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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 déc 2017Lecture 6 min

Le syndrome de Brugada en pratique : du diagnostic au traitement

Jean-Baptiste GOURRAUD, Aurélie THOLLET, Vincent PROBST, Institut du Thorax, Inserm, CNRS, Université de Nantes, CHU de Nantes

Le syndrome de Brugada (SBR) est une arythmie cardiaque héréditaire rare, responsable de mort subite. Malgré l’absence de cardiopathie structurelle identifiable, cette pathologie prédispose à la survenue de fibrillation ventriculaire(1). Elle touche principalement des individus d’âge moyen (45 ans au diagnostic) avec une prévalence 8 fois plus élevée chez les hommes malgré un mode de transmission autosomique dominant(2,3).

Le diagnostic est basé sur la présence d’un aspect ECG typique, mais très labile, dans les dérivations précordiales droites(4). La reconnaissance précoce de cet aspect est primordiale pour prévenir la survenue d’une mort subite qui peut survenir avant tout autre symptôme(2). Pour autant, malgré une prévalence de 1/2 000 dans la population générale, l’impact réel de ce syndrome dans la mort subite globale reste incertaine(5). En l’absence de dépistage familial systématique, il est effectivement impossible d’affirmer a posteriori l’existence d’un syndrome de Brugada en cas de mort subite inexpliquée(6). Une fois le diagnostic établi, la seule prise en charge efficace face à la survenue d’une mort subite reste l’implantation d’un défibrillateur. Du fait des complications fréquentes de ce matériel, particulièrement chez des sujets jeunes, et d’un risque de mort subite parfois très faible, la décision d’implantation demeure souvent difficile(2,7). Elle soulève toute la difficulté de la stratification du risque rythmique et de ses conséquences sur la prise en charge des patients. Nous discuterons l’analyse de l’ensemble de ces données au regard des dernières recommandations de prise en charge. Figure 1. ECG avant (gauche) et après (droite) injection d’ajmaline chez un patient atteint de syndrome de Brugada. Notez l’élévation du point J dans les dérivations précordiales droites avec aspect convexe du segment ST. (Modifié d’après Gourraud JB et al. Front Cardiovasc Med 2016 ; 3 : 9(3)). Diagnostic   Le diagnostic repose sur l’aspect ECG typique associant une élévation du point J de plus de 0,2 mV avec un sus-décalage du segment ST convexe vers le haut suivi d’une onde T négative dans au moins une dérivation droite(8). Ces anomalies sont variables dans le temps (50 % des patients atteints ont un ECG de base normal) et sont plus facilement visibles au troisième ou au deuxième espace intercostal(8,9). Cependant, l’aspect typique peut être démasqué par l’utilisation de tests utilisant l’injection de drogues bloquant le canal sodique telles que l’ajmaline ou la flécaïne(8). L’ajmaline devrait être utilisée de préférence du fait du moindre risque de faux négatif(10). Bien que la valeur du dépistage réalisé dans la population générale reste incertaine (absence de faux positif non démontrée), son intérêt est majeur dans le dépistage familial d’un syndrome de Brugada et d’une mort subite inexpliquée du sujet jeune(6). Dans ce contexte, peu de complications sont observées pendant le test mais la gravité de celles-ci, les difficultés d’interprétation et l’incertitude concernant les critères d’arrêt (absence de valeur des critères classiquement décrits) justifient sa pratique dans des centres experts. La génétique enfin peut aider au diagnostic, notamment par l’identification de mutation dans le gène SCN5A(11). Cependant, du fait d’un modèle génétique complexe, non mendélien, impliquant des variants génétiques rares et fréquents, celle-ci ne suffit pas à établir le diagnostic(3,11,12).   Stratification du risque rythmique   La seule thérapeutique ayant démontré son efficacité est la mise en place d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) chez les patients pour lesquels le risque rythmique est considéré comme élevé(8). Cependant l’implantation d’un DAI comporte ses propres risques avec en particulier un risque de chocs inappropriés (3,5 % par an) et de rupture de sonde (30 % à 10 ans)(13,14). Dans ce contexte, l’identification de facteurs de risque rythmique est primordiale. Parmi les multiples paramètres étudiés et identifiés dans le syndrome de Brugada, seuls trois apparaissent à l’heure actuelle réellement pertinents en pratique clinique (tableau). L’identification préalable d’une arythmie ventriculaire (prévention secondaire) est fortement associée à un risque ultérieur de récidive. Les patients ayant présenté une mort subite cardiaque comme premier symptôme ont ainsi un risque de récurrence de 10 % par an dans les 4 années suivantes(2,16). Ce risque semble ensuite diminuer tout en restant significatif(7). La présence d’un aspect ECG spontané confère aussi, même en l’absence de symptômes, un risque d’évènement élevé (1 % par an) et cumulatif atteignant ainsi 10 % à 10 ans(9,14). Un antécédent de syncope est enfin associé à un haut risque rythmique atteignant 1,5 % par an(2,7,16,37). Cependant, il est important de dissocier les symptômes vaso-vagaux, fréquents dans le syndrome de Brugada, des syncopes suspectes d’arythmie. Si une stimulation vasovagale peut être parfois associée à la survenue d’arythmie ventriculaire(38), seules les syncopes possiblement rythmiques (survenue de fibrillation ventriculaire non soutenue) sont réellement associées au risque de mort subite qui peut alors atteindre 5 % par an(37,39). Malgré la faible reproductibilité ou le manque de puissance des autres paramètres de risque, il a été proposé de combiner ceux-ci au sein de score de risque. Cependant, en l’absence de validation dans d’autres populations, leur intérêt clinique est actuellement très limité(40,41). La portée de cette stratification du risque rythmique est encore plus faible chez les femmes et les enfants(20,30). Ces populations spécifiques, peu étudiées dans les grandes études, semblent effectivement présentées un taux de survenue d’événements différents (plus élevé chez l’enfant, plus faible chez la femme) avec des facteurs prédictifs différents(20,30).   Prise en charge   La prise en charge débute dans tous les cas par la mise en place de mesures générales limitant le risque rythmique (figure 2) : – suppression de médicaments majorant l’aspect de syndrome de Brugada (mise à jour sur https://www.brugadadrugs.org) ; – traitement immédiat de toute fièvre ; – suppression des prises excessives d’alcool. Figure 2. Évaluation du risque rythmique et prise en charge du syndrome de Brugada. (Modifié d’après Gourraud JB et al. Arch Cardiovasc Dis 2017 ; 110 : 188-95(15)). Un dépistage familial doit également être réalisé chez tous les apparentés de premier degré d’un individu atteint(4). Ce dépistage inclut la réalisation systématique d’un test à l’ajmaline. La principale question reste alors la décision d’implantation d’un défibrillateur. Des études observationnelles ont suggéré l’efficacité de la quinidine dans la prévention des arythmies, mais en l’absence de preuve, ce traitement ne permet pas actuellement de remplacer l’implantation d’un défibrillateur(42,43). Ainsi, si l’indication d’implantation semble claire en prévention secondaire, le rapport bénéfice-risque est plus complexe à apprécier en prévention primaire. Les patients asymptomatiques sans aspect spontané de SBR ont un risque faible de mort subite (0,3 % par an dans le registre FINGER incluant plus de 1 000 patients(9)) et ne relèvent pas de l’implantation d’un DAI (recommandation de classe III)(8). La question est plus difficile lorsque ce risque devient intermédiaire, comme chez les patients asymptomatiques avec un aspect ECG spontané, parmi lesquels on observe près de 1 % de fibrillation ventriculaire chaque année(9). Malgré l’absence d’indication claire d’implantation de défibrillateur (recommandation de classe IIb)(8), on sait désormais que leur risque de mort subite est cumulatif et atteint 10 % à 10 ans ce qui apparaît majeur au regard de l’âge moyen des patients atteints du SBR et de leur espérance de vie(14). Cependant cette population présente également un risque élevé de survenue de complications liées au DAI(14). La décision, basée sur l’évaluation des facteurs de risque additionnels, est dans ce cas-là à discuter au sein d’un centre de référence ou de compétence avec le patient. Le développement de nouvelles technologies de défibrillation, comme le défibrillateur sous-cutané, pourrait en limitant les complications graves (endocardites, abord vasculaire) faciliter dans l’avenir ces discussions.   En pratique   Le syndrome de Brugada est une maladie rare, héréditaire, qui confère un risque de mort subite par fibrillation ventriculaire. Le diagnostic est basé sur des critères ECG stricts et requiert souvent la réalisation d’un test à l’ajmaline. La stratification du risque repose sur la présence spontanée de cet aspect ECG et la présence de symptômes. En cas de risque élevé (aspect spontané et symptômes suspects ou mort subite récupérée), l’implantation d’un défibrillateur est nécessaire. Cette implantation est discutée de manière personnalisée en centre de référence ou de compétences dans les autres cas (notamment en cas d’aspect spontané asymptomatique ou aspect induit avec symptômes). La prise en charge inclut dans tous les cas des mesures générales associées à un dépistage familial. Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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