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Insuffisance cardiaque

Publié le 15 avr 2019Lecture 5 min

Quel suivi pour l’insuffisant cardiaque ?

Emmanuelle BERTHELOT, Patrick JOURDAIN, Hôpital Bicêtre, AP-HP, Paris

L’insuffisance cardiaque (IC) est un problème majeur de santé publique. Même si les décès ont tendance à régresser grâce à l’amélioration des traitements, les hospitalisations restent très fréquentes, avec pour conséquence une dépense importante de santé publique.

Pourquoi organiser le suivi après une hospitalisation pour IC aiguë ? L’hospitalisation chez un patient présentant une IC est un événement grave et marque en général un tournant évolutif défavorable dans la maladie. La sortie d’hospitalisation est un moment crucial. En effet, le risque de réhospitalisation dans les trois mois qui suivent une hospitalisation pour IC est particulièrement important : c’est la phase dite « vulnérable » (figure 1). À ce moment, l’optimisation du traitement médical (IEC, bêtabloquant, antialdostérone, LCZ 696, resynchronisation, ivabradine) de l’IC à FEVG réduite permet de réduire les réhospitalisations et les décès (figure 1). En parallèle, le traitement de la congestion avec l’adaptation des doses de diurétiques est indispensable. Dans l’IC à FEVG préservée, la manoeuvre thérapeutique est plus mince et est basée principalement sur les diurétiques. Le contrôle des facteurs déclenchants d’IC est important : contrôle de l’hypertension artérielle, éviter les écarts de régime, traitement des arythmies. Figure 1. « Phase vulnérable ». D’après Nature Review Cardiology, 2015. Les données du registre français OFICA nous indiquent que les patients avec IC à FE réduite qui sortent d’hospitalisation sont mieux traités qu’à l’entrée. En revanche, à trois mois, les traitements ne sont pas particulièrement optimisés. Seulement 48 % des patients sont traités avec ≥ 50 % de la dose cible d’IEC ou AA2 et seulement 31 % des patients sont traités avec ≥ 50 % de la dose cible de bêtabloquant. Seulement 25 % des patients du registre étaient traités par anti aldostérone (figure 2). Les données du registre Qualify publié en 2017 nous informent que la mauvaise adhérence du cardiologue aux guidelines aggrave le pronostic de l’insuffisance cardiaque : un patient moins traité est un patient qui a plus de risque de mourir. Les consultations post-hospitalisation sont donc indispensables. Figure 2. Données d’OFICA : inertie médicale. D’après Health Care Current Review, 2017. Que réaliser pendant la consultation suivant la sortie d’hospitalisation ? La HAS recommande une consultation chez le médecin traitant dans la semaine qui suit l’hospitalisation concernant le suivi du patient insuffisant cardiaque et une consultation chez le cardiologue dans les deux mois (figure 3). L’examen clinique repose sur la mesure de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, du poids et note les variations observées depuis la sortie d’hospitalisation. Les examens biologiques contrôlent la kaliémie, la natrémie, la fonction rénale, et les enzymes hépatiques. Figure 3. Objectifs de la consultation. Le taux de peptide natriurétique à la sortie est un excellent marqueur pronostique à quatre mois et l’objectif du NT-proBNP est d’être à moins de 1 000 pg/ml. L’électrocardiogramme permet d’observer la fréquence cardiaque et la largeur du QRS. La fréquence cardiaque est optimale entre 60 et 70 battements par minute. Un QRS > 150 ms chez un patient porteur d’une IC à FE ≤ 35 % qui reste symptomatique après titration des médicaments doit faire discuter une resynchronisation. Sur le plan thérapeutique, l’observance des traitements est à vérifier. On peut s’aider d’un questionnaire rapide pour savoir si le patient prend bien son traitement (tableau). Le médecin profite de la consultation pour titrer les traitements d’insuffisance cardiaque en fonction des signes cliniques, biologiques et des recommandations. Un temps est dédié à l’éducation thérapeutique. Le patient a-t-il entendu le diagnostic « insuffisance cardiaque » ? Qu’a-t-il compris de sa maladie ? Connaît-il les symptômes d’alerte (EPOF) ? Il est important d’évaluer l’autogestion du traitement par le patient, le vécu de sa maladie au quotidien. Il est possible de prévoir des séances éducatives auprès d’une infirmière. Le régime alimentaire peu salé (4 à 6 g de sel), la réduction de la consommation d’alcool et l’arrêt du tabac sont à aborder. La nouvelle mesure « sport sur ordonnance » permet d’encourager l’activité physique. La discussion avec les proches permet de prendre en compte les difficultés rencontrées par le patient et ses aidants. Quelles sont les difficultés actuelles ? Cependant, d’après des données nationales publiques, 30 jours après une première hospitalisation, seulement 71 % des patients ont vu un médecin généraliste et seulement 29 % des patients ont vu un cardiologue ou ont eu une échocardiographie cardiaque. Seulement 16 % des patients ont eu un dosage du NT-proBNP dans l’année ayant suivi l’hospitalisation. Les difficultés identifiées pour optimiser le parcours du patient en sortie d’hospitalisation sont nombreuses. • Les difficultés liées à l’hôpital peuvent être mises en lien avec l’intérêt des hôpitaux à la tarification à l’acte et à l’absence de qualification spécifique du personnel (peu d’infirmières spécialisées en insuffisance cardiaque, peu de médecins très sensibilisés à la pathologie). Des outils ont été proposés tels que la check-list sortie et la prise de rendez-vous auprès du médecin généraliste et du cardiologue (programme PRADO). La cellule de coordination d’insuffisance cardiaque qui reverra les patients pour optimiser le traitement lors de la sortie d’hospitalisation pendant la phase « vulnérable » va être développée dans certaines structures hospitalières. • Les difficultés liées à la ville peuvent être imputées au système de soins (tarification) et à un défaut de formation ou d’intérêt des professionnels de ville (médecin généraliste, infirmière de ville, cardiologue de ville). Des mesures d’encouragement ont été développées : revalorisation tarifaire de la consultation de sortie après hospitalisation pour IC et la prise en charge des actes de télémédecine par la CPAM. • Des réseaux de soins ayant pour objectif de renforcer la coordination des soins, la surveillance et l’éducation des patients insuffisants cardiaques les plus graves en région existent (exemple : CARDIAUVERGNE), mais ne permettent pas de couvrir tout le territoire. • Enfin, dans certains pays il existe des pénalités en cas de réhospitalisation. Il n’est pas démontré que ces méthodes pénalisantes sont efficaces (figure 4). Figure 4. Quelles solutions organisationnelles ? En pratique Une consultation de suivi dans l’insuffisance cardiaque est donc aujourd’hui loin d’être systématique et probablement loin d’être standardisée. Cinq points doivent être abordés pendant la consultation. On pourra encourager la prescription d’une surveillance par télémédecine.

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