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Valvulopathies

Publié le 15 mar 2018Lecture 7 min

Prolapsus valvulaire mitral : des formes atypiques à ne pas méconnaître

Thierry LE TOURNEAU et coll.*, CHU de Nantes

Le prolapsus valvulaire mitral (PVM) est une pathologie fréquente, touchant 2 à 3 % de la population. Alors que le PVM est généralement défini en échocardiographie par le déplacement dans l’oreillette gauche d’un ou 2 feuillets valvulaires . 2 mm au-dessus du plan de l’anneau mitral en parasternal grand axe, des formes prodromales ont élargi le spectre phénotypique du PVM. Ces formes prodromales sont caractérisées par une ballonnisation < 2 mm ou un déplacement antérieur du point de coaptation lié à l’élongation du feuillet postérieur. Plus récemment, il a été montré qu’une restriction d’ouverture en diastole pouvait correspondre à une forme prodromale de PVM lié à la Filamine A. La sommation des PVM typiques et des formes prodromales pourrait amener la fréquence des anomalies de la valve mitrale en relation avec un PVM à 6-8 % de la population.

Le PVM peut s’inscrire dans le cadre d’une maladie syndromique telle que la maladie de Marfan (tableau ci-dessous), mais il est le plus souvent isolé, à l’exception de manifestations extra-cardiaques bénignes. Depuis les travaux chirurgicaux et anatomopathologiques d’A. Carpentier et de P. Bruneval, on distingue classiquement 2 formes différentes de PVM isolé, d’une part, la dégénérescence myxoïde appelée initialement maladie de Barlow et, d’autre part, la dégénérescence fibro-élastique (FED). Des formes intermédiaires FED+ et Barlow fruste ont également été décrites réalisant un continuum depuis la forme typique de FED jusqu’à la dégénérescence myxoïde sévère. La dégénérescence myxoïde Elle se caractérise par un PVM bivalvulaire plus ou moins marqué avec épaississement diffus des feuillets mitraux lié à l’accumulation de protéoglycanes, une élongation des 2 feuillets qui sont redondants, et une dilatation annulaire. Il s’y associe fréquemment une disjonction atrio-ventriculaire par étirement de l’anneau mitral fibro-musculaire dans sa portion postéro-latérale. La fuite mitrale, lorsqu’elle survient, est secondaire à la dilatation annulaire avec élongation, voire rupture de cordages. La pathologie valvulaire peut s’exprimer tôt dans la vie, dès l’enfance ou chez le jeune adulte, et va pouvoir s’aggraver au cours du temps, avec un taux de chirurgie mitrale évaluée à 15-20 % pour toute la vie de l’individu. La dégénérescence fibro-élastique Dans sa forme typique, elle se caractérise par des feuillets fins, translucides macroscopiquement, avec sur le plan histologique une fragmentation des fibres élastiques. Les feuillets valvulaires sont de taille normale habituellement, non épaissis, et l’anneau mitral est peu ou pas dilaté. La fuite mitrale lorsqu’elle survient est liée à une rupture de cordage souvent brutale survenant tardivement au cours de la vie, généralement après la 5e décennie. La rupture de cordage intéresse le plus souvent le feuillet postérieur dans sa portion médiane (P2 selon la classification d’A. Carpentier), mais peut parfois intéresser d’autres segments, y compris les commissures ou le feuillet antérieur. Le segment prolabant est souvent épaissi lors de la chirurgie, modérément allongé, ces anomalies pouvant être primitives ou acquises après la rupture de cordage du fait des forces de cisaillement élevées secondaires à la régurgitation s’exerçant sur la zone de prolapsus. À côté de ces formes isolées qui peuvent être considérées comme typiques, des formes atypiques ont été récemment identifiées. Nous envisagerons en particulier le prolapsus valvulaire mitral lié à une mutation de la Filamine A, les formes de type Filamine A, et les formes avec atteinte polyvalvulaire. Prolapsus valvulaire mitral atypique Prolapsus mitral lié à une mutation de la Filamine A (figure) Figure. Prolapsus valvulaire mitral lié à une mutation de la Filamine A. A. Prolapsus bivalvulaire mitral. B. Dystrophie valvulaire mitrale marquée avec excès de longueur des valves, excès de tissu du feuillet antérieur qui paraît recourbé sur lui-même (flèche). C. Restriction paradoxale d’ouverture en diastole avec aspect en dôme. D. Association d’un prolapsus valvulaire aortique intéressant la cusp non coronaire chez un patient porteur d’un PVM. La première description de PVM atypique a été rapportée par Monteleone et Fagan dans Circulation en 1969. Ils ont identifié une famille de patients présentant une atteinte polyvalvulaire prolabante (Floppy valve syndrome…) concernant essentiellement les hommes avec une transmission liée au chromosome X. Dans cette situation les hommes sont hémizygotes pour le gène pathologique et expriment presque toujours la maladie tandis que les femmes atteintes sont hétérozygotes et expriment une forme mineure de la maladie ou ne l’expriment pas du tout. Ce mode de transmission est celui de l’hémophilie ou de la maladie de Fabry par exemple. Le gène malade étant porté par le chromosome X, les hommes ne peuvent pas le transmettre à leurs fils mais le transmettent à toutes leurs filles, tandis que les femmes porteuses vont transmettre le gène malade à un enfant sur 2, indépendamment du sexe. Il en découle que, parmi les individus porteurs de la mutation, les 2/3 sont des femmes et seulement 1/3 des hommes. Le même type de maladie prolabante avec transmission liée au chromosome X a été diagnostiqué dans les années 1990 dans les Pays de la Loire. Grâce à un dépistage familial couplé à une étude généalogique, l’ancêtre fondateur a pu être identifié au XVIIIe siècle et possède une descendance de plus de 300 personnes nées au XXe siècle. L’atteinte valvulaire prédominante sur la valve mitrale a été dénommée dystrophie valvulaire mitrale. Une analyse de liaison puis le séquençage de gènes candidats situés en Xq28 ont conduit à la découverte du 1er gène de PVM non syndromique, la Filamine A, et de la mutation (P637Q) causale de la pathologie. L’étude des dossiers médicaux, le mode de transmission et les tests génétiques ont permis d’établir la présence de la mutation chez 65 individus. L’examen clinique et échographique de ces individus a été comparé avec celui des sujets sains apparentés. D’autres petites familles porteuses de différentes mutations ont également été identifiées dans l’ouest de la France, aux Pays-Bas, aux États-Unis et en Angleterre. L’ensemble de ces données a permis de décrire de façon précise les anomalies valvulaires et cardiaques. La dystrophie valvulaire mitrale liée à une mutation de la Filamine A, qui apparaît dès le développement fœtal, se présente sous forme d’un PVM modéré, intéressant les 2 feuillets, et pouvant en imposer pour une dégénérescence myxoïde avec laquelle elle partage l’élongation, la redondance et l’épaississement des feuillets valvulaires mitraux avec une dilatation annulaire modérée, et sur plan histologique l’infiltration de protéoglycanes. Par contre, il n’a pas été constaté à ce jour de rupture de cordage ni de disjonction annulaire mitrale. L’appareil sous-valvulaire mitral apparaît cependant très modifié, avec des cordages courts, voire non individualisés ou pauvres en divisions (branchements), des piliers qui paraissent naître du tiers supérieur du ventricule gauche près de l’anneau mitral alors qu’ils naissent normalement du tiers moyen, les têtes des piliers étant de ce fait inhabituellement proches de la valve. Le phénotype (figure) se caractérise par l’association au prolapsus d’une restriction paradoxale de mobilité en diastole (ouverture en dôme ou doming aspect). Le mécanisme de cette restriction semble être dû à l’association de cordages courts, à un épaississement des feuillets valvulaires prédominant à leur extrémité, à un certain degré de rigidité inhabituelle du tissu valvulaire, et parfois à un défaut d’ouverture d’une commissure en particulier antéro-externe. Chez les femmes, cette restriction de mobilité peut être la seule expression de la mutation, pouvant en imposer pour une atteinte rhumatismale à minima ou un effet toxique de certains médicaments comme le benfluorex. L’insuffisance mitrale lorsqu’elle survient est liée à la dilatation annulaire et au prolapsus bivalvulaire, mais il peut exister un aspect de pseudo-prolapsus en particulier de la valve antérieure chez les femmes. Le taux de chirurgie cardiaque est important au cours de la vie, estimé à 75 % à l’âge de 70 ans chez les hommes porteurs d’une mutation tandis que le taux d’opération est plus faible chez les femmes. Le PVM lié à une mutation de la Filamine A, bien que relativement rare (1-2 % des PVM), paraît constituer un 3e type de PVM à côté des formes myxoïdes et FED, dont le diagnostic a un intérêt non seulement pour le patient mais également pour le dépistage familial, du fait des formes relativement sévères chez les sujets de sexe masculin. PVM présentant un aspect proche de celui lié à la Filamine A L’analyse attentive des échocardiographies réalisées chez des patients étiquetés PVM de type dégénérescence myxoïde (anciennement Barlow), démontre la présence d’une restriction paradoxale de mobilité en diastole chez un certain nombre de patients, avec des similitudes plus ou moins marquées avec la description princeps du PVM-Filamine A. En dehors du PVM-Filamine A, les étiologies expliquant l’association entre PVM et restriction de mobilité en diastole sont relativement limitées à une maladie rhumatismale, à un effet toxique de médicaments sérotoninergiques chez un patient porteur de PVM, ou à une forme évoluée de dégénérescence myxoïde où une restriction peut survenir, soit par dilatation ventriculaire, soit par atteinte de l’appareil sous-valvulaire. PVM et atteinte polyvalvulaire Le prolapsus peut concerner non seulement la valve mitrale mais également la valve tricuspide, aortique et plus rarement pulmonaire (figure). L’association du PVM avec le prolapsus d’une autre valve se rencontre dans certaines pathologies syndromiques comme la maladie de Marfan. Elle existe également dans certaines formes d’aneuploïdie telles que les trisomies 13, 15, et 18 (tableau). Dans les formes non syndromiques, l’association d’un PVM à un prolapsus tricuspide ou aortique est peu fréquente et a été constaté chez seulement 3 % des patients parmi 400 PVM. Par contraste, une atteinte polyvalvulaire, surtout à type de prolapsus mais également de restriction valvulaire aortique ou de bicuspidie a été constatée chez 30 à 50 % des sujets de sexe masculin porteurs d’une mutation de la Filamine A. Autres formes de PVM atypique Dans la catégorie des PVM atypiques on peut également citer le PVM commissural ou intéressant la valve antérieure mitrale, ou encore le PVM associé à des anomalies cardiaques mineures, bicuspidie aortique, CIA ou CIV en particulier. En pratique Les formes atypiques de PVM pourraient représenter 5 à 10 % des patients incluant le PVM de type Filamine A, les atteintes polyvalvulaires, le PVM commissural ou de la valve mitrale antérieure, ou l’association à des anomalies cardiaques mineures. L’association paradoxale entre un PVM et une restriction de mobilité en diastole (PVM de type Filamine A) n’est pas exceptionnelle et doit être considérée comme un 3e type de PVM à côté de la dégénérescence myxoïde et de la dégénérescence fibro-élastique. Des études en cours pourraient permettre d’avancer sur les déterminants génétiques, l’évolution et le devenir des patients présentant une forme atypique de PVM.

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