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Risque

Publié le 02 fév 2018Lecture 8 min

Une baisse de 37 % du LDL sans bénéfice clinique : c’est expliqué

François DIEVART, clinique Villette, Dunkerque

Une seule donnée en contradiction flagrante avec une hypothèse peut suffire à en récuser la valeur. Concernant l’hypothèse lipidique, les résultats de l’étude ACCELERATE étaient cette donnée : dans cette étude, une diminution de 37 % du LDL-C n’était associée à aucun bénéfice clinique, en contradiction flagrante avec le modèle reliant diminution du LDL-C et diminution du risque d’événements CV majeurs. En septembre 2017, la publication de plusieurs éléments nouveaux a permis de comprendre ce paradoxe et de conforter l’hypothèse lipidique.

L’étude ACCELERATE Les adeptes de la théorie du complot n’ont pas exploité une étude majeure qui leur tendait les bras et qui, à elle seule, pouvait et devait remettre en cause l’hypothèse lipidique, peut-être trop occupés qu’ils étaient à s’en prendre aux statines… Cette étude, l’étude ACCELERATE, constituait en effet un paradoxe absolu. Dans cet essai conduit contre placebo chez 12 092 patients en prévention CV secondaire, le traitement évalué, l’évacétrapib, un inhibiteur de la CETP, a permis une diminution moyenne et relative de 37 % du LDL-C (figure 1). Le suivi médian a été de 26 mois et le LDL-C de base était à 0,815 g/L soit 2,58 mmol/L. La réduction absolue du LDL-C a donc été de 0,954 mmol/L, faisant espérer une diminution relative du risque d’événements CV majeurs au-delà de 4 ans de 21 % et à 2 ans de 16 %. Figure 1. Différence moyenne de LDL-C entre le groupe traité par évacétrapib et le groupe traité par placebo dans l’étude ACCELERATE. Or, au terme de l’étude et alors que 1 363 événements CV majeurs eurent été comptabilisés, il n’y a eu aucune différence de leur incidence dans les deux groupes comparés (HR : 1,01 ; IC95% : 0,91-1,11 ; p = 0,91), l’intervalle de confiance à 95 % du résultat ne comprenant même par les 16 % escomptés (figure 2). Ce résultat était en contradiction complète avec l’hypothèse lipidique pouvant et devant alors la remettre en cause, car une hypothèse n’a de valeur que tant qu’elle n’a pas été réfutée : il était donc possible de diminuer substantiellement le taux du LDL plasmatique sans influencer le pronostic cardiovasculaire. Mais de nouvelles données ont rapidement permis de comprendre ce paradoxe et de conforter l’hypothèse lipidique. Figure 2. Résultats principaux de l’étude ACCELERATE. Critère primaire : décès CV, IDM, AVC revascularisations coronaires ou hospitalisation pour angor instable. Les nouvelles données La métaanalyse du JAMA La première donnée est de fait parue en septembre 2016 dans le JAMA et a confirmé que, parmi toutes les classes thérapeutiques hypolipémiantes, les inhibiteurs de la CETP constituaient une classe à part car à la baisse de LDL qu’ils procurent n’est pas associée une réduction des événements CV majeurs. Les auteurs en ont alors conclu que ce n’est pas la baisse du LDL en tant que telle qui est garante du pronostic, mais la façon dont le LDL est diminué et ont avancé l’hypothèse que seuls les traitements agissant sur le récepteur au LDL auraient un effet favorable. La faiblesse de cette hypothèse est que le mécanisme de la diminution du LDL permise par certains inhibiteurs de la CETP n’est pas parfaitement connu et qu’il n’est absolument pas exclu que ces molécules agissent aussi sur le récepteur au LDL (cf. J Clin Invest 2015 ; 125(6) : 2 510-22. doi:10.1172/JCI80025) L’étude en randomisation mendélienne En septembre 2017, une nouvelle étude paraissait dans le JAMA, conduite par B. Ference et coll. Il s’agissait d’une métaanalyse en randomisation mendélienne. Pour comprendre simplement ce travail, rappelons que les taux de LDL-C sont, pour partie, régulés génétiquement. Ainsi, concernant l’HMG CoA réductase, certaines personnes ont une sous-activation des gènes de cette enzyme, faisant qu’ils ont un LDL-C plus bas que ceux qui ont une activation normale ou plus élevée des gènes de cette enzyme. De ce fait, les premiers patients pourraient être assimilés à des patients recevant une statine. Dès lors, la méthode utilisée consiste à comparer l’incidence des événements CV majeurs pour une mmol/L de différence de LDL-C chez les patients ayant une faible expression de l’HMG CoA réductase génétiquement induite et ceux en ayant une normale ou élevée. En utilisant plusieurs analyses génétiques, il est aussi possible de comparer les patients selon que génétiquement parlant, leur CETP et leur PCSK9 est plus ou moins exprimée. De ce travail, les auteurs ont conclu que pour toute différence d’une mmol/L due à une expression des gènes de l’HMG CoA réductase, ou de la CETP ou de PCSK9, la différence d’incidence d’événements CV majeurs était équivalente et conforme à ce qui pouvait être prédit par les essais d’intervention faits avec les statines (différence relative d’incidence des événements CV majeurs de 22 % en moyenne). L’inhibition de la CEPT aurait donc dû s’accompagner d’un bénéfice clinique similaire à celui constaté sous statine ou sous anti-PCSK9. Toutefois, dans ce travail, il a aussi été montré que chez les patients associant à la fois une sous-expression génétiquement induite de l’HMG CoA réductase (reproduisant l’effet d’un traitement par statine) et une sous-expression génétiquement induite de la CETP (reproduisant l’effet d’un traitement par un inhibiteur de la CETP), à toute différence d’une mmol/L de LDL-C n’était plus associée de diminution significative de l’incidence des événements CV majeurs. La conclusion en était que le fait de recevoir à la fois une statine et un inhibiteur de la CETP pouvait paradoxalement annuler tout bénéfice clinique potentiel. En revanche, dans ce même travail, quel que soit le terrain génétique, et même chez les patients dont le terrain reproduisait à la fois l’effet d’un traitement par statine et d’un traitement par inhibiteur de la CETP, à toute variation d’une mmol/L de l’apo B correspondait une même diminution relative de l’incidence des événements CV majeurs. Cet élément devait conduire à s’interroger sur la valeur du LDL dosé dans le plasma, notamment chez les patients recevant à la fois une statine et un inhibiteur de la CETP : est-il toujours un reflet réel de la charge plasmatique en LDL-cholestérol ? Ou de la charge athérogène des LDL ? L’étude HPS-3 REVEAL et une phrase courte dans un paragraphe du texte de sa publication allait permettre de comprendre le mystère des inhibiteurs de la CETP en rappelant les données d’une étude parue en 2013 et passée quasiment inaperçue (J Lipid Res 2013 ; 54 : 467-72). L’étude HPS-3 REVEAL Dans l’étude HPS-3 REVEAL, c’est 30 449 patients qui ont été inclus pour évaluer en double aveugle contre placebo l’effet d’un inhibiteur de la CETP, l’anacetrapib sur les événements CV majeurs. Dans cette étude, par rapport au placebo, le LDL-C a diminué en moyenne de 41 % et au terme de 4 ans de suivi moyen, la réduction relative du risque d’événements CV majeurs n’a été que de 9 % (Rate ratio : 0,91 ; IC95% : 0,85-0,97 ; p = 0,004) tout en étant significative au terme de la survenue de 3 443 événements (figure 3). Or, le LDL-C de base étant à 0,82 g/L soit 2,09 mmol/L, la réduction absolue du LDL a été de 0,85 mmol/L laissant espérer une réduction relative du risque d’événements CV majeurs de 19 %, valeur qui n’était même pas incluse dans l’intervalle de confiance du résultat principal. Plus encore, pendantles deux premières années de l’étude, aucune différence dans l’incidence des événements n’est apparue entre les groupes comparés, les courbes de Kaplan-Meier ne commençant à se dissocier qu’après deux ans de suivi  moyen. Figure 3. Résultats de l’étude HPS-3 REVEAL sur le critère principal (décès coronaires, IDM et revascularisations coronaires). De fait, dans la publication de l’étude HPS-3 REVEAL, il est fait état d’un travail paru en 2013 (J Lipid Res 2013 ; 54 : 467-72) qui explique le paradoxe apparent de cette étude. Chez les patients recevant à la fois une statine et un inhibiteur de la CETP, le LDL plasmatique dosé (ou mesuré par la formule de Friedewald) est sous-estimé. Sous inhibiteur de la CETP, le LDL plasmatique dosé, lipoprotéine circulante, est ainsi plus appauvri en certains de ces composants (VLDL, IDL notamment) qu’en d’autres (LDL-cholestérol) et son dosage direct ou son calcul n’est donc plus corrélé au LDL-cholestérol circulant. Pour connaître la valeur de celui-ci, il faut soit le mesurer réellement par un procédé complexe appelé bêta-quantification, soit l’apprécier indirectement par l’apo B ou le non-HDL-cholestérol. Les auteurs de l’étude HPS-3 REVEAL ont donc mesuré le LDL-C directement par bêta-quantification dans un sous-groupe des patients de l’étude et ont constaté qu’il n’avait diminué que de 17 % sous anacétrapib, donnée corrélée à la variation de l’apo B (diminution relative de 18 %) et à celle du non-HDL-cholestérol (diminution relative de 18 %). Et cette fois, en prenant la valeur moyenne de 17 à 18 % de réduction relative du LDLC, la réduction absolue du LDL-C sous traitement dans cette étude est de 0,36 mmol/l, et le résultat obtenu quand il est analysé dans la droite de régression redevient concordant avec celui espéré selon l’hypothèse lipidique. Pour cette démonstration, les auteurs de l’étude ont utilisé le non-HDL-cholestérol (figure 4). Comme la réduction du LDL-C est faible et comme la diminution relative des événements est faible en valeur relative, la première et la deuxième année sous traitement, il est logique qu’un résultat clinique effectif n’apparaisse qu’au terme d’au moins 2 ans de traitement. En analysant a posteriori l’étude ACCELERATE avec ces nouvelles données, il est possible de comprendre pourquoi elle n’avait pas montré de bénéfice : si la diminution « affichée » du LDL a été de 37 %, la diminution de l’apo B dans cette étude n’a été que de 18 % et le suivi moyen ayant été de deux ans, le résultat de l’étude, selon ces éléments, redevient compatible avec l’hypothèse lipidique, la baisse absolue du LDL-C n’ayant été que de 0,14 mmol/L, ne laissant espérer au terme de deux ans de traitement qu’une baisse relative des événements CV majeurs de 3,08 %... quasi impossible à mettre en évidence. Figure 4. Corrélation entre le non-HDL-cholestérol et la réduction relative de événements CV dans l’étude HPS-3 REVEAL. L’hypothèse lipidique confortée Ainsi, au terme de l’année 2017, il n’y a plus de paradoxe franc pouvant ou devant faire douter de l’hypothèse lipidique. En l’état actuel des données acquises, il ne doit plus y avoir de doute sur le bénéfice clinique associé à une diminution du LDL-C, dès lors que le moyen utilisé pour cela est puissant en matière de diminution du LDLC, diminue le LDL-C athérogène reflété par l’apo B ou le non-HDL-cholestérol, est bien toléré et est utilisé au long cours.

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