Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 16 déc 2017Lecture 5 min
Attitude thérapeutique sur les FA postopératoires précoces
Maxime GUENOUN, Hôpital Européen, Marseille
CNCF
Dans les suites d’une chirurgie, la survenue précoce d’une fibrillation atriale est fréquente, jusqu’à 1/3 des patients. Elle survient d’autant plus souvent que la chirurgie est lourde ou compliquée ou s’il y a un abord thoracique, que le patient est âgé ou porteur d’une cardiopathie, et bien sûr s’il existe la notion de trouble du rythme antérieur. On exclura cette dernière situation qui sort du cadre strict d’une FA postopératoire, pour ne retenir que les patients préalablement naïfs ou supposés naïfs de FA. Une fibrillation postopératoire (FAPO) peut révéler une cardiopathie sous-jacente. Toute FAPO justifie d’une prise en charge spécifique et d’un bilan cardiologique.
Épidémiologie
L’incidence de survenue d’une FA périopératoire de novo (FAPO) dépend largement du type de chirurgie. Au cours d’une chirurgie non cardiaque et non thoracique, l’incidence va de 1 % après chirurgie mineure à 5 à 10 % après chirurgie vasculaire ou colorectale majeure. Après chirurgie thoracique ou cardiaque, elle peut être beaucoup plus élevée. En chirurgie thoracique, elle est basse lors des résections minimes (wedge ou segmentectomie) mais peut aller jusqu’à 15-30 % après résections plus étendues ou certaines œsophagectomies.
L’incidence de la FAPO après chirurgie cardiaque reste très élevée : de 20-30 % après chirurgie coronaire, 30 à 40 % après chirurgie valvulaire. La FAPO survient le plus souvent dans les 3-4 premiers jours postopératoires avec un pic vers la 24-36e heure.
Les facteurs de risque de survenue de la FAPO sont assez similaires à ceux de la FA en cardiologie médicale, ce qui renforce l’hypothèse que la survenue d’une FAPO est fortement déterminée par la préexistence d’un substrat pour la FA. Le pic de survenue dans les 4 premiers jours suivant la chirurgie souligne l’importance de facteurs liés à la chirurgie, tels que l’inflammation, l’hypertonie sympathique et le stress oxydatif. Enfin, il semble que certains facteurs génétiques puissent être importants. Quand plusieurs de ces conditions sont réunies, un seul facteur déclenchant suffit à générer une FAPO.
En général, ces FAPO de novo sont associées à une augmentation du risque postopératoire de morbi-mortalité, une augmentation de la durée de séjour et du coût de la prise en charge. Elles augmentent le risque d’accident thromboembolique (TE) et notamment d’AVC postopératoire, d’instabilité hémodynamique et de complications iatrogéniques liées aux traitements anticoagulants ou antiarythmiques.
Dans la mesure où le traitement est difficile et que sa survenue est un facteur de mauvais pronostic, se pose la question de la prévention de ces épisodes de FA. De nombreuses études ont évalué l’efficacité de méthodes pharmacologiques ou non, pour prévenir ces FAPO.
Aucune mesure prophylactique n’a toutefois démontré une efficacité significative, l’amiodarone, le sotalol, le magnésium, les corticoïdes ou les statines. La poursuite des bêtabloquants ou leur initiation, au moins une semaine avant la chirurgie, est recommandée. Après l’intervention, leur réintroduction doit se faire le plus précocement possible, de même que les antiaryhtmiques. Plus récemment, une étude a échoué à démontrer l’efficacité préventive d’injections de toxine botulique (Renate Schnabel, AHA 2017) dans la graisse épicardique à la racine des veines pulmonaires lors de la chirurgie cardiaque.
Prise en charge de la FAPO
Devant la survenue d’une FAPO, le praticien est confronté à 2 questions : quelle tolérance hémodynamique de la FA ?
Quel risque de complications thromboemboliques ? Réduire ou non la FA et anticoaguler efficacement ou non le patient.
En pratique, la prise en charge d’une FAPO comporte quatre étapes essentielles :
– correction de désordres coexistants (hypoxémie, désordre électrolytique) ;
– traitement de la FA ;
– recherche de complications postopératoires sous-jacentes ;
– mise en route d’une anticoagulation curative.
On retrouve essentiellement dans la littérature des études dans le cadre de la chirurgie cardiaque.
La contrôle du rythme est recommandé chez les patients symptomatiques ou chez qui la fréquence cardiaque reste difficile à contrôler. Chez les patients instables hémodynamiquement, une cardioversion électrique doit être pratiquée sans attendre. Les antiarythmiques (AAR) peuvent être utilisés en vue d’une cardioversion médicamenteuse selon les recommandations habituelles (ESC 2016), l’amiodarone, les AAR de classe 1, le sotalol et le vernakalant, ou dans le cadre de la prévention de la récidive.
Chez les patients stables, une stratégie de contrôle de la fréquence cardiaque peut être proposée en première intention, utilisant des agents bloquants au niveau du nœud auriculo-ventriculaire tels que les bêtabloquants ou des inhibiteurs des canaux calciques comme le diltiazem ou le vérapamil (Guidelines AHA/ACC/HRS 2014). L’amiodarone peut aussi être utilisée pour diminuer la fréquence cardiaque. La prise en charge de l’anticoagulation pendant la période postopératoire est délicate. Une étude rétrospective menée en chirurgie thoracique a bien mis en évidence le risque hémorragique majeur induit par une anticoagulation efficace précoce en postopératoire. Dans le cas de FAPO durant moins de 24 heures, afin de limiter le risque de saignement chirurgical, l’anticoagulation doit se discuter. Au-delà de 24 h, l’indication de l’anticoagulation repose sur les scores de risque classiques (CHA2DS2-Vasc).
La durée optimale de l’anticoagulation efficace en postopératoire reste discutée. Il est recommandé de la poursuivre (par des AVK ou AOD le plus souvent) pendant 4 semaines environ après le retour en rythme sinusal, au moins chez les patients à haut risque.
Si à distance, la plupart des patients recouvrent un rythme sinusal, on peut s’interroger sur le risque de récidive de FA, symptomatique ou non. Ce risque est d’autant plus important que le patient est âgé ou porteur d’une cardiopathie. L’évaluation de ce risque n’est pas connue et il semble raisonnable de proposer un suivi cardiologique et des enregistrements holter à la recherche d’épisode de FA.
Une étude récente rapportée par Marc Gillinov à l’ACC 2016 avait pour but de comparer une stratégie de contrôle du rythme (amiodarone et/ou cardioversion) versus une stratégie de contrôle de la fréquence cardiaque (bêtabloquant, inhibiteur calcique ou digoxine) après chirurgie cardiaque. L’anticoagulation est instaurée en cas de FA > 48 h ou récidivante pour une durée de 2 mois. Le critère
de jugement est la durée d’hospitalisation, les réadmissions et réhospitalisations. L’incidence de la FA est de 28 % (pontage), 34 % (valves) et 47 % (pont + valves). Aucun bénéfice du contrôle du rythme (CR) versus le contrôle de la fréquence (CF) n’est observé avec un même taux de complications et une durée d’hospitalisation équivalente. À 60 jours, 94,2 % ont recouvré un rythme sinusal dans le bras CF pour 98,3 % dans le bras CR. Les auteurs confirment le CF comme la stratégie de première intention et le retour en rythme sinusal de la quasi-totalité des patients ne justifiant la prolongation de l’anticoagulation.
En pratique
La FAPO est une complication très fréquente notamment en chirurgie cardiaque, grevée d’une morbidité augmentée.
Sa prise en charge se base sur la tolérance hémodynamique avec en première intention une stratégie de contrôle de la fréquence cardiaque, et sur la prévention du risque thromboembolique.
À court terme, la quasi-majorité des patients recouvre un rythme sinusal.
Le risque de récidive de FA à distance est mal connu mais doit être recherché.
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