Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 01 mar 2019Lecture 6 min
Gestion des récidives après ablation de la fibrillation atriale
Frédéric ANSELME, service de cardiologie, CHU de Rouen
Toutes arythmies atriales organisées (tachycardie atriale ou flutter atrial) ou non organisées (fibrillation atriale) de plus de 30 secondes sont considérées comme des récidives après ablation de fibrillation atriale (FA), qu’elles soient symptomatiques ou non. On distingue plusieurs types de récidives en fonction de leur délai de survenue postopératoire. Ainsi, les récidives précoces surviennent moins de 3 mois après l’intervention, les récidives tardives de 3 mois à 12 mois, et très tardives, après 12 mois. Il est important de distinguer les premières des deux dernières, car leurs significations cliniques et leurs prises en charge sont différentes.
Les récidives précoces
La période de 3 mois qui suit l’intervention est communément appelée « blanking period » dans la littérature. Bien que l’incidence des récidives dans cette période soit élevée (jusqu’à 50 % des patients), seule la moitié d’entre eux vont récidiver à distance. En d’autres termes, une récidive précoce n’est pas synonyme d’échec d’ablation, même s’il s’agit d’un facteur de mauvais pronostic.
À noter que plus tardive est la récidive dans cette période, moins bonnes sont les chances de succès à long terme.
Les causes invoquées pour expliquer ces récidives sont multiples, incluant une isolation veineuse pulmonaire incomplète ou une réapparition précoce d’une conduction atrio-veineuse, des phénomènes inflammatoires liés à l’ablation elle-même ou une modification du système neuro-végétatif.
Différents traitements ont été évalués pour tenter de réduire l’incidence de ces arythmies atriales précoces post-ablation, et notamment les drogues antiarythmiques. Plusieurs études, dont l’étude 5A(1) ont montré que l’utilisation de traitements antiarythmiques préalablement inefficaces permettait de diminuer significativement la morbidité post-ablation, c’est-à-dire les récidives d’arythmies atriales et les hospitalisations pour arythmie. Malheureusement, ce bénéfice ne se traduit pas par une efficacité accrue de l’ablation à long terme. Se basant sur le rôle possible de l’inflammation dans la genèse de ces arythmies, certains auteurs ont étudié l’impact des corticostéroïdes dans cette phase postopératoire. Il semble y avoir un effet favorable à court terme, cependant l’effet à long terme reste controversé. De ce fait, l’utilisation de ces drogues n’est pas recommandée en routine clinique. Il en est de même pour la colchicine, pour laquelle très peu d’études sont disponibles dans la littérature. Le recours à la cardioversion électrique est parfois utile dans cette période. Plus elle est effectuée précocement après le début de la récidive d’arythmie (idéalement dans les 30 jours), meilleur est le pronostic à long terme. Il est recommandé de discuter d’alternatives thérapeutiques autres, si le patient récidive après deux cardioversions. En effet, il n’est pas habituel de procéder à une réintervention dans les semaines qui suivent une première ablation de fibrillation atriale.
Sachant qu’environ 50 à 60 % des patients ne vont plus refaire d’épisodes arythmiques plus tardivement, la balance bénéfice/risque ne penche pas pour la réablation précoce.
Le recours à une réintervention précoce peut se discuter dans certains cas très particuliers dont les récidives de tachycardies atriales organisées, qui sont en règle très symptomatiques et plutôt rebelles aux traitements antiarythmiques et bradycardisants. Ces tachycardies organisées peuvent correspondre à des arythmies focales (reconnexion d’une veine pulmonaire, ou foyer extraveineux pulmonaire) ou bien à des macroréentrées circulant autour d’obstacles anatomiques et/ou de cicatrices engendrées par l’ablation. Le pronostic de ces arythmies est similaire à celui des récidives de fibrillation atriale précoces. De ce fait, il est habituellement envisagé un traitement palliatif de type cardioversion électrique, sachant que les drogues antiarythmiques sont le plus souvent inefficaces.
C’est dans ces rares cas où l’arythmie récidive rapidement après cardioversion et où le patient présente des symptômes intolérables, que se discute une réablation précoce.
Les récidives tardives
Les récidives tardives sont globalement assez fréquentes. On retrouve parmi les facteurs de risque de récidives tardives, des facteurs cliniques, tels que la fibrillation atriale persistante, le syndrome d’apnée du sommeil, l’obésité, l’âge, l’hypertension artérielle, ou anatomiques tels que la taille de l’oreillette gauche et la présence de fibrose atriale à l’IRM cardiaque. Ce qui a été réalisé lors de la première ablation peut également fortement influencer la récidive et son mode. Par exemple, si des lignes d’ablation ont été faites, le risque de récidive de tachycardies organisées est élevé.
La prise en charge de ces récidives tardives fait principalement appel à la réintervention.
En effet, il est bien démontré aujourd’hui, que les résultats de l’ablation de la fibrillation atriale à long terme sont bien meilleurs si plusieurs interventions sont réalisées comparé à une seule procédure(2).
C’est la raison pour laquelle cette éventualité doit être discutée dès la consultation préalable au geste opératoire initial. Lors de cette nouvelle ablation, il sera contrôlé la pérennité de l’isolation des veines pulmonaires quelle que soit la présentation clinique (fibrillation atriale ou tachycardie atriale). Les systèmes de cartographie en 3D ont une place privilégiée dans l’exploration diagnostique et dans la thérapeutique de ces récidives arythmiques. Le nombre de réinterventions qu’il est raisonnable de réaliser est dépendant de différents facteurs :
– du type d’arythmie observée : s’il s’agit d’arythmies organisées, il est probable que l’on choisira de pratiquer une nouvelle procédure d’ablation ;
– de ce qu’il a été constaté lors de la précédente intervention : en cas d’anomalies atriales importantes et diffuses, il sera peut-être préférable d’envisager une autre solution thérapeutique ;
– de la correction ou non des facteurs de risque de fibrillation atriale (voir plus loin) ;
– enfin de la volonté du patient et des symptômes présentés.
La poursuite d’un traitement antiarythmique antérieurement inefficace, peut s’avérer utile et être un choix thérapeutique selon la présentation clinique du patient, comme en témoigne les résultats d’une étude récente sur le sujet(3).
Prise en charge des facteurs de risque de fibrillation atriale
Dans le cadre de la gestion des récidives d’arythmies après ablation de FA, on se doit d’envisager la prévention de ces récidives. Outre le geste interventionnel, il faut pour donner au patient les meilleures chances de succès à long terme, corriger activement les facteurs de risques de FA. Il est clair qu’on ne peut rien contre son âge, son sexe, ou sa prédisposition génétique, mais l’HTA, le diabète, le syndrome d’apnée du sommeil, l’obésité, la consommation excessive d’alcool, le tabagisme, l’insuffisance cardiaque, l’activité sportive à outrance, sont des facteurs favorisants de la FA, sur lesquels les médecins, avec le concours du patient, peuvent influer. Il a bien été démontré qu’une correction agressive de ces facteurs de risque était associée à une diminution significative du risque de récidive que l’on considère une ou plusieurs interventions d’ablation(4). La correction d’un syndrome d’apnée du sommeil est particulièrement importante, le risque de récidive d’arythmie étant globalement divisé par deux à un peu plus d’un an après l’ablation initiale si le patient est appareillé.
En pratique
Sauf cas particuliers, il est habituel de maintenir un traitement antiarythmique pendant la période de 1 à 3 mois suivant l’ablation.
En cas de récidive précoce symptomatique et persistante, une ou deux cardioversions électriques peuvent s’envisager pendant cette période. Dans de rares cas, il sera discuté d’une réablation précoce.
Après cette phase de « blanking period », la priorité est donnée à une nouvelle procédure d’ablation après en avoir discuté avec le patient et avoir reçu son aval.
Dans l’hypothèse où la réintervention ne paraît pas raisonnable, il faut savoir changer de stratégie et penser au contrôle de la fréquence, médicamenteux ou par ablation du nœud atrio-ventriculaire.
Dans tous les cas, afin de réduire au maximum le risque de récidive après ablation, il convient de traiter et de corriger les facteurs de risque modifiables de la fibrillation atriale et notamment l’obésité, l’hypertension artérielle et le syndrome d’apnée du sommeil.
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