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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 nov 2017Lecture 8 min

ESC - L’insuffisance cardiaque à l’honneur

Michel GALINIER, CHU Rangueil, Toulouse

Les progrès du traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite se poursuivent. À Barcelone, en l’absence de présentation d’essais thérapeutiques, c’est sa prise en charge rythmique qui a tenu l’affiche avec les résultats de l’étude CASTLE-AF.

Insuffisance cardiaque et fibrillation atriale   La prise en charge thérapeutique de la fibrillation atriale au cours de l’insuffisance cardiaque demeurait incertaine, deux attitudes étant possibles, le contrôle du rythme ou le simple de la fréquence cardiaque. Jusqu’à présent, la stratégie de contrôle du rythme ne s’était pas révélée supérieure à celle du contrôle de la fréquence pour réduire la morbimortalité au cours de l’insuffisance cardiaque(1), où seule l’amiodarone peut être utilisée en raison des effets pro-arythmogènes ou inotrope négatif des autres antiarythmiques(2). L’utilisation des techniques d’ablation semblait donc séduisante, le retour en sinusal étant associé à une augmentation de la fraction d’éjection, à une amélioration de la qualité de vie et de la performance à l’effort.   AATAC-HF   Au cours de cette étude(3), ayant inclus 203 patients présentant une FA persistante et une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFEr, FE < 40 %) en stade III de la NYHA, appareillés d’un défibrillateur automatique implantable avec ou sans resynchronisation, naïfs d’amiodarone ou sous une faible dose de cet antiarythmique, l’ablation des veines pulmonaires associées dans 80 % de ces cas à la réalisation de lignes additionnelles, dont une deuxième procédure était autorisée dans les 3 mois suivant la première, en comparaison au traitement par amiodarone, après un suivi de 1 à 6 mois, a diminué de 2,5 fois le risque de récidive de fibrillation atriale, qui était le critère primaire, le maintien en rythme sinusal étant associé à un gain de 9,6 % de la fraction d’éjection. De plus avait été observée dans le groupe ablation une diminution significative du risque d’hospitalisation urgente de -45 % et du risque de décès de -50 % qu’il restait à confirmer par un essai spécifique, ce qui a justifié à la réalisation de l’étude CASTLE-AF présentée à Barcelone.   CASTLE-AF   Cet essai a inclus 363 patients présentant une ICFEr (FE ≤ 35 %) en classe II ou plus de la NYHA et une fibrillation atriale symptomatique, paroxystique ou persistante, après échec ou intolérance d’un antiarythmique, implantés d’un défibrillateur automatique, avec ou sans stimulation multisite, suivis par télésurveillance à domicile. Après randomisation, 179 patients ont été traités par ablation, comportant systématiquement une isolation des veines pulmonaires associée ou non à d’autres lésions additionnelles selon la décision de l’opérateur, procédure pouvant être répétée en cas de récidive, et 184 par traitement conventionnel. Il s’agissait de patients relativement jeunes, 62 ans en moyenne, le plus souvent en stade II de la NYHA, présentant majoritairement une fibrillation atriale persistante, très bien traités, recevant très souvent de l’amiodarone. Après un suivi médian de 37,8 mois, le critère primaire, associant les décès totaux et les hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque, est significativement réduit de 38 % dans le groupe ablation, réduction portant autant sur la mortalité toutes causes (-47 %) que sur les hospitalisations (-44 %) (figure 1). Figure 1. Étude CASTLE : critère principal de jugement (mortalité et hospitalisation pour insuffisance cardiaque). Parmi les critères secondaires, on observe une réduction significative de 51 % de la mortalité et de 28 % des hospitalisations cardiovasculaires. Ce bénéfice est associé à une majoration de la fraction d’éjection de 5 % la première année et de 8 % à la fin de l’étude et à une diminution d’environ 50 % de la charge en fibrillation atriale qui se maintient au long cours, avec un suivi pouvant atteindre 5 ans (figure 2). L’analyse en sous-groupe révèle l’homogénéité des résultats, notamment quels que soient la classe de la NYHA ou le type de FA. Les effets secondaires sont attendus et rares, avec dans le groupe ablation 3 épanchements péricardiques, 3 hématomes sévères mais moins d’AVC. Figure 2. Étude CASTLE : charge de FA issue de l’interrogation des DAI. Cette petite étude par le nombre de patients inclus, confirmant les données de l’essai AATAC-HF, en démontrant une amélioration considérable du pronostic des patients présentant une ICFEr et une FA après ablation par radiofréquence, pourrait bouleverser nos pratiques à condition d’une bonne sélection des patients à qui proposer une telle procédure. Dès à présent, une méthode ablative peut être proposée précocement, sans attendre, à la différence des patients non insuffisants cardiaques, l’échec du traitement antiarythmique, chez deux types de patients présentant une ICFEr et une FA paroxystique ou persistante, ceux chez qui on découvre de manière concomitante ces deux pathologies et donc suspect de tachycardiomyopathie, dont la maladie régressera avec le retour en rythme sinusal, et les patients connus porteurs d’une dysfonction ventriculaire gauche dont l’état clinique s’aggrave lors d’un passage en FA pour enrayer le cours évolutif de la maladie. Les centres d’insuffisance cardiaque et de rythmologie doivent donc plus que jamais travailler de concert et confirmer ces premières données par un essai thérapeutique d’envergure.   Traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite   Si aucun progrès thérapeutique marquant n’est venu éclairer ce congrès, le registre QUALIFY(4) présenté par M. Komajda souligne une nouvelle fois l’importance du suivi des recommandations et de l’optimisation des posologies des traitements. Dans cette cohorte internationale de 6 744 patients présentant une ICFEr (FE < 40 %), inclus par 547 cardiologues entre septembre 2013 et décembre 2014, si le taux de prescription des différentes classes thérapeutiques était très bon, le taux de prescription d’une dose > 50 % de la posologie cible n’était que d’environ 50 %. L’adhésion des médecins aux recommandations, qui préconisent de majorer les traitements jusqu’à la dose maximale tolérée, a été classée en 3 catégories pour chacune de 5 classes thérapeutiques recommandées, 1 si prescrit à plus de 50 % de la dose maximale, 0 si non prescrit, 0,5 entre les deux, l’existence d’une contre-indication à un traitement étant bien sûr prise en compte. Pour chaque patient, le score global était le ratio entre le score constaté et le score théorique. Une association a été établie entre le score et le devenir des patients en termes de mortalité et de réhospitalisation, avec un meilleur pronostic pour les patients avec un bon score d’observance des recommandations et un plus mauvais pronostic pour ceux avec un faible score (figure 3). Figure 3. Registre QUALIFY : mortalité toutes causes. Ces résultats confirment l’importance de non seulement introduire les classes thérapeutiques recommandées mais également de titrer la dose. Les différentes stratégies pour aboutir à ce résultat, allant des cliniques d’insuffisance cardiaque à la délégation de tâches à des infirmières formées, en passant par la télésurveillance, méritent d’être explorées.   L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection intermédiaire   Les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie ont créé une nouvelle entité, l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection intermédiaire entre 40 et 50 %. Si le but en est louable, inciter à la réalisation d’essais thérapeutiques pour ces patients qui faute d’études antérieures sont exclus des algorithmes de prise en charge actuels portant sur les insuffisances cardiaques à fraction d’éjection réduite (ICFEr, FE < 40 %) ou préservée (ICFEp, FE > 50 %), le résultat pourrait s’avérer à terme décevant. En effet, ce groupe de patients, qui ne correspond pas à une réalité physiopathologique, s’avère très disparate et les premières études le concernant sont divergentes. Pour certains, il s’apparente plus d’un point de vue phénotypique et pronostique à l’ICFEp(5), pour d’autres à l’ICFEr. Ceci pourrait être dû au fait que la FE ventriculaire gauche est fluctuante dans le temps et cette phase intermédiaire pourrait être une forme de passage à double sens. Des patients avec une ICFEp en cas d’aggravation de leur maladie, notamment s’il s’agit d’une coronaropathie, pourraient devenir à FE intermédiaire, alors que ceux en ICFEr en améliorant leur dysfonction hémodynamique et myocardique sous l’effet du traitement pourraient, du moins transitoirement, devenir à FE intermédiaire. Plusieurs travaux présentés à l’ESC ont essayé de mieux cerner ce groupe de patients qui représente environ 20 % des insuffisants cardiaques. Dans le registre FRESH (A4400), une analyse intermédiaire suggère davantage de proximité phénotypique entre les patients à FE intermédiaire et ceux avec ICFEr que ceux en ICFEp, notamment pour l’âge et l’étiologie de la cardiopathie, volontiers ischémique. Néanmoins le pronostic des patients en ICFEi est meilleur que ceux des patients en ICFEr (OR = 0,53, IC95% : 0,29-0,95) ou en ICFEp (OR = 0,56, IC95% : 0,28-1,15) (figure 4). Dans un registre suédois (A2058), la valeur pronostique des taux de peptides natriurétiques de type B a été apprécié dans les 3 types d’insuffisance cardiaque. Dans l’ICFEi, les taux de NT-proBNP sont moins associés à l’âge ou à l’index de masse corporelle que dans l’ICFEr et sa valeur pronostique est plus pertinente (OR = 2,00 ; IC95% : 1,71-2,34) que dans l’ICFEr (OR = 1,48 ; IC95% : 1,36-1,61), proche de celle de l’ICFEp (OR = 1,86 ; IC95% : 1,58-2,18) (figure 5). Enfin, chez les sujets asymptomatiques (A2060) présentant une FE intermédiaire, la présence d’une dysfonction diastolique échographique constitue un critère de gravité. Figure 4. Courbes actuarielles de survie selon la catégorie de FEVG dans le registre FRESH. Figure 5. Courbes actuarielles de survie selon la catégorie de FEVG et le taux de NT-proBNP dans le registre suédois. Concernant le traitement de l’ICFEi, une métaanalyse des données individuelles des 11 grands essais randomisés des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque (ANZ, BEST, CAPRICORN, CHRISTMAS, CIBIS 1 et 2, COPERNICUS, MDC, MERIT, SENIORS, US-HF), portant sur 18 637 patients, a pu analyser les données de 721 sujets présentant une ICFEi et 317 patients une ICFEp. Le bénéfice sur la mortalité des bêtabloquants semble assez superposable en cas d’ICFEi à celui obtenu en cas d’ICFEr mais il n’y a plus aucun bénéfice en cas d’ICFEp (figure 6). Figure 6. Effet des bêtabloquants chez les patients en rythme sinusal au cours de l’insuffisance cardiaque selon la valeur de la fraction d’éjection. Comme cela avait été déjà rapporté, la présence d’une fibrillation atriale, qui intéresse 3 640 patients, semble annuler tout bénéfice du traitement bêtabloquant et ce, quelle que soit la valeur de la FE ventriculaire gauche. Les auteurs ont de plus analysé l’évolution de la FE ventriculaire gauche plusieurs mois après l’inclusion, quand celle-ci était disponible, et montrent qu’une amélioration de la FE est présente aussi bien dans l’ICFEr que dans l’ICFEi, inversement proportionnelle à la sévérité initiale de l’altération de la FE (figure 7). Ces données suggèrent que les patients atteints d’ICFEi pourraient bénéficier du traitement bêtabloquant comme ceux porteurs d’une ICFEr à la différence des patients présentant une ICFEp. Figure 7. Variation de la FEVG au cours de l’insuffisance cardiaque selon la valeur initiale de la fraction d’éjection.

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