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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 sep 2018Lecture 15 min

Accident vasculaire cérébral et fibrillation atriale : cause ou marqueur ?

Fabrice EXTRAMIANA, service de cardiologie, Hôpital Bichat, Paris

Nous avons tous appris que la fibrillation atriale (FA) pouvait se compliquer d‘accidents thromboemboliques et en particulier d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques. D’ailleurs, les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie publiées en 2016 indiquent dans leur tableau 3 des pathologies associées à la FA, que 20 à 30 % des AVC sont dus à la FA(1). Cependant, association et cause ne sont pas synonymes. Paraphraser Coluche permet de bien toucher du doigt cette différence : « Quand on est malade, il ne faut surtout pas aller à l'hôpital : la probabilité de mourir dans un lit d'hôpital est 10 fois plus grande que dans son lit à la maison ». La notion de causalité et sa différence avec une simple association, est une discussion de philosophes qui a été particulièrement développée au XVIIIe siècle par Hume. Cette discussion a été formalisée pour être appliquée à la médecine par Hill avec ses critères de causalité.

Nous allons dans un premier temps, faire une revue de la littérature pour tenter d’évaluer les critères de causalité de l’association AVC et FA. Nous verrons ensuite, quelques arguments permettent de soutenir une absence de causalité et les conséquences que cela pourrait avoir dans notre pratique. Critères de causalité appliqués à l’association AVC et FA La causalité ne peut pas être affirmée de façon certaine. Mais certaines caractéristiques de l’association peuvent être évaluées. Nous allons voir successivement les différents critères de Hill avec la force et la consistance de l’association, sa spécificité, la temporalité de l’association, l’effet dose-réponse, la plausibilité et la cohérence de la causalité, enfin, les preuves expérimentales en faveur de la causalité. Le neuvième critère de Hill qui est l’analogie n’est pas utile dans le cas présent. Force et consistance de l’association AVC et FA L’association statistique entre AVC et FA ne fait pas de doute. Cette association est forte (la présence de la FA est associée à une multiplication du risque d’AVC par 2 à 6 et retrouvée dans différentes études indépendantes (Framingham, Regional Heart Study, Whitehall)(3). Spécificité L’association n’est en revanche pas totalement spécifique. Dans la cohorte de Framingham (plus de 5 000 sujets suivis pendant 34 ans), la présence de FA multipliait par 4,8 le risque d’AVC. Mais l’AVC pouvait aussi survenir en l’absence de FA et avait d’autres facteurs de risque (l’hypertension [HR = 3,4], la pathologie coronaire [HR = 2,4] ou l’insuffisance cardiaque [HR = 4,3]). Cependant, dans cette même étude, la présence d’une FA était toujours associée à un sur-risque d’AVC en présence d’un autre facteur de risque d’AVC(4). Les choses se compliquent car il est tout à fait possible qu’un patient présentant un AVC ait plusieurs. causes potentielles à cet AVC. Le score ASCOD a été développé pour quantifier la plausibilité d’implication des différentes causes d’AVC (cardiaques, pathologie des petits vaisseaux, athérothrombose) chez un même patient. Cette évaluation montre qu’une proportion significative de patients a 2 causes qualifiées de potentielles d’AVC. Si on considère également les causes présentes mais incertaines, la majorité des patients en a 2, et certains ont même 3 causes potentielles d’AVC(5). Dans ces conditions, la détermination de la part attribuable à la FA dans la survenue des AVC devient difficile à évaluer. La spécificité de l’association AVC et FA en est troublée. Temporalité de l’association Si la FA est la cause de l’AVC, il faut qu’elle le précède. Nous avons dans ce domaine appris beaucoup de choses grâce aux mémoires des dispositifs cardiaques implantables. Dans l’étude ASSERT, sur 2 580 patients avec un pacemaker ou un défibrillateur implantable, 51 ont eu un AVC ou une embolie systémique au cours du suivi. La moitié (25/51) n’avait aucun épisode de FA (épisode de fréquence atriale élevée > 180 bpm pendant plus de 6 minutes)(6). Parmi les 26 patients avec un AVC et de la FA, 8 ont eu de la FA uniquement après l’AVC, 14 plus de 30 jours avant l’AVC et seulement 4 patients ont eu de la FA dans le mois précédant l’AVC(6). L’absence de lien temporel entre la FA et l’AVC est retrouvée de la même façon dans d’autres études(7). Cette connaissance récente est particulièrement intrigante et remet intuitivement fortement en question la notion de causalité de la FA pour la survenue des AVC. Effet dose-réponse Si la FA est la cause des AVC, on peut faire l’hypothèse d’un effet dose-réponse, c’est-à-dire un risque d’AVC qui augmente avec la durée de la FA. Le registre suédois, il y a à peine quelques années(8), avait comparé le risque d’AVC chez des patients avec une FA paroxystique ou persistante/permanente. Les 2 groupes étaient différents en termes d’âge, d’ancienneté de la FA, de score de CHADS2, de fraction d’éjection ventriculaire et de traitement anticoagulant. Mais, que cela soit pour les données brutes, ou après ajustement sur les facteurs de confusion, la probabilité de survenue d’un AVC était identique dans les 2 groupes (HR ajusté = 1,02 ; IC95% : 0,73-1,42)(8). Cependant, des études plus récentes, en particulier avec les AOD montrent des résultats différents. Ainsi, dans l’étude ENGAGE AF-TIMI 48 (avec l’edoxaban), alors que les groupes de FA paroxystique, persistante ou permanente étaient assez homogènes, les taux annuels d’AVC sous traitement étaient de 1,49 % en cas de FA paroxystique, 1,83 % en cas de FA permanente et de 1,95 % en cas de FA persistante (avec une diminution significative de plus de 20 % du risque pour les FA paroxystiques vs persistantes ; HR = 0,79 ; IC95% : 0,66-0,96)(9). Une métaanalyse récente retrouve (après ajustement sur les facteurs de confusion identifiés) une majoration du risque d’AVC pour les FA non paroxystiques (HR = 1,38 ; IC95% : 1,19-1,61 ; p < 0,0001)(10). Au-delà de la différence, paroxystique/non paroxystique, il semble exister une relation entre la quantité (ou charge) en FA et le risque thromboembolique. Dans l’étude TRENDS, le risque d’AVC était comparable chez les patients sans FA et ceux avec une charge en FA inférieure à 5,5 heures (HR ajusté = 0,98 ; IC95% : 0,34-2,82 ; p = 0,97) alors que chez les patients avec une charge > 5,5 heures, le risque d’AVC était doublé (HR ajusté = 2,2 ; IC95% : 0,96-5,05 ; p = 0,06)(11). Certains travaux suggèrent même qu’une hyperexcitabilité atriale (sans FA) pourrait être associée à un surrisque d’AVC (en tout cas pour un nombre d’ESA > 30/heure et/ou des salves de plus de 19 ESA)(12). Il y a donc un certain nombre d’arguments laissant penser que la relation entre AVC et FA n’est pas binaire mais que le risque d’AVC augmente avec la charge en FA. Cela est compatible avec une relation de causalité, mais, comme nous le verrons plus loin, cela pourrait également être observé si la FA n’était qu’un simple marqueur de risque d’AVC. Plausibilité et cohérence de la causalité La plausibilité et la cohérence de la causalité sont des critères plus discutables. En effet, lorsqu’une bonne hypothèse physiopathologique permet d’expliquer un lien de causalité, cela le renforce. Mais, à l’inverse, l’observation d’une relation (même non causale) nous incite à imaginer ou retenir un mécanisme physiopathologique renforçant le lien. Enfin, l’absence d’explication physiopathologique peut refléter simplement notre ignorance. On peut utiliser l’exemple suivant pour illustrer ces notions un peu théoriques. Il existe une très bonne corrélation temporelle entre les ventes de glace et les attaques de requins. A priori, personne n’a envie de penser que les ventes de glaces sont la cause des attaques de requins. On imagine ici très facilement le biais en jeu dans cet exemple ; c’est quand il fait beau et chaud que l’on se baigne et que l’on achète des glaces. Mais si demain un biologiste démontre que les requins adorent les glaces et sentent que le nageur en a mangé, il pourrait alors y avoir un mécanisme expliquant une causalité… Pour ce qui concerne la relation AVC et FA, un joli schéma physiopathologique tiré des recommandations ESC 2016(1) est montré figure 1. Nous rediscuterons plus loin de ce schéma, mais on peut d’ores et déjà observer que plusieurs « acteurs » interfèrent et/ou participent à la relation entre AVC et FA. Figure 1. Les relations complexes entre FA et AVC. Preuves expérimentales en faveur de la causalité L’expérimentation est sans doute l’élément le plus convaincant. Si un facteur (ici la FA) est la cause d’une pathologie (l’AVC), alors si on arrive à diminuer ou supprimer la FA, on devrait diminuer ou faire disparaître les AVC. Les études AFFIRM et RACE(13,14) ont comparé une stratégie de contrôle du rythme (utilisant les antiarythmiques) à une stratégie de contrôle de la fréquence. Dans les 2 études, il y a eu une diminution significative de l’incidence de la FA dans les groupes contrôles du rythme. En cas de relation causale, on pouvait s’attendre à une diminution des AVC dans le groupe contrôle du rythme. Pourtant, c’est le contraire qui est observé : il y a eu une tendance non significative à une augmentation des AVC dans les groupes de contrôle du rythme (7,1 % vs 5,5 % ; p = 0,79 dans AFFIRM et 7,9 % vs 5,5 % ; p = NS dans RACE)(13,14). Cela ne doit bien entendu pas être interprété comme une majoration du risque d’AVC en rythme sinusal. Dans ces 2 études, les anticoagulants avaient plus souvent été arrêtés chez les patients en rythme sinusal et cela pouvait expliquer la différence sur les AVC). Il faut donc absolument retenir que, quel que soit la relation entre AVC et FA, cela ne doit pas nous inciter à arrêter le traitement anticoagulant chez les patients en rythme sinusal. Cependant, l’absence de démonstration d’une diminution des AVC dans les groupes plus souvent en rythme sinusal dans AFFIRM et RACE ne permet pas d’éliminer le caractère causal de la relation AVC et FA. Le biais potentiel des modifications de traitement anticoagulant vient d’être évoqué. Mais on peut aussi faire l’hypothèse d’un effet insuffisant en termes de maintien du rythme sinusal par les antiarythmiques et/ou un effet négatif de ces traitements. À ce titre, il est intéressant d’évaluer l’effet de l’ablation de la FA sur le risque d’AVC. Une revue systématique Cochrane publiée en 2012 ne retrouvait que 2 études contrôlées (moins de 200 patients au total) ayant évalué l’effet de l’ablation de la FA sur le risque d’AVC(15). Malgré une proportion plus importante de patients en rythme sinusal dans le groupe ablation versus traitement antiarythmique, il n’y avait aucune différence en termes de risque d’AVC (RR = 1,01 ; IC95% : 0,18-5,68). Plus récemment, le registre suédois de santé a été utilisé pour comparer les taux d’AVC chez les patients ayant ou pas subi (ou bénéficié) une ablation de la FA(16). Le registre comporte près de 300 000 patients avec une FA qui n’a pas été ablatée et un peu plus de 3 000 qui ont eu une ablation. Comme attendu, les 2 groupes sont très différents (les patients ablatés sont plus jeunes, avec un score de CHADS-VASc plus bas et ont moins de comorbidités, mais étaient plus souvent sous anticoagulant). Les auteurs ont utilisé un score de propension pour apparier les 2 groupes sur plus de 50 variables pour obtenir 2 groupes comparables de près de 2 500 patients chacun. La comparaison de ces groupes appariés montre un taux d’environ 4 % d’AVC à 5 ans dans le groupe traité médicalement et autour de 3 % chez les patients ablatés (p = 0,013)(16). Il faut cependant garder à l’esprit que ce type d’analyse n’a pas la force et la valeur d’une étude randomisée. Les méthodes d’appariement, les plus sophistiquées soient-elles, ne corrigent pas tous les biais, et en particulier le biais introduit par la décision médicale. Dans l’étude CASTLE-AF, des patients insuffisants cardiaques avec de la FA et avec une resynchronisation et/ou un DAI ont été randomisés entre un traitement conventionnel ou l’ablation de la FA(17). Cette étude montre que l’ablation est associée à une diminution de la charge en FA mais également à une diminution significative de la mortalité globale. Pour ce qui concerne le taux d’AVC à 5 ans, il a été de 3,9 % dans le groupe ablation et de 6,7 % dans le groupe traitement conventionnel(17). L’étude n’avait pas la puissance statistique pour mettre en évidence une différence significative mais cette tendance est pour le moins encourageante et permet d’attendre avec un certain optimisme les résultats de l’étude CABANA prévus pour l’été 2018. Synthèse de l’évaluation des critères de causalité appliqués à l’association AVC et FA L’existence d’une relation de causalité ne nécessite pas obligatoirement que tous les critères de Hill soient présents(2). De nombreux critères sont en faveur d’une relation de causalité entre FA et AVC. Cependant, l’absence de relation temporelle entre FA et survenue de l’AVC est un élément particulièrement troublant. Le lien de causalité n’est donc pour le moment pas démontré. Mais il n’est pas non plus exclu. Ce sont les résultats des études randomisées en cours de finalisation qui très probablement feront pencher la balance soit en faveur d’une relation causale, soit d’une simple association. Quels liens si la relation n’est pas causale ? Si la relation FA et AVC n’est pas causale, il faut alors essayer de comprendre la nature du ou des lien(s) qui les associe(nt). La relation entre FA et AVC est schématisée dans les guidelines 2016 de l’ESC sur la FA(1) et reprise figure 1A. Cette figure montre que la relation entre FA et AVC n’est pas directe et passe par des modifications structurelles (ou substrat) de l’oreillette et une hypercoagulabilité. Nous savons également qu’en présence de FA, le risque d’AVC dépend des facteurs de risque thromboemboliques dépendant du patient (et à la base du score de CHADS-VASc) (figure 1A). On peut donc faire l’hypothèse que pour que la FA entraîne un AVC il faille soit la présence d’un autre facteur, soit que la FA agisse comme facteur précurseur de la cause de l’AVC, soit enfin que FA et AVC soient tous les 2 des marqueurs d’une cause commune (figure 1B). Nous allons maintenant discuter du rôle potentiel des comorbidités du patient, de l’impact des anomalies structurelles de l’oreillette gauche et de la FA. « L’effet patient » Comme souligné plus haut, les paramètres du score de CHADS-VASc majorent le risque thromboembolique associé à la FA lorsqu’ils sont présents. Il est aussi intéressant de souligner que nombre de ces facteurs (âge, HTA, insuffisance cardiaque et diabète) sont également des facteurs de risque de survenue de la FA(1). Ainsi, dans l’étude REHEARS-AF, un score CHADS-VASc ≥ 4 était un facteur de risque de survenue de FA chez des patients non connus pour en avoir (HR = 2,3 IC95% 1,0-5,1, p = 0,04)(18). Nous avons vu plus haut que certains de ces facteurs de risque de survenue de FA étaient également des facteurs de risque de survenue d’AVC chez des patients sans FA (âge, HTA, insuffisance cardiaque, pathologie artérielle coronaire)(4). On peut donc résumer les choses en disant que les facteurs de risque thromboemboliques associés à la FA, peuvent être la cause de la FA mais aussi être responsables de la survenue d’AVC sans FA. Le rôle du substrat atrial : la myopathie atriale Un certain nombre d’éléments associés à la survenue ultérieure de FA ont été identifiés parmi les caractéristiques de l’oreillette gauche (l’intervalle PR sur l’ECG, la taille de l’OG en échocardiographie ou en cartographie ECG non invasive)(19). Plus récemment, certaines des caractéristiques de l’oreillette gauche ont été associées au risque d’AVC en cas de FA. On peut citer la diminution de la vitesse de vidange de l’auricule gauche (HR = 2,6 ; p = 0,02, l’augmentation du facteur de von Willebrand ou encore le degré de fibrose atriale(19). Une étude IRM très récente(20) montre, chez les patients avec une FA, une association entre le degré de fibrose (% de la surface atriale gauche) et le risque de survenue d’un AVC. Par exemple, une FA sur une fibrose touchant 50 % de l’oreillette gauche serait associée à un risque multiplié par 4 en comparaison avec une FA survenant sur une OG fibrosée à 10 %(20). Ces données faisant un lien entre l’atteinte structurelle de l’oreillette gauche et le risque de survenue d’un AVC ont fait émerger le concept de myopathie atriale et de substrat thrombogène. Dans ce modèle, l’âge, le stress oxydatif, l’inflammation et la surcharge en volume ou en pression induiraient le remplacement des myocytes atriaux par de la fibrose, entraînant ainsi une dysfonction mécanique atriale(19). Ces anomalies structurelles constitueraient un substrat préclinique de la FA qui pourrait alors survenir en présence d’extrasystoles gâchettes et de facteurs modulateurs. Mais ce substrat préclinique serait en lui-même un facteur d’augmentation de la thrombogénicité atriale. Cette thrombogénicité atriale (qui pourrait aussi être majorée par la FA) serait la cause des AVC(19). Dans ce modèle, la FA est essentiellement un marqueur de l’atteinte atriale. C’est peut-être parce que la FA est plus « visible » que la myopathie atriale que la FA a été considérée comme cause des AVC. Le rôle de la FA et de la charge en FA Il ne faut cependant pas exclure la FA de cette histoire complexe. En effet, si l’insuffisance cardiaque est un grand pourvoyeur de FA, la FA peut aggraver et parfois induire de l’insuffisance cardiaque (cardiomyopathie rythmique)(21). D’autre part, nous savons depuis les travaux d’Allessie que la FA induit la FA(22) et cela passe par des modifications électrophysiologiques mais aussi structurelles de l’oreillette gauche. Il y a donc une spirale d’aggravation de la FA et de la thrombogénicité de l’oreillette gauche. Nous avons vu plus haut qu’il semble bien exister un effet dose-réponse entre la charge en FA (la « Burden » des Anglo-Saxons) et le risque d’AVC. Cet effet-charge en FA peut être intégré dans des modèles de risque d’AVC qui incluent le score de CHADS ou CHADS-VASc. Certains auteurs ont proposé d’intégrer à la fois la charge en FA et le risque thromboembolique lié au terrain et à la myopathie atriale et exprimé par le score de CHADS ou de CHADS-VASc(23,24). Une étude de 2009 montre par exemple qu’une FA > 24 heures + CHADS = 0 serait associée à un risque similaire d’AVC que chez un patient sans FA avec un CHADS à 2 ou encore, qu’une FA > 24 heures + CHADS = 1 serait associée à un risque similaire d’AVC que chez un patient sans FA avec un CHADS ≥ 3(23). Cela a abouti au concept d’un risque quantitativement additif incluant la charge en FA et la sévérité des comorbidités(24). Quelles conséquences pratiques ? La discussion pour différencier cause ou marqueur est intéressante pour notre compréhension des mécanismes physiopathologiques sous-jacents. Cependant, comme il ressort de ce qui précède que la réponse à la question est loin d’être évidente, il est important de faire le point sur les conséquences pratiques en termes de prise en charge des patients. L’élément important est que le traitement anticoagulant diminue le risque d’AVC d’environ 2/3(25,26). Plus important encore, le sur-risque d’AVC associé à la FA est quasi complètement annulé par le traitement anticoagulant (figure 2)(27). Cela ne change en rien la discussion sur la nature de la relation entre FA et AVC. Figure 2. Effet des anticoagulants sur le risque d’AVC associé à la FA (d’après référence 16). Mais que la FA soit une cause ou simplement un marqueur, le traitement anticoagulant est efficace. Les discussions qui précèdent pourraient laisser penser qu’il pourrait être raisonnable de ne pas donner d’anticoagulant aux patients avec de la FA qui ont un risque quantitativement additif peu important (par exemple un score de CHADS-VASc = 1 et une charge en FA faible [< 24 h ?]). En l’état actuel des connaissances, cela ne semble pas être une bonne stratégie. En effet, les études AFFIRM et RACE nous ont appris que l’arrêt du traitement anticoagulant chez les patients en rythme sinusal pouvait être associé à une majoration du risque d’AVC(13,14). D’autre part, dans le registre suédois qui montrait une diminution des AVC après ablation de la FA, cette diminution n’était significative que chez les patients sous anticoagulants (HR = 0,61 ; 0,37-1,00 ; p = 0,049)(16). À l’inverse, on peut légitimement poser la question du traitement anticoagulant chez des patients sans FA mais avec un score de CHADS-VASc très élevé et/ou une hyperexcitabilité atriale sans FA. Des études pour répondre à cette question ont été débutées (NAVIGATE ESUS, NOAH-AFNET 6…), certaines ont été interrompues, d’autres sont toujours en cours. Il faudra attendre leurs publications avant d’envisager de faire prendre un risque hémorragique à nos patients sans FA. En attendant, le plus rationnel est de suivre les recommandations de 2016(1). En pratique La fibrillation atriale est indiscutablement associée à un surrisque d’AVC qui est largement prévenu par le traitement anticoagulant. Cependant, la relation entre FA et AVCI peut être qualifiée au minimum de complexe. Chez les patients avec de la FA, le risque thromboembolique augmente avec le score de CHADS-VASc. Mais les paramètres de ce score sont aussi des facteurs de risque de survenue de la FA d’une part, et d’autre part, de survenue d’AVC en l’absence de FA. Les informations apportées par les mémoires des dispositifs cardiaques implantables ont montré une absence ou au moins une mauvaise relation temporelle entre FA et AVC. Cette notion remet en question le caractère causal de la FA et renforce l’importance de facteurs dépendants du patient, du substrat atrial et de l’hémostase. Ce changement de paradigme devra être conservé en mémoire si, comme nous l’espérons tous, les grandes études sur l’ablation de la FA montrent une diminution des AVC. Il faut toujours penser au risque thromboembolique indépendant de la FA avant d’interrompre les anticoagulants chez les patients qui ont (ou ont eu) de la FA. Pour l’heure, il n’y a pas d’argument pour modifier la stratégie d’anticoagulation des patients avec une FA.

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