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Coronaires

Publié le 15 déc 2017Lecture 7 min

La bithérapie antiplaquettaire en post-infarctus - Pourquoi les recommandations préconisent une durée de 1 an comme stratégie par défaut : des essais randomisés aux données de vie réelle...

Gilles LEMESLE, USIC et Centre Hémodynamique, Institut Cœur Poumon, CHRU de Lille ; Faculté de médecine de l’université de Lille ; Inserm UMR1011, Institut Pasteur, Lille

CNCF

Depuis de nombreuses années maintenant, les antiagrégants plaquettaires représentent l’une des pierres angulaires du traitement des patients présentant un infarctus du myocarde (IDM). Dans cet article, nous proposons de revenir sur les principales preuves scientifiques qui ont abouti au fait qu’une double antiagrégation plaquettaire est aujourd’hui recommandée pendant 12 mois comme la stratégie par défaut chez ces patients par les sociétés savantes internationales(1). Cette durée est ensuite à adapter individuellement, raccourcir ou prolonger, en fonction respectivement du risque hémorragique et ischémique de chaque patient.

Les données des grands essais randomisés L’utilisation de la bithérapie antiplaquettaire, associant de l’aspirine faible dose et un agent inhibiteur du récepteur P2Y12, a été testée dans plusieurs larges essais randomisés dans le cadre du syndrome coronarien aigu (SCA). Au début des années 2000, l’étude CURE avait montré une supériorité de l’association aspirine-clopidogrel pour une durée moyenne de 9 mois (entre 3 et 12 mois selon le protocole) en comparaison de l’aspirine seule chez les patients avec un SCA sans sus-décalage du segment ST. Dans cette étude incluant 12 562 patients, le taux d’événement du critère composite (décès cardiovasculaire, IDM, accident vasculaire cérébral [AVC]) était de 11,4 % dans le groupe placebo (aspirine seule) versus 9,3 % dans le groupe associant aspirine et clopidogrel, soit une réduction significative de 20 % du risque à 1 an (p < 0,001) (figure 1)(2). Des résultats similaires ont été obtenus avec 4 semaines de bithérapie aspirine-clopidogrel dans l’étude COMMIT incluant des patients avec SCA avec sus-décalage du segment ST(3). Figure 1. Résultats à 1 an des études CURE et CREDO sur le critère composite (décès, IDM et AVC). Depuis, les études PLATO et TRITON-TIMI-38 (incluant des patients avec un SCA avec et sans sus-décalage du segment ST) ont toutes les deux respectivement démontré la supériorité d’une association aspirine-ticagrelor et aspirine-prasugrel en comparaison de l’association aspirine-clopidogrel(4,5). La durée médiane de la bithérapie était de 9,3 mois (6-12 mois) dans l’étude PLATO et de 14,5 mois (6-15 mois) dans l’étude TRITON-TIMI-38. Dans l’étude TRITON-TIMI-38, le taux d’événement du critère composite (décès cardiovasculaire, IDM, AVC) était de 12,1 % dans le groupe aspirine-clopidogrel versus 9,9 % dans le groupe aspirine/prasugrel, soit une réduction significative de 19 % du risque à 1 an (p = 0,0004)(5). Il existait également un bénéfice important sur le risque de thrombose de stent. Enfin, on notait dans cette étude un bénéfice initial à J3 de la dose de charge mais aussi un bénéfice de la dose d’entretien selon l’analyse de Landmark (entre J3 et 1 an) (figure 2). Dans l’étude PLATO, des résultats très superposables ont été retrouvés. Le taux d’événement du critère composite (décès cardiovasculaire, IDM, AVC) était de 11,7 % dans le groupe aspirine-clopidogrel versus 9,8 % dans le groupe aspirine-ticagrelor, soit une réduction significative de 16 % du risque à 1 an (p = 0,0003)(4). Il existait également un bénéfice important sur les thromboses de stent. Enfin, l’analyse de Landmark à 30 jours montre que le bénéfice persiste à maintenir le traitement jusqu’à 1 an et que les courbes continuent de diverger au cours du temps (figure 3). Figure 2. Résultats à 1 an de l’étude TRITON-TIMI-38 sur le critère primaire composite (décès cardiovasculaire, IDM et AVC) et sur la thrombose de stent certaine et probable. Résultats de l’analyse de Landmark à J3. Figure 3. Résultats à 1 an de l’étude PLATO sur le critère primaire composite (décès cardiovasculaire, IDM et AVC) et sur la thrombose de stent. Résultat de l’analyse de Landmark à J30. Bien sûr, les patients qui ont un traitement antithrombotique plus agressif ont globalement un risque hémorragique plus élevé mais le rapport bénéfice/risque restait néanmoins en faveur de la poursuite de ces traitements pour une durée de 12 mois dans ces études. Les données de « vraie vie » Les données des essais randomisés ont récemment été confirmées par les résultats d’études de « vraie vie » telles que les études françaises, AReMIS et SPACE-AA, et l’étude suédoise, PRACTICAL. Il faut noter que les cohortes françaises ont été réalisées à la demande de la Haute Autorité de santé (HAS) lors de la mise sur le marché du ticagrelor. L’étude SPACE-AA a inclus 76 844 patients ayant présenté un SCA et une hospitalisation en USIC sur l’année 2013 en France. Cette base de données émane des données de la SNIIRAM (codage PMSI) et a donc un certain nombre de limites. Dans cette cohorte, les patients sont séparés en plusieurs groupes en fonction du traitement antiagrégant plaquettaire reçu immédiatement après la sortie d’hospitalisation, et il n’est donc pas certain que les patients aient suivi le régime antithrombotique initial pendant 1 an. Par ailleurs, les patients des différents groupes ayant des caractéristiques de base très différentes, l’analyse des résultats a été réalisée après « matching » par score de propension afin que les groupes soient comparables. Cette étude montre qu’il n’existe pas de différence significative entre les patients traités par prasugrel ou ticagrelor en termes d’événements cardiovasculaires majeurs ou de risque hémorragique. En revanche, les patients traités par ticagrelor avaient un meilleur pronostic à 1 an que les patients traités par clopidogrel avec une réduction de 12 % du critère composite (décès toutes causes, SCA, AVC) et surtout une réduction de 27 % de la mortalité toutes causes. L’étude AReMIS est une étude cas-témoin. Dans cette étude développée à partir du registre PGRx, 1 047 patients ayant présenté une récidive d’IDM ou un décès cardiovasculaire après un premier IDM ont été matchés à 2 234 témoins qui n’ont pas présenté une telle récidive entre 2013 et 2016. Cette étude montre que la prescription de ticagrelor ou de prasugrel est associée à une réduction du risque de récidive au cours du suivi respectivement de 35 % et 29 % en comparaison au clopidogrel. Enfin, l’étude PRACTICAL, développée à partir du registre suédois SWEDEHEART, a montré des résultats très concordants(6). Dans cette étude, qui s’apparente un peu à une comparaison historique (entre clopidogrel et ticagrelor), les auteurs s’intéressent aux patients ayant présenté un IDM inaugural entre 2010 et 2013 et traités soit par clopidogrel soit par ticagrelor (n = 45 073 patients). Ici aussi les caractéristiques de base des patients diffèrent logiquement de manière importante en fonction du groupe et les patients du groupe ticagrelor ont été plus volontiers inclus sur l’année 2013. Dans cette analyse, la prescription de ticagrelor était néanmoins associée à une réduction significative du critère composite (décès, IDM, AVC) de 15 % et une réduction significative de la mortalité toutes causes de 17 % après ajustement. Le risque de saignement était en revanche lui augmenté de 20 %. Le bénéfice net restait toutefois en faveur du groupe ticagrelor. Malgré un certain nombre de biais inhérents au design de toutes ces études, il est néanmoins intéressant de noter qu’elles viennent confirmer les données des grands essais randomisés. Le haut risque hémorragique Si la durée de 12 mois est aujourd’hui recommandée comme la stratégie par défaut par les recommandations européennes, chez un certain nombre de patients il est nécessaire de raccourcir cette durée en raison d’un risque hémorragique plus élevé. Les recommandations proposent aujourd’hui d’utiliser le score PRECISE-DAPT pour aider les praticiens à sélectionner ces patients pour qui une durée plus courte semble être une meilleure option (figure 4)(1). Ce score, incluant notamment un certain nombre de variables biologiques, est néanmoins un peu difficile à appréhender en pratique clinique et l’utilisation d’un logiciel dédié est nécessaire pour le calculer. Figure 4. Score PRECISE-DAPT et DAPT. Pour la pratique quotidienne, certains messages simples peuvent être retenus. Les patients aujourd’hui facilement identifiables comme étant à haut risque hémorragique sont les patients avec anémie, les patients avec antécédents d’hémorragie, et les patients nécessitant une anticoagulation au long cours, notamment dans le cadre de la fibrillation atriale(6-8). Le haut risque ischémique À l’inverse, certaines données suggèrent clairement que certains patients, jugés à haut risque ischémique, pourraient bénéficier d’un traitement prolongé, au-delà de 12 mois. Les données des études DAPT, PEGASUS et COMPASS montrent en effet que chez des patients sélectionnés, le fait d’opter pour la prolongation d’une stratégie antithrombotique agressive (bithérapie antiagrégant plaquettaire prolongée ou association aspirine-rivaroxaban faible dose) est associé à une réduction significative du risque de récidive d’événements ischémiques(9-11). Ici aussi la décision est difficile et ne doit souvent pas être prise dès l’hospitalisation initiale (lors de laquelle l’ensemble des informations n’est pas disponible pour une prise de décision adaptée), mais plutôt lors des consultations de suivi. Les recommandations proposent de s’aider du score DAPT (figure 4)(1). Les principales variables à considérer pour une prolongation de traitement sont les suivantes : • la présence d’une athérosclérose agressive et diffuse et notamment l’atteinte coronaire multitronculaire ; • le mauvais contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire (LDL-C, tabagisme, HbA1c…) ; • les données de la procédure d’angioplastie initiale(12,13). En pratique À ce jour, basées sur ces données, les recommandations européennes recommandent une bithérapie de 12 mois comme stratégie par défaut à proposer au plus grand nombre de patients en post-SCA. Certains patients à haut risque hémorragique nécessitent cependant de raccourcir cette durée à 3 ou 6 mois. À l’inverse, certains patients à haut risque ischémique pourront vraisemblablement bénéficier de la prolongation d’une stratégie antithrombotique agressive au-delà de ces 12 mois initiaux. Références sur demande à la redaction : biblio@axis-sante.com

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