survient le comportement agressif afin, ensuite, d’expliquer les conséquences d’un tel comportement, notamment sur soi. Cela permet d’exprimer ce que nous préférerions qu’il se passe. Ainsi, nous pouvons construire une phrase de ce type : « Quand… les conséquences sont… je ressens… je préférerais… ». Par exemple, « Quand vous haussez le ton, je ne peux pas répondre à vos questions et j’ai l’impression que c’est assez agressif, j’aimerais bien que nous puissions parler ensemble calmement ». À partir de ce type d’affirmation dite « de base », nous pouvons construire d’autres manières de s’affirmer selon la situation. C’est notamment le cas de l’affirmation empathique. Cette dernière va viser avant tout à reconnaître honnêtement les émotions ressenties par autrui avant d’expliquer les conséquences de son comportement. Ainsi, face à un patient en colère, pouvoir lui dire « Vous avez tout à fait raison d’être énervé » et reconnaître les raisons de cette émotion, peut désamorcer cette colère. En effet, le patient étant validé dans ses émotions, son mécontentement va pouvoir diminuer. Le soignant de son côté, au lieu de se poser en opposition avec le patient, va se positionner à ses côtés et ne plus être la cible de sa colère. Au contraire, une injonction du type « Calmez-vous », banalisant le ressenti du patient peut avoir l’effet inverse de celui escompté. Face à un patient ou une personne qui insiste pour obtenir quelque chose que le soignant ne souhaite ou ne peut pas lui donner, il existe la technique dite du « disque rayé ». Il s’agit de rester calme et de répéter la raison pour laquelle ce qu’il demande n’est pas réalisable et ce, autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que la personne arrête d’insister. Enfin, lorsque les patients dépassent les limites établies par la loi ou par les règles du vivre ensemble, il convient alors de rappeler l’engagement initial et/ou la réglementation, mettre en avant les faits qui vont à l’encontre de ces derniers puis de préciser les attentes que nous avons face à une telle situation. • Prendre du recul sur la situation, l’analyser pour comprendre le patient et nos propres réactions. • Adapter notre attitude, notre position, nos paroles. • S’affirmer sans être agressif en retour. En pratique L’agressivité peut être délétère pour la relation soignant-soigné, et entraîner des difficultés pour le soignant (stress, épuisement, etc.) et le patient (stress, mauvais suivi de la prise en charge, perte de confiance dans le corps soignant). Chercher à mieux comprendre ces attitudes agressives et leurs conséquences est aussi bénéfique pour le patient que pour le soignant, le « soignant » pouvant désigner autant un individu que le corps soignant de façon plus générale. Il existe cette « boîte à outils » à la disposition de tous pour faire face à ces conflits, aussi bien au niveau de l’analyse de la situation que de l’attitude verbale et non verbale. Chacun possède ces ressources, il faut simplement réussir à les identifier et à les développer.  

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