Publié le 15 fév 2018Lecture 6 min
HTA résistante : de la prévention à la prise en charge
Michèle DEKER, Paris
Malgré les progrès réalisés dans le dépistage et la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA), il reste beaucoup à faire pour contrôler les patients hypertendus, soit environ la moitié des hypertendus dépistés et traités, avec pour objectif de réduire les complications cardio- et cérébro-vasculaires. La majorité des hypertendus nécessiteront au moins une bithérapie pour être contrôlés. Comment la choisir ?
Une prise en charge individualisée des patients hypertendus
Les recommandations françaises pour la prise en charge de l’HTA laissent au clinicien le choix entre quatre classes d’antihypertenseurs en première intention : diurétique thiazidique, inhibiteur calcique (ICa), inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) et antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARAII). Les bêtabloquants (BB) peuvent être utilisés, mais ils semblent moins protecteurs vis-à-vis du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC). Les recommandations britanniques du NICE sont plus restrictives en stipulant de débuter le traitement par un IEC chez les sujets âgés de < 55 ans et par un ICa chez les > 55 ans.
La préférence donnée aux IEC sur les ARAII, qui n’avaient pas démontré de différence sur le risque d’événements vasculaires dans l’étude ONTARGET, est confortée par une métaanalyse en réseau comparant ces deux classes d’inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (i-SRAA) chez des patients à haut risque cardiovasculaire sans insuffisance cardiaque(1). Si les ARAII et les IEC sont équivalents sur le critère composite (décès cardiovasculaire, IDM, AVC), les IEC sont supérieurs aux ARAII en termes de mortalité toutes causes, de survenue d’une insuffisance cardiaque et de nouveau diabète. A contrario, les ARAII sont mieux tolérés. En monoprise, il faut tenir compte de la pharmacocinétique des i-SRAA et des ICa : le telmisartan, le périndopril, l’amlodipine et la lercanidipine ont une demi-vie longue autorisant une prise unique quotidienne.
En fait, la monothérapie devrait être une exception dans le traitement de l’HTA, la majorité des essais ayant montré qu’une bithérapie est nécessaire pour contrôler l’hypertension.
L’association i-SRAA + ICa a montré son intérêt dans plusieurs situations. Ainsi, dans l’étude ASCOTT, les résultats sont en faveur du bras amlodipine + périndopril vs aténolol + bendrofluméthiazide quels que soient les critères d’évaluation ou les sous-groupes, y compris chez les patients tachycardes.
Dans l’étude nord-américaine ACCOMPLISH sur une population à haut risque (prévention secondaire, diabète, obésité), l’association IEC + ICa a permis une réduction du risque d’événements cardiovasculaires de 20 % comparativement à IEC + diurétique. Ces résultats sont confortés par les métaanalyses, et fondent la position du NICE qui recommande cette association en bithérapie préférentielle, que le patient ait été initié en monothérapie par un IEC ou un ICa.
L’association IEC + diurétique conserve des indications, en particulier chez les patients diabétiques sur la base de l’étude ADVANCE et chez les sujets âgés sur la base de l’étude HYVET.
L’association ICa + diurétique a, quant à elle, montré son intérêt notamment dans l’étude NESTOR qui comparait indapamide + amlodipine à énalapril + amlodipine, en montrant une baisse de PA plus importante et une efficacité particulière dans les HTA systoliques isolées. En outre, une métaanalyse a montré que l’association ICa + diurétique permet de diminuer de 23 % l’incidence des événements cérébro-vasculaires, davantage que ne le voudrait la baisse de la PA.
Traiter pour éviter les complications
Les recommandations de la Société française d’hypertension artérielle ont clarifié la prise en charge et fourni des clés pour éviter l’inertie thérapeutique. Si la prise en charge débute par une monothérapie, un mauvais contrôle constaté à 6 mois doit conduire à prescrire une bithérapie, plus efficace qu’une monothérapie séquentielle et 5 fois plus que l’augmentation de dose de la monothérapie. Le choix du diurétique devrait se porter sur les molécules les plus efficaces, en sachant que la chlortalidone et l’indapamide ont un effet plus prononcé. L’enquête FLASH 2015 a montré que près de la moitié des hypertendus sont traités en monothérapie (BB 32 %, ARAII 32 %, IEC 26 %, ICa 30 %, diurétique 28 %, antialdostérone 4 %), 36 % en bithérapie, laquelle comporte un BB dans un tiers des cas, et 14 % en trithérapie. Ainsi, les BB sont encore prescrits dans 66 % des cas.
Les États-Unis ont trouvé un autre moyen de renforcer le contrôle tensionnel en abaissant les seuils de PA. Ainsi, les nouvelles recommandations considèrent 4 catégories de PA(2) :
– normale : < 120/< 80 mmHg ;
– élevée : 120-129/<80 mmHg ;
– HTA stade 1 : 130-139/80-89 mmHg ;
– HTA stade 2 : ≥ 140/≥ 90 mmHg.
Elles stipulent de traiter dès le stade 1 en monothérapie, la bithérapie étant réservée au stade 2.
Au-delà du choix du traitement antihypertenseur, le résultat dépend en grande partie de l’observance, les patients les plus jeunes et les plus âgés ayant la plus mauvaise observance. Cette dernière est difficile à mesurer en vie réelle, bien que les facteurs d’observance et d’inobservance aient été identifiés. Il a néanmoins été montré que l’observance du traitement est d’autant meilleure que le nombre de prises médicamenteuses est réduit, et que l’on précise l’horaire de la prise. Aussi faut-il privilégier les associations fixes en bithérapie et préconiser l’automesure. Les incitations visant le médecin (paiement à la performance) ou les patients (sous forme de gratification) n’ont pas prouvé leur efficacité. Reste l’idée du parcours de soins pour améliorer la prise en charge.
HTA résistante : au-delà du médicament
L’échec des premiers essais de dénervation rénale n’a pas interrompu la recherche de solutions non pharmacologiques au traitement de l’HTA résistante. La dernière étude réalisée avec un cathéter de dénervation chez des hypertendus modérés non traités a montré un effet modeste, qui soutient la plausibilité de cette approche. Il reste à définir la place de ce traitement instrumental : en alternative au traitement médical chez les patients inobservants ? Chez les patients porteurs de comorbidités ?
Les barorécepteurs sont la deuxième cible permettant de contrôler l’HTA. Des capteurs de distension mécanique présents au niveau du sinus carotidien et de l’arche aortique permettent de générer une réponse inhibitrice du système sympathique avec vasodilatation et bradycardie. Deux moyens sont expérimentés pour agir sur le baroréflexe. Le baro-stenting consiste à mettre en place un stent de forme originale déformant l’artère de manière quadrangulaire dans une branche de la carotide. Ce système (MobiusHD) a été évalué dans une étude de faisabilité (CALM-FIM_EUR) chez 30 patients hypertendus résistants, et a permis une diminution significative de la PA de consultation et de la PA ambulatoire, au prix de 5 effets indésirables graves (2 hypotensions, 1 aggravation de l’HTA, 1 claudication intermittente et 1 infection)(3). Ces résultats préliminaires devront être confirmés par une étude randomisée. Une autre façon de stimuler le barorécepteur est de le stimuler électriquement. La 2e génération du système de stimulation à 2 électrodes montre une réduction persistante de la PAS à 6-7 ans. Le dispositif ne s’adresserait pas à tous les patients, certains étant bons répondeurs, d’autres non ; il semble en particulier que les HTA associées à de fortes concentrations d’aldostérone ou à une insuffisance cardiaque répondent mieux au traitement.
Enfin, la dernière piste consisterait à stimuler électriquement les barorécepteurs de l’arche aortique au moyen d’un stent mis en place par voie endovasculaire. La dernière cible est représentée par les chémorécepteurs. Les travaux princeps réalisés chez les patients souffrant de BPCO ou d’asthme ont montré une réduction des symptômes respiratoires et de la PA. Là encore, certains patients dont l’activité sympathique est majeure, répondent mieux au traitement. Enfin la création d’une fistule artério-veineuse a montré son efficacité pérenne sur la PA, avec néanmoins une complication importante, une sténose veineuse, laquelle peut être corrigée par angioplastie ou stenting veineux.
Il va sans dire que ces recherches ne profiteront pas au plus grand nombre des hypertendus, dont le contrôle repose sur le choix du traitement pharmacologique, en respectant la stratégie proposée par la société savante sur la base des études disponibles et en tenant compte du profil psychologique de chaque patient.
D’après un symposium aux 37es Journées d’HTA, avec la participation de J. Blacher, O. Hanon et A. Pathak
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :
Articles sur le même thème
publicité
publicité