Publié le 01 juin 2018Lecture 5 min
Comprendre l’insuffisance cardiaque droite ?
Emmanuelle BERTHELOT, CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre
La défaillance d’un élément du système de circulation droite (des veines systémiques jusqu’au capillaire pulmonaire) peut entraîner une dysfonction cardiaque droite menant à une distribution insuffisante du flux sanguin dans la circulation pulmonaire et ou à des pressions veineuses élevées, au repos ou à l’exercice.
Le retour veineux change fréquemment lors des conditions physiologiques (orthostatisme, respiration). Le système cardiaque droit sain par sa compliance est capable d’amortir les modifications de précharge. La réserve systolique du VD permet d’adapter le volume d’éjection systolique au remplissage. La circulation pulmonaire est un système à basse pression avec des résistances plus basses que les résistances systémiques (environ 1/10). La performance du VD dépend de la contractilité intrinsèque, de la précharge, de la postcharge et de la fréquence cardiaque qui déterminent le couplage ventriculo-artériel. La performance du VD est, en outre, influencée par la configuration septale au cours du cycle cardiaque (interdépendance VDVG), la présence d’une valvulopathie droite (régurgitation tricuspide ou pulmonaire), et la désynchronisation électrique. La fonction diastolique met en jeu les différents composants de la rigidité et la pression péricardique et la fonction auriculaire droite notamment. Pour comprendre la performance du VD, l’approche doit intégrer tous ces paramètres(1).
La fonction ventriculaire droite est un fort prédicteur pronostique.
Principales causes de la dysfonction VD
Devant la découverte d’une dysfonction cardiaque droite, le clinicien se posera 4 questions qui orienteront le diagnostic étiologique (tableau 1, figure) :
– existe-t-il une hypertension pulmonaire ?
– existe-t-il un shunt gauche-droit ?
– existe-il une valvulopathie droite sévère ?
– le contexte est-il évocateur d’une myocardiopathie droite ?
Figure. Principales causes d’insuffisance cardiaque droite.
Pathologie du cœur gauche avec retentissement droit et hypertension pulmonaire
La dysfonction ventriculaire droite est, par ordre de fréquence, liée aux pathologies du cœur gauche. En cas d’insuffisance cardiaque gauche (avec FE altérée ou FE préservée) ou des valvulopathies mitrales de haut grade (RM, IM), il existe une augmentation de la pression dans l’oreillette gauche, qui se transmet à la circulation pulmonaire pour donner une hypertension pulmonaire veineuse. En général, les résistances artérielles pulmonaires sont basses et on dit que cette HTP est « isolée ».
Cependant, dans d’autres cas, l’élévation des pressions pulmonaires est « disproportionnée » avec apparition d’une augmentation des résistances artérielles pulmonaires ou d’un gradient diastolique.
L’élévation chronique de la pression postcapillaire retentit progressivement sur le VD. Parfois, le VD n’est pas capable de faire face aux modifications de la postcharge, par exemple dans les cas d’apparition de défaillance VD aiguë lors de l’implantation d’une assistance ventriculaire gauche ou après correction d’une valvulopathie surtout mitrale. Il est difficile de prédire la réversibilité de la défaillance VD et de comparer des états où les conditions de charge sont très différentes. La dysfonction droite est pronostique, comme cela a été démontré dans de nombreuses études(2).
Cardiopathies congénitales
Chez les patients présentant un shunt gauche droit (CIA, CIV), le VD doit supporter une surcharge en volume sanguin : la circulation pulmonaire, à laquelle s’ajoute une partie de la circulation systémique aboutissant en cas de non-correction, au syndrome d’Eisenmenger(3).
Dans les tétralogies de Fallot opérées, la dysfonction VD est liée à l’association de la sténose pulmonaire et la présence d’une CIV. Dans l’anomalie d’Epstein, le VD est petit et partiellement « atrialisé », ce qui conduit à une fuite tricuspide. Cette anomalie est parfois associée à une CIA et à une sténose pulmonaire. Ces malformations conduisent à la dysfonction VD.
Citons comme autres anomalies congénitales moins fréquentes induisant une possible dysfonction VD : l’obstruction à l’éjection du VD (sténose valvulaire, hypertrophie musculaire…) et la transposition des gros vaisseaux opérée où le VD doit supporter une charge de pression systémique(4).
Hypertensions pulmonaires « précapillaires »
Si l’examen et le contexte ne retrouvent aucune cause « gauche » à la dilatation des cavités droites, qu’il n’y a pas de shunt gauche droit, et qu’il existe une hypertension pulmonaire, plusieurs étiologies sont alors envisageables.
• Par ordre de fréquence, le clinicien doit évoquer les pathologies respiratoires chroniques (telles que la BPCO, les maladies interstitielles pulmonaires). Dans ce cas, le retentissement sur le VD est très progressif, et l’HTP généralement modérée.
• La deuxième cause à évoquer est l’hypertension pulmonaire en rapport avec un cœur pulmonaire chronique postembolique. Dans ce cas, l’HTP souvent élevée est associée à un retentissement ventriculaire droit notable, et la scintigraphie de ventilation perfusion c’est un examen clé du diagnostic.
• Les autres causes d’hypertension pulmonaires sont plus rares : http idiopathiques, héréditaires, liées à la prise de toxiques et médicaments (anorexigènes…), connectivites, HIV, hypertension portale, liée à une cardiopathie congénitale, anémies hémolytiques chroniques, maladies veino-occlusives… Dans tous ces cas, le cardiologue qui suspecte une telle pathologie doit adresser le patient dans un centre expert pour la réalisation d’un bilan exhaustif incluant un cathétérisme cardiaque droit.
Les dysfonctions droites sans hypertension pulmonaire
Dans ce cas, la dilatation et la dysfonction ventriculaire droite peuvent être en lien avec une insuffisance tricuspide ou pulmonaire chronique importante, et le diagnostic est fait lors de l’échocardiographie.
Les principales étiologies de ces valvulopathies droites sont l’endocardite, infiltrative (fibrose endomyocardique) ou restrictive (toxique – Médiator® –, anorexigènes, rhumatisme articulaire aigu, tumeurs carcinoïdes), dystrophique, traumatique (notamment liée à l’implantation d’un pace maker) ou congénitales.
Enfin, dans d’autres cas, il peut s’agir d’une atteinte myocardique isolée du ventricule droit. Les principales causes sont ischémiques (infarctus du VD le plus souvent secondaire à une occlusion de la coronaire droite), ou liées à des pathologies du myocarde qui touchent spécifiquement ou de préférence le VD comme la dysplasie arythmogène du ventricule droit, avec remplacement des myocytes par du tissu adipeux ou plus rarement, l’hémochromatose, la sarcoïdose, l’amylose, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérodermie ou la myocardite inflammatoire. Le diagnostic va reposer sur le contexte clinique et des examens complémentaires jusqu’à la biopsie myocardique. L’IRM cardiaque est alors intéressante pour révéler des anomalies spécifiques touchant le myocarde droit, avec remplacement du tissu myocardique sain par un tissu anormal qui sera identifié sur les séquences de rehaussement tardif.
En pratique
La compréhension de l’insuffisance cardiaque droite nécessite d’intégrer les paramètres de contractilité et les conditions de charge.
Les causes de dysfonction VD sont multiples, dominées par les hypertensions pulmonaires, au premier rang desquelles on retrouve les causes postcapillaires (insuffisance cardiaque).
La présence d’une dysfonction VD indique un mauvais pronostic.
L’échographie cardiaque et l’IRM cardiaque sont les examens non invasifs de choix pour évaluer et suivre la dysfonction cardiaque droite.
Les traitements sont variés dépendants de l’étiologie et symptomatiques.
FE : fraction d’éjection ; RM : rétrécissement mitral ; IM : insuffisance mitrale ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche ; RAP : résistances artérielles pulmonaires ; HTP : Hypertension pulmonaire ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; CIA : communication interauriculaire ; CIV : communication interventriculaire.
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