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Échocardiographie

Publié le 24 avr 2018Lecture 7 min

Comment évaluer le ventricule droit en échocardiographie ?

Laura FILIPPETTI, Clément VENNER, Olivier HUTTIN, Yves JUILLIÈRE, C. SELTON-SUTY, Hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy, Vandœuvre-lès-Nancy

L’évaluation du ventricule droit est souvent considérée comme un défi technique du fait de l’anatomie et des caractéristiques fonctionnelles particulières du ventricule droit. Toutefois, elle est essentielle dans notre pratique quotidienne, car une dysfonction ventriculaire droite a des conséquences à la fois sur la stratégie thérapeutique mais aussi sur le pronostic des patients souffrant d’HTAP, de cardiopathie valvulaire, ischémique, postembolique et congénitale(1). L’IRM cardiaque est devenue l’examen de référence, bousculant ainsi l’échocardiographie. Toutefois, le développement de nouvelles techniques telles que le strain et le 3D offrent des perspectives intéressantes et annoncent un retour en force de l’échocardiographie dans l’évaluation pratique du ventricule droit.

Morphologie du ventricule droit Le ventricule droit (VD) se divise en 3 parties : la chambre d’admission avec la valve tricuspide et les muscles papillaires, le corps trabéculé et la chambre d’éjection comprenant l’infundibulum et la partie proximale de l’artère pulmonaire. En pratique, l’exploration du ventricule droit débute par l’acquisition de 6 coupes échographiques standards, permettant de visualiser ces différentes structures ainsi que les parois antérieure, inférieure et libre (ou latérale) (figure). À celles-ci s’ajoute la coupe parasternale grand axe, pour bien dégager la chambre d’admission, centrée sur le VD, obtenue en béquant le transducteur vers le bas et en dirigeant la sonde d’échocardiographie vers l’épaule gauche du patient. L’indice d’excentricité est un outil utile pour quantifier la courbure septale (valeur normale ≤ 1). Une inversion septale systolo-diastolique traduit une surcharge en pression, un bombement diastolique seul est plus évocateur d’une surcharge volumique. Figure. De la droite vers la gauche, de haut en bas : coupe parasternale grand axe, coupe parasternale petit axe centrée sur valve aortique, idem mais dégageant tronc artère pulmonaire, coupe 4 cavités, coupe 4 cavités centrée sur le VD, coupe sous-costale, coupe centrée sur chambre d’admission, coupe 2 cavités du VD, indice d’excentricité (D2/D1) ; L = latéral, A = antérieur, I = inférieur. Les mesures sont à réaliser sur les coupes appropriées (tableau 1)(2). Les valeurs normales sont bien détaillées dans les dernières recommandations, raison pour laquelle seuls les seuils ont été rapportés dans le tableau. À noter que la mesure du diamètre basal et médian, et de la longueur repose sur la coupe 4 cavités centrée sur le VD, car les valeurs ainsi obtenues sont plus reproductibles. Un rapport VD/VG > 0,75 évalué en 4 cavités signe également une dilatation du VD. Aussi, l’épaisseur pariétale se mesure en sous-costale, à la base de l’extrémité du feuillet antérieur de la valve tricuspide ouverte en télédiastole, en excluant les trabéculations et la graisse épicardique (valeur normale < 5 mm). Ainsi, l’étude de la morphologie du VD permet d’apprécier le remodelage ventriculaire en adaptation aux conditions de pré- et postcharge. Tableau 1. *Lang et al. EHJ Cardiovasc Imaging 2015. Les paramètres traditionnels de fonction ventriculaire droite L’excursion systolique de la valve tricuspide (TAPSE) et la vélocité de l’onde S’en doppler tissulaire (S’) sont deux indices de fonction longitudinale très utilisés en pratique courante(3). En effet, ils sont faciles à réaliser et reproductibles. De plus, la contraction longitudinale représente 80 % de la contraction totale du ventricule droit en situation normale(4). La fraction de raccourcissement en surface (FRS) et l’indice de performance myocardique (ou l’indice de Tei) sont deux indices de fonction globale du ventricule droit. La FRS prend en compte à la fois la contraction radiale et longitudinale. Il existe une très bonne corrélation entre la FEVD évaluée en IRM cardiaque et la mesure de FRS (r = 0,8)(5). L’indice de Tei reflète la fonction diastolique et systolique. Il n’y a pas de données claires sur l’intérêt de son suivi(6). Ces paramètres ont une valeur pronostique dans de nombreuses pathologies cardio-pulmonaires, notamment dans l’insuffisance cardiaque et l’HTAP(5,7-8). Les méthodes de mesure, leurs limites et les valeurs normales sont résumées dans le tableau 2. Il faut garder à l’esprit que les valeurs de ces quatre paramètres sont charge-dépendantes rendant davantage compte de la fonction ventriculaire droite au sein du couplage ventriculo-artériel que de sa fonction contractile intrinsèque(9). L’accélération myocardique durant la contraction isovolumique et le rapport dp/dt sont deux paramètres intéressants mais non recommandés en pratique courante car il existe peu de données fiables sur les valeurs de référence normales et pathologiques. L’estimation de la fraction d’éjection du ventricule droit en 2D ne doit pas être réalisée(2). Tableau 2. *Lang et al. EHJ Cardiovasc Imaging 2015. **Dutta et al. Clin Cardiol 2017. Les nouveaux paramètres de fonction ventriculaire droite Le 2D strain longitudinal correspond au pourcentage de raccourcissement en systole de la paroi libre. Il peut être obtenu, soit en utilisant le doppler tissulaire (angle-dépendance), soit préférentiellement par speckle tracking. Les valeurs de référence pour le VD sont maintenant établies(10). Le pic de strain longitudinal de la paroi libre du VD est le paramètre le plus étudié car en plus d’être reproductible, il est bien corrélé à la FEVD obtenue en IRM (r = 0,69)(11) et surtout au volume d’éjection du VD(12). Un pic de strain de la paroi libre < 20 % en valeur absolue traduit une dysfonction VD. Des études récentes ont montré l’intérêt pronostique de sa valeur initiale (ex. cardiopathie ischémique(13), insuffisance cardiaque(14) et HTAP(15)), et son suivi, notamment en cas d’HTAP(16). Il s’agit d’un paramètre de fonction longitudinale particulier car il détecte les altérations précoces de performance du VD, en particulier en cas d’augmentation de la postcharge(11,13). Le strain rate est défini comme le taux de déformation par unité de temps. Il a l’avantage d’être moins dépendant de la charge et de mieux refléter la fonction contractile intrinsèque du VD. Toutefois, son utilisation reste limitée à la recherche et n’est pas recommandée en pratique courante(2). L’échocardiographie 3D permet, en s’affranchissant en partie des limites de la géométrie complexe du VD, d’obtenir une meilleure évaluation des volumes et de la FEVD, comparée à l’échocardiographie 2D. Aussi, la FEVD 3D reflète la performance systolique globale du VD en prenant en compte la participation de la chambre de chasse du VD et la composante radiale et longitudinale de la contraction. Les volumes et la FEVD obtenus en ETT 3D sont bien corrélés à ceux mesurés en IRM (r = 0,96 ; r = 0,96, r = 0,84 respectivement)(17), avec une tendance générale à la sous-estimation des volumes (surtout si VD dilaté) et surestimation chez le sujet âgé(18). Les acquisitions volumiques sur 1 cycle cardiaque rendent cette technique possible en cas de FA. La mesure de la FEVD 3D est charge-dépendante et n’est pas fiable en cas de dyskinésie septale(19). Une étude récente montre l’intérêt pronostique de la FEVD 3D en cas de cardiopathie (valvulaire et ischémique notamment)(20). L’impact du remodelage du ventricule droit La plasticité est une propriété importante du VD. En effet, l’adaptation du VD dépend de la pathologie sous-jacente et des conditions de charge (dilatation en cas d’augmentation de la précharge, hypertrophie et dilatation en cas d’augmentation de la postcharge)(4). Non seulement la morphologie du VD change, mais aussi la participation des différentes composantes de la contraction, à savoir le raccourcissement longitudinal, la contraction radiale da la paroi libre et la contraction septale. Une étude récente propose d’évaluer, en ETT 3D, les changements de volume et les mouvements pariétaux dans trois directions différentes (longitudinale, radiale et antéro-postérieure) pour rendre compte des mécanismes d’adaptation du VD dans des situations pathologiques diverses(21). En cas d’HTAP, la part de la contraction longitudinale augmente et celle de la contraction radiale diminue. Les paramètres de fonction longitudinale (TAPSE et onde S’) sont donc conservés alors qu’il existe déjà une atteinte du VD avec le développement d’un mécanisme adaptatif. En cas de chirurgie cardiaque, il existe une prédominance de la contraction radiale. Les paramètres de fonction longitudinale sont abaissés, alors que les paramètres de fonction globale comme le strain, la FRS et la FEVD 3D témoignent de l’absence d’altération de la performance du VD(22,23). D’une part, cette approche est intéressante, car elle permet d’appréhender les différents paramètres à notre disposition pour les utiliser de manière pertinente. D’autre part, elle nous incite à multiplier les paramètres pour évaluer au mieux la performance du VD, et notamment en associant plusieurs indices complémentaires (TAPSE et indice de Tei(24), FRS, TAPSE et strain en postinfarctus du myocarde(25)). Les paramètres combinés Ils reposent sur l’association d’un paramètre évaluant la morphologie du VD ou sa fonction longitudinale et d’un paramètre évaluant la postcharge(26). Plusieurs études ont montré leur intérêt pronostique en cas d’insuffisance cardiaque avancée et notamment avant implantation d’une assistance ventriculaire gauche. En effet, une insuffisance ventriculaire droite postopératoire est associée à un taux de mortalité élevé(27). Or, les paramètres de fonction longitudinale ne permettent pas d’apprécier la fonction contractile intrinsèque, car ils reflètent les capacités du VD à faire face à une augmentation de la pré- ou postcharge(9). De plus, les valeurs de TAPSE et onde S’ peuvent être abaissées sans que la fonction intrinsèque du VD ne soit altérée, ou faussement normales du fait d’un mouvement de rocking induit par le ventricule gauche(28). Ainsi, l’utilisation des paramètres combinés permet de pallier ces difficultés. En effet, plusieurs études ont montré l’intérêt du rapport TAPSE/PAPs, car ce dernier est facile à utiliser et permet de mieux évaluer le risque de défaillance du VD en post-assistance ventriculaire(29) (valeur normale cut off > 0,36 mm/mmHg(30)). Un autre outil pertinent est l’indice d’adaptabilité, intégrant la relation entre postcharge et dilatation du VD (rapport (ITV de la fuite tricuspide x longueur télédiastolique du VD)/surface télédiastolique du VD). Un indice d’adaptabilité < 15 indique une dysfonction contractile intrinsèque non réversible après diminution de la postcharge(9). En pratique Il n’existe pas de paramètres parfaits pour évaluer la fonction ventriculaire droite. Il est nécessaire d’utiliser plusieurs indices différents et de comprendre les mécanismes d’adaptation physiopathologique du VD au sein de l’unité cardio-pulmonaire afin d’évaluer au mieux ses performances. L’utilisation du strain et de l’échocardiographie 3D est dorénavant recommandée en pratique courante et en situation pathologique. Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com "Cardiologie Pratique : publication avancée en ligne"

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