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Valvulopathies

Publié le 15 sep 2018Lecture 5 min

Symptomatique : être ou ne pas l’être ? Telle est la (bonne) question - À propos d’une valvulopathie « asymptomatique »

Hervé HOOREMAN, CH d’Argenteuil

En cardiologie, les recommandations font souvent apparaître le terme de « patient symptomatique », par exemple avant de prendre la décision d’appareiller par pacemaker un patient bradycarde ou insuffisant chronotrope, d’envisager ou non une rythmologie interventionnelle sur FA persistante, ou encore de corriger chirurgicalement, ou non, une valvulopathie.
Reste à savoir ce que signifie le terme « symptomatique ». Deux sens sont habituellement retenus : qui est le symptôme d’une maladie ou qui révèle quelque chose. Dans les deux cas, il n’est fait mention d’aucune donnée chiffrée. Très souvent, cela n’implique aucune conséquence : une syncope a eu lieu ou bien n’a pas eu lieu. Ou encore : des palpitations sont survenues juste avant un malaise, ou pas du tout.

D’autres symptômes sont bien plus subjectifs, notamment la tolérance de l’effort ; une douleur thoracique liée à l’effort est généralement facile à affirmer. C’est beaucoup moins évident dans d’autres situations, dyspnée d’effort ou fatigue d’effort. Le clinicien a certes à sa disposition quelques repères : à partir de quel étage êtes-vous essoufflé ? mais immédiatement se pose la question : rapidement ou non ? Deux étages tranquillement, « ça va », si je monte rapidement, « je suis essoufflé ». La classification NYHA présente elle aussi quelques approximations : qu’est-ce qu’une gêne « légère » pour des activités « quotidiennes » ? (tableau) C’est tout le mérite des explorations d’effort, de permettre précisémment de quantifier les symptômes, et, partant, de proposer au patient telle ou telle option thérapeutique. S’agissant de symptômes « d’effort », on voit mal comment ne pas proposer au patient justement de… le voir sous effort ! Dans d’autres temps, le praticien demandait à l’un de ses étudiants de monter 3 ou 4 étages avec le patient et de lui raconter ses constatations. Une meilleure quantification a été proposée par la suite avec le test de marche 6 min (TM6), initialement décrit par nos amis pneumologues. Il a le mérite de mentionner la plus longue distance effectuée en marchant 6 min sur un couloir balisé, donc de quantifier dans une certaine mesure la tolérance à l’effort. 300 m effectués en 6 min constituent déjà une limitation certaine des possibilités d’activité physique, et authentifient par conséquent la réalité de la gêne fonctionnelle à l’effort. De nos jours, c’est incontestablement au test d’effort couplé à la VO2 qu’il faut faire appel, avec de nombreux avantages : 1. S’assurer que le test d’effort est bien maximal : il existe en effet de réels critères de maximalité de l’effort, au niveau du quotient respiratoire notamment (au moins supérieur à 1.10). Cet élément confirme que le patient a bien été au bout de ses possibilités, et non qu’il manquait de motivation (ou, cela arrive…), de considérer trop craintif le praticien responsable du test. La certitude d’un effort réellement maximal est bien meilleure avec la VO2 couplée que celle déduite de la fameuse formule d’Astrand : 220 – l’âge. De plus, les critères VO2 de maximalité peuvent être appliqués pour un test effectué sous traitement bradycardisant, notamment bêtabloquant. 2. Quantifier précisément la capacité physique : il existe des valeurs théoriques du VO2 max en fonction du sexe, de l’âge et du poids (Cooper) : – homme : [50,02-0,394(A)] Å~ (P) ; – femme : [42,83-0,371(A)] Å~ (P). Il est donc très facile de calculer la performance du patient par rapport à la valeur théorique attendue, généralement affichée clairement par la machine en fonction des données du patient. Avant l’ère des bétabloquants, l’indication d’une transplantation cardiaque était en principe portée en cas de VO2 max < 14 ml/kg, la limite est désormais davantage proche de 12 ml depuis l’usage quasi systématique des bêtabloquants. Mais il est désormais bien plus fréquent d’utiliser le pourcentage de la valeur attendue, par exemple 40 ou 50 % de cette théorique, ce qui est beaucoup plus parlant et objectif. En dessous de 70-75 % de la valeur attendue, on peut considérer que la gêne fonctionnelle (le fameux caractère « symptomatique ») est bien réelle. Idéalement, cette mention de la performance réalisée par rapport à la performance attendue devrait figurer sur tout compte rendu d’épreuve d’effort, et remplacerait même peut être la sacro-sainte conclusion : « 90 % FMT négatif » ce qui ne veut pas dire grand-chose. L’observation suivante (figure) est à cet égard instructive : patient de 55 ans, suivi pour une IAo devenue majeure en écho, (VG dilaté, reflux isthémique 25 cm/s, fluttering de la valve mitrale, etc.) se disant « asymptomatique ». Le test est bien maximal (quotient respiratoire 1.26), Le VO2max ne dépasse pas 22 ml/kg, 75 % seulement de la valeur attendue, pour un effort modeste de 90 W. La demi-décroissance est nettement allongée. On peut considérer qu’il s’agit bien d’un faux asymptomatique, probablement chez un patient sédentaire, comme l’atteste d’ailleurs un seuil ventilatoire précoce. Une indication chirurgicale a été portée. Test d’effort de 120 W après cette chirurgie et réadaptation, validant bien l’amélioration fonctionnelle du patient et la pertinence du choix thérapeutique. Figure. Cas clinique : exemple d’un patient « faussement » asymptomatique. 3. Tenir compte des autres facteurs en cause dans l’aptitude à l’effort C’est l’autre mérite du test d’effort avec VO2, de prendre en compte aussi le degré d’entraînement physique ou de condition musculaire (par la situation précise du seuil ventilatoire, précoce ou au contraire tardif dans l’effort), et l’existence d’une éventuelle limitation pneumologique associée (persistance ou non de réserves respiratoires en fin d’effort, entre autres). Dans le premier cas, d’ailleurs, un seuil ventilatoire précoce témoignerait d’un mauvais conditionnement musculaire, et par voie de conséquence, justifierait peut-être un stage de réentraînement à l’effort. Un VO2 max stable, non amélioré après réadaptation signerait un pronostic défavorable, et peut être par exemple une sanction chirurgicale. Dans le deuxième cas, une limitation respiratoire associée, à l’effort, atténuerait la part « cardiologique » dans la mauvaise tolérance de l’effort, et ferait donc choisir plutôt de renforcer le traitement pneumologique d’une BPCO par exemple, avant toute décision « interventionnelle ». Bien entendu, chaque méthode a ses propres limites et il est naturellement essentiel de tenir compte des impératifs techniques d’un bon test d’effort cardiorespiratoire avec VO2 : calibration régulière du matériel, patient si possible ayant déjà subi un ou des tests d’effort « simples » par le passé, (donc forcément moins anxieux), pas trop claustrophobe (masque nasal), sans trop de limitations périphériques (ostéoarticulaires par exemple), etc. Avec ces réserves, l’exploration d’effort a désormais une place qui devrait être incontournable, aidant à bien situer le patient dans une classe I (traitement recommandé) ou II (à discuter), ou III (non recommandé). Comme dirait Audiard, c’est curieux ce besoin, chez les cardiologues de toujours faire des classes… C’est sans doute le prix d’une médecine de qualité, et fondée sur des preuves.

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