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Congrès et symposiums

Publié le 15 mar 2019Lecture 6 min

Rein, cœur et diabète : les liaisons vertueuses

Michèle DEKER, Paris

JESFC

Le glucose est réabsorbé à 90 % au niveau du tube contourné proximal par les cotransporteurs sodium-glucose, SGLT2, conjointement au sodium. Le blocage de ces transporteurs augmente l’élimination du glucose dans les urines et prend tout son intérêt chez les patients diabétiques chez lesquels le seuil de filtration du glucose par le rein est paradoxalement plus élevé que chez le sujet non diabétique. L’effet hypoglycémiant est d’autant plus important que la glycémie initiale est élevée. Les inhibiteurs SGLT2 forment une classe thérapeutique homogène qui a montré des bénéfices chez les patients diabétiques de type 2 au-delà du contrôle glycémique, notamment en prévention des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et sur la fonction rénale.

Un effet néphroprotecteur démontré L’activité des inhibiteurs de SGLT2 dépend du débit de filtration glomérulaire (DFG) ; en cas de DFG < 45 ml/min, l’effet des iSGLT2 est limité. En corollaire de la glucosurie et de la natriurèse initiale qu’ils provoquent, les iSGLT2 entraînent une réduction pondérale, associée à une diminution de la masse grasse et du volume extracellulaire, outre une baisse de la pression artérielle. Les iSGLT2 diminuent l’albuminurie. L’initiation du traitement s’accompagne d’une légère diminution du DFG, lequel se stabilise ultérieurement, à l’instar de ce qui est observé avec les IEC ou les ARA II. Dans les essais de phase 3 des iSGLT2, ces traitements ont fait la preuve d’un effet néphroprotecteur, sur l’incidence de la macroalbuminurie, le doublement de la créatininémie et l’insuffisance rénale terminale. Certains diabétiques développent une hyperfiltration glomérulaire, laquelle est normalisée par le contrôle du diabète et corrigée sous iSGLT2 par un mécanisme de feed-back tubulo-glomérulaire avec une moindre dilatation de l’artère afférente et une diminution de la pression intraglomérulaire. Il semblerait également que la fibrose rénale est moindre sous traitement par iSGLT2. Tous les iSGLT2 partagent les mêmes effets. ADO : quels choix thérapeutiques à l’avenir ? Il existe deux cibles thérapeutiques dans le diabète de type 2 : la résistance à l’insuline, souvent prépondérante, et le déficit d’insulinosécrétion. La perte de poids et l’activité physique sont très efficaces sur l’insulinorésistance ; la metformine reste un bon traitement, utilisé en 1re intention ; les glitazones, efficaces sur l’insulinorésistance, ne sont plus utilisées en France depuis 2011. Parmi les traitements oraux pour stimuler la sécrétion d’insuline, nous disposons des glinides et des sulfamides hypoglycémiants. L’insuline pallie le déficit d’insulinosécrétion. Les inhibiteurs des -glucosidases réduisent la glycémie postprandiale. Les agonistes du GLP1 et les inhibiteurs de DPP4 augmentent la sécrétion d’insuline de manière glucose-dépendante et réduisent la sécrétion de glucagon ; en outre, les aGLP1 diminuent la surcharge pondérale et la graisse viscérale, et de ce fait sont de bons traitements de la résistance à l’insuline. Pour leur part, les iSGLT2 réduisent la glycémie et le poids, et par ce biais ont un effet favorable sur l’insulinorésistance. Aujourd’hui, il est convenu de personnaliser le traitement en tenant compte de la cible glycémique (en général < 7 %, cible moins exigeante si : antécédents d’hypoglycémie, sujets très âgés fragiles, micro- ou macroangiopathie avancée), du profil physiopathologique du patient, des effets secondaires (hypoglycémies, prise de poids) et de la présence d’une pathologie associée (antécédent cardiovasculaire, néphropathie diabétique, insuffisance cardiaque). La baisse de poids, l’activité physique, la metformine, les glitazones, les iDPP4, les aGLP1 et les iSGLT2 sont tous efficaces pour lutter contre la résistance à l’insuline ; les iSGLT2 sont également intéressants en cas de déficit d’insulinosécrétion. Le profil des patients insulinorésistants se caractérise par une activité physique modérée, une hypertriglycéridémie, un HDL-C bas, éventuellement une stéatose hépatique. Celui des patients insulinopéniques est plutôt une tendance à la perte de poids et une ascension majeure de la glycémie postprandiale par rapport à la glycémie à jeun. Des algorithmes de traitement ont été élaborés par la Société francophone du diabète et plus récemment par les Sociétés américaine et européenne de diabétologie (ADA/EASD). En échec de monothérapie par metformine et en l’absence de complication cardiovasculaire ou rénale avérée, le choix est assez ouvert en 2e ligne : iDPP4, sulfamide, avec un avantage pour les iDPP4 (pas d’hypoglycémie ni de prise de poids) ou iSGLT2 ; en cas de surpoids franc, un aGLP1 peut être préféré. En 3e ligne de traitement, chez un patient plutôt insulinorésistant, le choix est ouvert entre iSGLT2 (voie orale) et aGLP1 (injectable), en interrompant l’iDPP4 dans cette dernière option ; si le patient a plutôt un profil de déficit d’insulinosécrétion, il faudra ajouter soit un iSGLT2 soit un sulfamide, voire passer à l’insuline si le déficit est majeur. À noter que l’absence d’hypoglycémie et la baisse de poids sous iSGLT2 leur confère un profil très avantageux comparativement aux sulfamides et à l’insuline. En cas de cardiopathie ischémique (IDM, AVC), un aGLP1 est indiqué en choisissant une molécule ayant montré des bénéfices cardiovasculaires (liraglutide, sémaglutide, dulaglutide ? en attente des résultats définitifs de l’étude de sécurité cardiovasculaire) ; un iSGLT2 peut y être associé dans un 2e temps. En cas d’insuffisance cardiaque ou de néphropathie avérée, il faudra débuter par iSGLT2 et, si nécessaire pour l’obtention de la cible glycémique, ajouter un aGLP1. Selon les nouvelles règles de traitement du patient diabétique de type 2, le traitement institué doit être arrêté s’il n’a pas permis d’obtenir une réduction de l’HbA1c ≥ 0,5 %. L’idée est de ne pas empiler les molécules si elles ne sont pas efficaces. En outre, il faut veiller aux hypoglycémies chez les patients traités par sulfamide, glinide ou insuline. Bénéfices cardiovasculaires des iSGLT2 : quels mécanismes en jeu ? L’ertugliflozine est la 4e molécule de cette classe thérapeutique, après l’empagliflozine, la canagliflozine et la dapagliflozine. Les résultats de son étude de sécurité cardiovasculaire devraient être présentés fin 2019. Toutes ces études sont complémentaires car les populations incluses sont différentes : en prévention secondaire dans EMPAREG, à haut risque cardiovasculaire dans CANVAS, 40 % en prévention secondaire et 60 % en prévention primaire dans DECLARE. Les trois études des iSGLT2 déjà présentées montrent une réduction majeure des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et un bénéfice rénal. L’étude VERTIS avec l’ertugliflozine, chez des patients en prévention secondaire (99,9 %), comporte une 1re partie basée sur une étude de non-infériorité avec le MACE pour critère et une 2e étude de supériorité basée sur l’analyse de trois critères secondaires préspécifiés : décès CV/hospitalisation pour insuffisance cardiaque ; décès CV ; critère composite rénal (décès de cause rénale, dialyse, doublement de la créatinine). Près du quart des patients inclus ont un antécédent d’insuffisance cardiaque (vs 10 % dans EMPAREG), ce qui permet d’augurer un effet encore plus marqué sur le critère insuffisance cardiaque dans l’étude VERTIS. Les mécanismes d’action des iSGLT2 expliquant leurs effets bénéfiques peuvent être schématiquement de deux ordres : – un effet métabolique lié à la glucosurie : perte de poids, augmentation du glucagon, réduction de la glucotoxicité et de l’inflammation ; – un effet hémodynamique : la diurèse osmotique entraîne une réduction de la pression artérielle (de 4-5 mmHg), de la rigidité artérielle, du volume plasmatique, et une augmentation du feed-back tubulo-glomérulaire. L’augmentation de l’hématocrite résultant de la diminution du volume plasmatique pourrait rendre compte en partie de la baisse des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. L’augmentation du glucagon, consécutive à la perte urinaire de glucose, modifie à la hausse le rapport glucagon/insuline, d’où une augmentation de la lipolyse et de la cétogenèse, et un changement de substrat énergétique disponible pour le cœur, le bêtahydroxybutyrate qui est plus rentable du point de vue énergétique. Une autre hypothèse métabolique est celle de la glucotoxicité, dont la suppression chez la souris rétablit une fonction cardiaque normale. Enfin, les iSGLT2 pourrait avoir une action directe sur le transporteur Na+H+, perturbé dans l’insuffisance cardiaque. D’après J.-M. Halimi, B. Vergès et É. Puymirat Débat organisé lors des JESFC 2019

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